A l'aube du 11 mars 1963, Jean Bastien-Thiry est passé par les armes au fort d'Ivry. Cette exécution politique est la dernière qu'ait connue la France à ce jour.
La victime est un polytechnicien de 35 ans originaire de Lunéville, marié et père de trois fillettes. Scientifique brillant et de stature internationale, il œuvre à la Cité de l'Air, à Paris, avec le grade de lieutenant-colonel, quand sa conscience est bouleversée par le drame algérien.
Le général Charles De Gaulle était revenu au pouvoir grâce au soulèvement de l'armée et des Français d'Algérie, le 13 mai 1958. Ces derniers craignaient à juste titre que le gouvernement de la IVe République ne négocie un retrait des trois départements algériens. Ils placent leurs espoirs dans le Général qui leur promet sans ambages de maintenir l'intégrité du territoire.
Mais une fois au pouvoir avec la Constitution de ses rêves, Charles De Gaulle prend conscience de l'impossibilité de maintenir le statu quo en Algérie.
Il se refuse d'autre part à octroyer aux musulmans d'Algérie tous les droits des citoyens français comme l'eussent souhaité l'ancien gouverneur Jacques Soustelle ou des militaires comme Jean Bastien-Thiry.
Reste l'alternative de l'indépendance. Il faudra trois à quatre longues années pour que le Président de la République arrive à convaincre ses partisans que l'indépendance de l'Algérie est inéluctable.
La déconfiture est totale. Après la signature des accords d'Evian, les Pieds-Noirs refluent en désordre vers la métropole et les vainqueurs du FLN assassinent dans des tortures affreuses plusieurs dizaines de milliers de harkis et autres musulmans francophiles, abandonnés par l'armée française et le gouvernement du général De Gaulle.
Comme beaucoup de militaires de sa génération, Jean Bastien-Thiry ne comprend pas les revirements du général De Gaulle. Il les interprète comme autant de trahisons à l'égard de la Nation, des Français d'Algérie et des musulmans fidèles à la France.
Sous l'égide d'un mouvement clandestin, le Conseil National de la Résistance (CNR) de Georges Bidault, il organise un attentat contre le cortège du Président.
Le 22 août 1962, celui-ci rentre avec son épouse de sa résidence de Colombey-les-Deux-Églises. Au Petit-Clamart, dans la banlieue sud de Paris, la DS présidentielle est mitraillée mais le sang-froid du chauffeur évite que l'attentat ne dérape en tuerie.
Les deux tireurs sont bientôt arrêtés. Jean Bastien-Thiry, est arrêté à son retour d'une mission scientifique en Grande-Bretagne. Un tribunal d'exception, la Cour militaire de Justice, juge les prévenus et les condamne à mort. Le recours en cassation ne leur est pas permis. Leur vie repose entre les mains du Chef de l'État.
L'opinion considère dans un premier temps que, de toute évidence, il usera de son droit de grâce pour un attentat qui n'a pas entraîné mort d'homme. Il gracie effectivement les deux tireurs mais non leur chef. Celui-ci est fusillé huit jours à peine après le jugement.