- Écrivains algériens d'origine non-européenne considérés comme classiques :
Jean Amrouche جان عمروش, Mouloud Feraoun مولود فرعون, Mouloud Mammeri مولود معمري, Mohammed Dib محمد ديب, Kateb Yacine كاتب يسين,
Mostefa Lacheraf مصطفى الأَشراف ...
- Écrivains algériens d'origine européenne engagés dans le combat
jusqu'en 1962 et restés après l'indépendance :
Jean Sénac, Anna Greki, Jean Pélégri ...
- Les nouveaux écrivains algériens :
Assia Djebar آسيا جبار, Djamal Amrani جمال عمراني, Rachid Boudjedra رشيد بوجدرة, Tahar Djaout طاهر جاوت, Rachid Mimouni رشيد ميموني, Yamina Mechakra يامنة مشكرى,
Rabah Belamri رابح بلعمري, Malika Mokeddem مالكة مقدّم, Boualem Sansal بوعلام صنصال, ...
- La seconde génération résidant en Algérie ou à l'étranger :
Mehdi Charef مهدي شارف, Ahmed Kalouaz احمد كلواز, Azouz Begag عزوز بقاق, ...
- Les écrivains algériens mixtes (dont un parent n'est pas d'origine algérienne):
Leïla Sebbar ليلة صبار, Nina Bouraoui نينة بوراوي, Leïla Rezzoug ليلة رزوق, Leïla Zhour ليلة زهور,...
- Les écrivains, historiens, philosophes et journalistes non-algériens qui ont écrit sur l'Algérie :
Pierre Vidal-Naquet, Bruno Etienne, Pierre Péan, Pierre Dévoluy, Annie Rey-Goldzeiguer, Paul Balta, Claudine Rulleau, Benjamin Stora,...
«Est écrivain algérien, tout écrivain ayant définitivement opté pour la nation algérienne.»
«Quand il est question d'écrivains algériens, il s'agit évidemment d'auteurs nés en Algérie, d'origine européenne ou autochtone,
auxquels il faudrait ajouter ceux qui, ayant vécu ou vivant en Algérie, ont découvert ou découvrent ici leurs sources d'inspiration.
Les uns et les autres sont Algériens dans la mesure où ils se sentent eux-mêmes Algériens, et où leur œuvre concerne l'Algérie.
S'ils ne sont rassemblés autour d'aucun manifeste, il est indispensable, je crois, que quelque chose les réunisse : la même fidélité
à la terre et aux hommes, le même esprit, les mêmes goûts, une certaine complicité peut-être ...
En tout cas, l'expression écrivains algériens ne comporte à mon sens nulle ambiguïté».
«Le portrait idéal de l'écrivain algérien rêvé, serait le suivant selon nos
censeurs :
- être arabo-musulman (critère de race),
- être d'expression arabe (critère linguistique),
- être rattaché aux valeurs traditionnelles de l'Islam (critère religieux),
- être le hérault de notre socialisme spécifique (critère politique).»
Assia Djebar آسيا جبار - L'amour, la fantasia
La tunique de Nessus - p 240
Bien avant le débarquement français de 1830, durant des siècles autour des présides espagnols (Oran, Bougie, comme Tanger ou Ceuta, au Maroc), la guerre entre les indigènes résistants et occupants souvent bloqués se faisait selon la tactique du « rebato » : point isolé d'où l'on attaquait, où l'on se repliait avant que, dans les trêves intermédiaires, le lieu devienne zone de cultures, ou de ravitaillement.
Ce type de guerre, hostilité offensive et rapide alternant avec son contraire, permettait à chaque partenaire de se mesurer indéfiniment à l'autre.
Après plus d'un siècle d'occupation française - qui finit, il y a peu, par un écharnement -, un territoire de langue subsiste entre deux peuples, entre deux mémoires ; la langue française, corps et voix, s'installe en moi comme un orgueilleux préside, tandis que la langue maternelle, toute en oralité, en hardes dépenaillées, résiste et attaque, entre deux essoufflements. Le rythme du « rebato » en moi s'éperonnant, je suis à la fois l'assiégé étranger et l'autochtone partant à la mort par bravade, illusoire effervescence du dire et de l'écrit.
Écrire la langue adverse, ce n'est plus inscrire sous son nez ce marmonnement qui monologue ; écrire par cet alphabet devient poser son coude bien loin devant soi, par-derrière le remblai - or dans ce retournement, l'écriture fait ressac.
