I I I
DE SENLIS A CHAMANT, BALAGNY-SUR-AUNETTE,
VERBERIE, ETC.
Après avoir traversé dans sa longueur le
faubourg de
Compiègne,
nous saluons Ă notre droite, Notre-Dame de
Bon-Secours dont la chapelle renouvelée termine ce chemin
défoncé et cahotteux, image trop exacte de la voie du
Paradis.
Bon-Secours
est le centre d’un pèlerinage qui, à la fête de
la Visitation, réunit de nombreux fidèles de la ville et des
environs. Le site, qui a reçu dans les vieux titres ces dési-
gnations, la
Coste Henri,
l'
Aulnoie,
la
Fontaine du Peuple
(peuplier), fut occupé quelque temps par les Capucins, qui
le tenaient (
I
606) de la générosité de l’avocat Paul de
Cornouailles.
Voici au sommet de la cĂ´te le lieu dit le
Poteau,
oĂą
rayonnent les routes de Pont, de Verberie, de Balagny.
Chamant, Chamantum
(
II
82) est un pittoresque et joyeux
village dont les dernières maisons se mirent dans l’Aunette.
L’église dresse au-dessus d’un avant-chœur du XI
e
ou
203
XII
e
siècle, un clocher de la première moitié du XII
e
siècle
(
II
25 environ) dont l’ornementation sévère n’exclut pas le
charme poétique. L’on y soulignera des colonnettes à pans,
des chapiteaux du genre que l’on appelle à tort ou à raison,
rhénans, une baie en mître, les jours qui sont ménagés entre
les écailles des assises, l’antéfixe ou croix de pignon du
XV
e
siècle.
204
Mon ami, M. Morris dans son livre savant
Gothic Archi-
tecture,
cite avec insistance ce clocher comme l’un des
meilleurs types que l’on puisse étudier « de ces clochers
« de l’Ile-de-France où la véritable flèche octogone, sur-
« montant la tour rectangulaire avec des pinacles qui
« occupent les angles du carré, apparut de bonne heure au
« XII
e
siècle... Le clocher de Chamant », ajoute M. Morris,
«
est
particulièrement
intéressant
pour
ses
caractères
« extérieurs lesquels reçurent plus tard un développement
« magnifique dans la flèche très unique de la cathédrale de
« Senlis. Ces caractères sont les lucarnes aiguës du pignon
« avec leurs tympans évidés et les baies ou oculus qui sont
« ménagés sur les faces de l’octogone... Ce genre de clocher
« offrait des difficultés qui n’étoient point minimes. Passer
« du plan carré de la base à la forme octogonale de la pyra-
« mide, en conservant la stabilité de la construction et la
« beauté, était un problème ardu pour des architectes qui
« innovaient ». Il faut leur pardonner si à Chamant « la
« transition d’une coupe à une autre manque un peu
« d’agrément » et témoigne d’une certaine inexpérience
sauvage.
Le reste de l’église accuse les XIV
e
et XVI
e
siècles.
A l’intérieur, chapiteaux trapus du XI
e
siècle, chargés
d’un tailloir épais et décorés naïvement de dessins géomé-
triques, de torsades, de palmettes ; Vierge en pierre du
XV
e
siècle avec un orant et le chêne symbolique; pierre
tumulaire qui porte : « Cy gist vénérable et discrette
« personne Maistre Jehan Ponderon, en son vivant curé du
« Billy en Normandie et chappellain et aulmosnier de feu
« Monseigneur le Duc de Montmorency, per et conestable
« de France, qui decedda le
VIII
e
jour d’aoust
I
572. Priez
« Dieu pour lui. »
205
Ce
monument,
qui
garde
la
mémoire
de
Christine-
Éléonore Boyer, première femme de Lucien Bonaparte, a
remplacé un autre monument, en marbre blanc, entouré
d’une grille, que Lucien avait fait élever dans le parc de son
château
du
Plessis-Chamant,
avec
cette
inscription,
que
l’histoire déclare méritée : « Amante, épouse, mère sans
« reproche... 24 floréal an 8 » (
I
4 mai
I
800).
