L’Inde au Père Lachaise
La première tombe indienne au Père Lachaise est celle de la Reine d’Oude, MALKA KACHWAR, décédée à Paris en janvier 1858 après avoir protesté en vain à Londres, auprès de la Reine Victoria et à la chambre des communes, contre l’annexion de son royaume (1856) évènement qui fut une des causes de la révolte des Cipayes (1857). La Reine fut inhumée en grande pompe, selon les rites de son pays, dans l’enclos musulman qui venait d’être ouvert le 1er janvier 1857 (85e division). Le fragile petit mausolée en style indo-musulman qui ornait son tombeau a disparu au début du XXe siècle mais une reconstruction est actuellement envisagée.

Mais qui était cette mystérieuse Reine d’Oude, venue « demander à la noble terre de France l’hospitalité du tombeau » ?
En 1856, la couronne britannique s’empare du royaume d’Oude, situé en Inde, dans la fertile vallée du Gange. Détrôné, le roi meurt l’année suivante. La reine mère, S.M. Malka Kachwar, prend alors le parti de se rendre en Grande-Bretagne plaider sa cause auprès de la Reine Victoria. Peine perdue. Malade (peut-être le climat britannique ne lui avait-il pas convenu), elle traverse la Manche et gagne Paris où elle séjourne à l’hôtel Lafitte. C’est dans cet établissement qu’elle décède le 25 janvier 1858, âgée de 53 ans.
Des funérailles propres à marquer les esprits

Toute la matinée, le corps hâtivement embaumé de la souveraine fut exposé dans la cour de l’hôtel. Suivant en cela les rites musulmans, décès et inhumation se déroulèrent le même jour : le cortège s’ébranla à 14h. Ce fut un corbillard public qui emmena la défunte, escorté par des sergents de ville. La suite de la souveraine, un de ses fils qui l’avait suivie en Europe, et plusieurs ambassadeurs orientaux marchaient derrière la voiture, chacun ayant revêtu le costume de son pays. « Le cercueil, couvert d’un tissus splendide, dont le fond pourpre était parsemé de palmes et d’arabesques d’or, était placé sur un magnifique catafalque dont les draperies en soie blanche étaient constellées d’argent. Six chevaux blancs couverts de riches caparaçons brodés et frangés d’argent formaient l’attelage. » Douze voitures de deuil fermaient la marche.

Le cortège emprunta les boulevards pour rejoindre le Père-Lachaise, salué par une foule de plus en plus nombreuse et qui suivit le convoi jusqu’aux portes du cimetière, fascinée par un spectacle qu’elle ne reverrait pas de si tôt. Seuls les membres de convoi se rendirent à l’enclos musulman, ouvert l’année précédente.
« Le cercueil, couvert de son linceul d’or, fut placé en travers de la porte de la mosquée, pendant que deux imams psalmodiaient des chants funèbres [...] Ce ne fut que vingt minutes après que commencèrent les cérémonies de l’inhumation.
Un vaste drap tout lamellé d’or, et soutenu en forme de dais par quatre supports recouverts de velours et par des cordes d’or, fut étendu au-dessus de la fosse où le cercueil fut descendu non sans peine. Un drap blanc fut aussitôt jeté sur la tombe béante. Deux femmes [...] se glissèrent dans la fosse où elles accomplirent quelques formalités qui échappèrent à tous les regards. » La tombe fut comblée après que chacun ait pu y jeter une pelleté de terre.
Le fils, Mirza Moamuk, également malade, vint rejoindre sa mère le 4 mars de la même année.
Le monument ne fut pas immédiatement construit par manque de fond. Si l’on en croit la presse de l’époque, c’est la Grande-Bretagne qui finança la construction du mausolée ainsi que l’achat de la parcelle pour 15.000 francs. Il semble aujourd’hui certain que l’ensemble ait été payé avec les propres deniers de la souveraine.

Marie Beleyme
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Dans la même division, derrière la Reine d’Oude, repose depuis 1913 l’honorable Fazulboy Visram EPRAHIM, président de la « Bombay Municipal Corporation » et membre du Viceroy’s Council.
A partir des années 1920, l’Inde luttant alors pour reconquérir son indépendance, des personnalités indiennes décédées en Europe trouvèrent refuge au Père-Lachaise.
C’est en premier lieu le cas de plusieurs membres de la famille R.D TATA, célèbres industriels, parmi lesquels J.R (Jehangir R.D) TATA (1904-1993) qui est le plus connu. A l’occasion de son centenaire, une cérémonie d’hommage a été organisée en juillet 2004 sous la présidence de M. Dilip LAHIRI, ambassadeur de l’Inde en France. Le tombeau de la famille TATA est situé à la 89e division, à l’angle de l’avenue circulaire et de l’avenue Aguado, en face de la stèle du Jardin du Souvenir.
Dans la même 89e division et dans la 93e division voisine ont été accueillis plusieurs ressortissants de l’Inde, pour la plupart, originaires de Bombay. Il s’agit de fidèles de MAZDA, dieu de la lumière, culte zoroastrien originaire d’Iran mais pratiqué également en Inde, incarné par Zoroastre (Zoroaster, Zarathustra). Ces tombes, neuf au total, toutes en marbre blanc, sont reconnaissables par la présence de motifs historiques babyloniens (archer, grand prêtre ailé, feu...) parfois accompagnés de citations de Zoroastre ou de diverses épitaphes tels que : « To us let it be as Thou shalt will » Zarathoustra, ou encore « The wold is my contry, on touch of nature makes the whole world kin ».... »Résister à la tyrannie c’est obéir à Dieu ».

Des inscriptions en langue de l’Inde figurent sur le tombeau TATA ainsi que sur les tombeaux zoroastriens.
(Fiche d’information établie à l’occasion de la visite en France du Dr Mammohan SINGH, premier ministre de l’Inde, le 12 septembre 2005).
Sources : documentation mise gratuitement à la disposition du public à la conservation du cimetière du Père Lachaise.
Sources : Le Monde Illustré, 6 février 1858