Langue installée dans l'opacité d'hier, dépouille prise à celui avec lequel ne s'échangeait aucune parole d'amour … Le verbe français qui hier était clamé, ne l'était trop souvent qu'en prétoire, par des juges et des condamnés. Mots de revendication, de procédure, de violence, voici la source orale de ce français des colonisés.
Sur les plages désertées du présent, amené par tout cessez-le-feu inévitable, mon écrit cherche encore son lieu d'échange et de fontaines, son commerce.
Cette langue était autrefois sarcophage des miens ; je la porte aujourd'hui comme un messager transporterait le pli fermé ordonnant sa condamnation au silence, ou au cachot.
Me mettre à nu dans cette langue me fait entretenir un danger permanent de déflagration. De l'exercice de l'autobiographie dans la langue de l'adversaire d'hier …
Le titre du chapitre dont le texte ci-dessus est extrait évoque, dans la mythologie romaine
la tunique de Nessus à laquelle l'auteur compare la langue française et que Kateb Yacine كاتب يسين
considérait lui-même comme un butin de guerre :
Nessus : une aide qui tourne mal
Le centaure Nessus offre ses services à Hercule pour faire traverser le fleuve à son épouse Déjanire. Alors qu'il s'éloigne dans les flots, Nessus tente d'enlever la jeune femme. Blessé mortellement par Hercule, il donne avant de mourir à Déjanire sa tunique trempée de sang. Il prétend qu'elle agit comme un talisman qui lui assurera la fidélité de son mari. Hercule revêt la tunique mais elle lui cause de telles douleurs qu'il met fin à ses jours.
À l'époque romaine comme plus tard à l'époque arabe, l'Algérie, fondue dans un ensemble plus vaste qu'elle, n'a pas de production littéraire spécifique. Si, au XIVe siècle, Ibn Khaldoun ابن خلدون rédige à proximité de Tiaret une part importante de son œuvre d'historien, les fameux Prolégomènes, il n'est pas un enfant du pays, mais un écrivain itinérant à l'intérieur du Maghreb.
Avec la conquête française, l'Algérie s'agrège à un nouvel ensemble culturel. Dans la communauté européenne de la colonie se développe, au début du XXe siècle, un courant littéraire algérianiste où se distinguent Robert Randau, Isabelle Eberhardt, Lucienne Favre. Très différente, parce que délibérément universelle, est l'école d'Alger où s'illustrent, à partir du milieu des années 1930, Albert Camus, Emmanuel Roblès, Jules Roy et Jean Pélégri. Une littérature algérienne d'expression française naît peu de temps après,
d'abord marquée par l'écrivain kabyle chrétien Jean Amrouche جان عمروش (l'Éternel Jugurtha, 1946), puis par Mouloud Feraoun مولود فرعون (le Fils du pauvre, 1950), Mouloud Mammeri مولود معمري (la Colline oubliée, 1952) et Mohammed Dib محمد ديب (la Grande Maison, 1952). Ces écrivains ouvrent la voie à une littérature de combat, conduite de front avec la lutte de libération nationale par Kateb Yacine كاتب يسين (Nedjma, 1956), Malek Haddad مالك حدّاد, Assia Djebar آسيا جبار, Djamal Amrani جمال عمراني,
mais aussi par deux poètes d'origine européenne, Anna Greki (Algérie capitale Alger, 1963) et Jean Sénac (Matinale de mon peuple, 1961). Après l'indépendance, la littérature d'expression française se poursuit avec Mourad Bourboune, Rachid Boudjedra رشيد بوجدرة, Rabah Belamri رابح بلعمري, Rachid Mimouni رشيد ميموني (Tombeza, 1984).
Dans le même temps, la littérature de langue arabe – restée vivante même à l'époque coloniale avec Mohamed Bencheneb محمّد بن أبي شنب, Cheikh Ben Badis, Bachir Ibrahimi – progresse. Le genre romanesque surtout, essayé dans les années 1950 par Reda Houhou رضى حوحو, se développe dans les années 1970 avec pour chefs de file Abdelhamid Benhedouga عبد الحميد بن هدوقة (Vent du sud, 1971) et Tahar Ouettar طاهر وَطّار (l'As, 1974), dont les œuvres sont traduites dans plusieurs langues.
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