C’est aussi au Plessis, quatre ans après la mort de
Christine Boyer, que Lucien épousa sans avoir pris conseil
des
siens,
Alexandrine de
Bleschamp,
veuve d’Hippolyte
Jouberthon, ce qui causa au premier consul l’une de ses
plus célèbres colères. « Il se fit apporter », disent les
biographes, « les registres de l’état civil
1
de la commune
« de Chamant et il allait en arracher la page où figurait le
« malheureux mariage lorsqu’il fut arrêté par le grand juge
« qui lui fit comprendre la gravité de l’acte auquel il se
« laissait emporter. »
La duchesse d’Abrantès, dans ses
Mémoires,
loue sans
réticence
Christine
Boyer,
«
imagination
méridionale,
« amour délicat pour son mari, justesse de raisonnement
« et surtout bonté exquise; son mari » ajoute-t-elle « n’était
1
Du 3 brumaire an 12 de la république française, 2 heures après midi :
Acte
de
mariage
du
sénateur
Lucien
Bonaparte
domicilié
en
cette
commune,
âgé
de
28
ans,
né
Ă
Ajaccio,
département
du
Liamone,
le
21
mai
1775,
fils
de
feu
Monsieur
Charles
Bonaparte
et
de
Madame
Letitia
Ramolino
sa
veuve,
veuf
d’Éléonore
Christine
Boyer,
morte
Ă
Paris
le
24
floréal
an
8
Et
de
Madame
Marie
Laurence
Charlotte
Louise
Alexandrine
de
Bleschamp
agée de 24 ans, née à Calais, département du Pas de Calais, le 23 février 1778,
fille
de
M.
Charles
Jacob
de
Bleschamp
actuellement
commissaire
principal
de
marine
Ă
S.
Malo
et
de
Madame
Philiberte
Jeanne
Louise
Touret
son
épouse
veuve
de
Monsieur
Jean
François
Hippolyte
Jouberton
décédé
au
port
au
prince
isle S. Domingue le 26 prairial an 10, domiciliée aussi dans cette commune.
Les
dits
époux
ont
a
l’instant
déclaré
reconnaître
pour
leur
légitime
fils
Jules
Laurent
Lucien
Bonaparte
né
Ă
Paris
le
4
prairial
an
onze,
inscrit
sous
la
date
du
5
du
meme
mois
dans
les
registres
du
10
e
arrondissement.
En
présence
de
Jean Noiret sous inspecteur des forets nationales domicilié à Senlis.
20 6
« pas à beaucoup près aussi égal dans son humeur. Cela
« n’empêchait pas que le séjour du Plessis ne fût très
« amusant et l’on me comprendra si je dis que cette
« inégalité elle-même y contribuait un peu. » La duchesse
mentionne ensuite parmi les habitués du château dont le
souvenir lui est demeuré plus vivant, la femme du général
de Frécheville et un M. d’Offreville, poète très content de sa
grotesque personne, auteur d’une tragédie,
Statira,
qui com-
mençait par ce vers :
« Des vertus de son prince un peuple bien nourri. »
Ce
Plessis,
de
Plexitium, Plesseia,
etc.., lieu fermé par des
haies, ce Plessis s’appelait autrefois
Plessis Choisel,
puis
Plessis de Rasse,
parce qu’il appartint dès le XIII
e
siècle à la
famille considérable des Choisels,
gruyers
de la forĂŞt de
Halatte, pour écheoir par les Pacy, au bailli Gilles de
Rouvroy de Saint-Simon de Rasse et Ă ses descendants
1
.
« En
I
690, » dit le savant éditeur des
Mémoires de Saint-
Simon,
« le duc de Saint-Simon perdit son frère [Charles du
« Plessis de Rasse] et hérita de son gouvernement, mais non
« de sa fortune personnelle, car sa veuve, selon l’expression
« des Mémoires, sut prendre les biens et laisser les dettes
« aux héritiers naturels de son mari. Seule la terre patri-
« moniale du Plessis de Rasse revint peut-être, pendant
« quelque temps, au Duc, car
le Mercure
et Dangeau
« racontent qu’un mois après la mort du marquis, le Roi
« fit Ă son frère l’honneur de dĂ®ner au Plessis en allant Ă
« Compiègne, le 28 février
I
690, puis au retour passa en
« revue le régiment d’Asfeld et de Königsmark dans la
« plaine qui faisait face au château... »
1
Voir sur cette Gruerie :
La Forêt d’Halatte et sa Capitainerie,
par M.
F
autrat
(Mémoires du Comité archéologique de Senlis).
207
Maximilien Titon, entrepreneur de la manufacture d’armes
du faubourg Saint-Antoine, acheta, le
I
8 janvier
I
69
I
, le
Plessis, 35.000 livres, pour l’un de ses fils cadets, Jean-
Jacques, maître ordinaire en la Chambre des Comptes,
marié
Ă
Hélène
de
Saint-Mesmin,
fille
d’un
procureur
d’Orléans et frère du littérateur connu Titon du Tillet. Le
musée du Comité archéologique de Senlis possède un por-
trait de Jean-Jacques Titon « seigneur du Plessis et de
« Chamant en partie ».
