La Cinémathèque de Corse / Casa di Lume poursuit depuis sa création un travail de valorisation du patrimoine cinématographique. La manifestation CinémAffiche en est la principale vitrine et met en lumière, chaque année, un pan de l’histoire de la Corse et du cinéma avec une exposition, des projections et un catalogue. Du photographe de plateau, Jean-Louis Castelli, au distributeur producteur Hercule Mucchielli, à l’exploitant et cinéaste amateur de Porto-Vecchio André Biancarelli, ces artistes sont des maillons souvent peu connus de cette chaîne cinématographique que nous avons à cœur de vous faire découvrir. Ils tiennent une place originale et stratégique dans la vie d’un film et se trouvent associés à leur existence. Aux débuts du cinéma, de nombreux hommes de théâtre, d’acteurs se sont intéressés à cet art nouveau. Leur curiosité et leur talent se sont manifestés de diverses manières. André Antoine, grand homme de théâtre à la réputation bien établie, toujours à l’écoute de nouvelles formes de narration et que le cinéma attirait, a émis des théories d’avant-garde : « Je suis arrivé dans l’ignorance complète de ce métier, c’était un peu aventureux, mais en échange, j’apportais des yeux tout neufs, aucun parti pris ; seulement de la curiosité et le désir de bien faire ». Cette nouvelle forme d’intérêt, le fondateur du Théâtre libre l’applique en passant à la réalisation des Frères corses d’après Dumas (1915) : « L’idée lui vint tout naturellement d’amener ses gens dans le pays même, mais ça ne se faisait pas. Tout au plus allait-on jusqu’à Nice, et encore dans certains cas très rares. Les voyages étaient trop coûteux et du reste les acteurs choisis ne pouvaient quitter Paris et leurs théâtres. La Corse, la Chine, l’Espagne et le Japon, se situaient simplement aux environs du fort de Vincennes ». Nous sommes en plein conflit et malheureusement il ne peut appliquer ces préceptes, il se contente de toiles peintes. Les méfaits de la guerre ont eu un effet inattendu sur ceux qui en sont revenus. Ces soldats ont eu un regard attentif sur les régions qu’ils ont occupées et à leur retour ils ont su décrire et s’intéresser à ce qu’était la France et les français. L’acteur principal des Frères corses, Henry Krauss, sensible à cet état d’esprit et en bon disciple d’Antoine, retient la leçon et décide de réaliser, en 1921, l’adaptation d’un drame corse Les 3 masques de Charles Méré créé en 1912 au théâtre Mevisto (un autre élève d’Antoine), et cette fois il peut venir la tourner sur les lieux de l’action. C’est pourquoi cette année 2009, la Cinémathèque de Corse a choisi de mettre en valeur la pièce de théâtre de Charles Méré Les 3 masques. L’argument corse de la pièce fut suggéré à l’auteur par son professeur de lettres au lycée de Toulon, Léon Gistucci, conseiller général de la Corse. Ce fut la première pièce écrite par Charles Méré : l’essai fut un coup de maître.
1908 Les 3 masques, la pièce présentée au théâtre Mevisto, fit courir tout Paris.
1912 Isidore de Lara adapte la pièce en drame lyrique et la présente à Marseille.
1921 Henry Krauss, fidèle aux préceptes de son maître Antoine, réalise sur les lieux de l’action, en Corse, une première version cinématographique.
1929 André Hugon dirige en studio la seconde adaptation cinématographique. Ce sera le premier film parlant français.
1931 La pièce retrouve finalement la scène et entre au répertoire du théâtre du Grand-Guignol.
CinémAffiche 19 réunit trois associations, réparties sur le territoire corse, l’ « Aria », « Sorru in musica », et « La Corse et le Cinéma », qui apportent leurs passions au service du théâtre, de la musique et du cinéma, pour une nouvelle vision des 3 masques. Robin Renucci présente la pièce de Charles Méré, mise en scène par Nathalie Bécue-Prader, lors des 12èmes Rencontres Théâtrales de l’ARIA. Bertrand Cervera et son ensemble Paris Classik animent le Festival de Sorru in Musica et accompagnent la projection du film muet de 1921 pour un Ciné concert. La Cinémathèque de Corse a associé, pour cet ouvrage, personnalités et institutions patrimoniales à la recherche de Charles Méré, des 3 masques et ses diverses adaptations : théâtre, musique et cinéma. Nous remercions particulièrement Philippe Méré pour l’aide et la participation qu’il a apportées à ce projet, sans oublier Michel Landi dont les visuels éclairent nos manifestations.
Dominique Landron
Président de la Cinémathèque de Corse
Catalogue "Les 3 masques, théâtre, musique, cinéma"
en vente à la Cinémathèque de Corse, 10 €