Après la Révolution, le Plessis fut acquis par le général
Leclerc, puis par son beau-frère Lucien Bonaparte, prince de
Canino,
esprit
éminemment
cultivé,
archéologue,
ami
convaincu de la liberté vraie.
Depuis, le château des Choisel, des Saint-Simon... ou
plutôt la nouvelle habitation bâtie sur son emplacement est
devenue la propriété de M. Stanislas Menier. Les haras, qui
en
sont
une
dépendance,
contiennent
une
centaine
de
chevaux d’entraînement, et les routes aménagées à grands
frais pour ce service, sont regardées comme un modèle.
L’on a découvert, en
I
862, dans le parc de Madame de La
Vaulx, un dolmen qui a fourni autour de la sépulture tout
un mobilier funéraire : grattoirs, haches, dont une emman-
chée dans un bois de cerf, polissoir, flèche à aileron, pointe
en os façonné.
Le lieu dit
Malgeneste,
Ă cause des genets qui lui formaient
un maigre rapport, montrait, il y a un siècle, un château
avec chapelle, arrière-fief de Jacques de Villers; de plus d’un
cadet de la famille des La Fontaine d’Ognon : Nicolas,
quatrième fils de Pierre et de Jeanne de Bauldry (-
I
558);
Philippe, fils puiné de Jean et de Nicole d’Argillières,
marié à Marie de Conty (-
I
6
II
); de Lysander de Baradat,
208
chevalier, vicomte de Bonneuil, capitaine au régiment de
Navarre
1
, etc.
C’est une promenade délicieuse de gagner de Chamant
Balagny-sur-Aunette,
Balagniacum
(II82),
Balegny
(II90),
en suivant la voie romaine de Senlis Ă Soissons : horizons
de bois; puis chemin raide dont le ruban crayeux aboutit Ă
des prairies et falaises roussâtres que trouent le vent et le
bec des pigeons.
Le temps et les révolutions n’ont laissé à l’église de Sainte-
Foy qu’un chœur du XV
e
siècle, une chapelle au nord et
une travée de sa nef où des chapiteaux sauvages de dessin
et d’exécution, grotesques, entrelacs, pommes de pin ou
arum, tailloirs à facettes ou à listels multipliés, trahissent au
moins les premières années du XII
e
siècle.
Le sol du chœur est dallé en partie de pierres tombales que
voici, rangées par ordre chronologique.
« Cy gisent honestes personnes Jacques Brennet laboureur
« demeurant à Balagny lequel decedda le VII
e
mars I587 et
«
Claudine Corbel sa femme, laquelle decedda le X
e
no-
« vembre I588; le dict Brennet a donné à l’église de ceans
« ung demi arpent de terre assiz au terrouer de Monlevesque
« a la charge d’un obict et deux deniers de cens au dame
« de monmartes. Priez Dieu pour leurs ames ». Armoiries
usées. Dessin vulgaire.
« Cy gist Nicolas le Normant en son vivant recepveur de
« Monsieur de Balagny lequel trespassa le 2
e
jor d’aoust
« mil cinq cens quatre vingt et sept. Priez Dieu pour son
« âme ».
« Claude de Franssure, escuier seigneur de Villers
1
«
Saint-Simon
»,
dit
l’auteur
de
l
'Estat
de
la
France,
1648-1649
«
Saint-
« Simon aimé fort longtemps par le roi après le seigneur de Baradas. »
2 0 9
« (
I
59
I
) et Marguerite de Brunet. » Claude porte de... à la
fasce chargée de trois tourteaux ou besans.
« Cy gisent les corps de honorable personne Jacques
« Basse laboureur demeurant a Balagny lequel deceda le...
« apvril... et Perette Brullé sa femme laquelle décéda le
« (cette date est restée en blanc). Priez Dieu pour leurs
« âmes ». Belle représentation : la tête de Perette Brullé
est charmante.
« Cy gist vénérable et discrète personne messire Simon
« Fouchart lui vivant pb
re
curé de ceens natif [de] Blacourt
« diocesse de Beauvais aagé de soixante et quinze ans lequel
« décedda le onzième jour d’avril
I
625. Priez Dieu pour
« son âme lequel a fondé deux obitz à l’église de céans. In
« te domine speravi. » Le défunt est vêtu d’une chasuble
taillée à la façon ordinaire.
Statue en bois de la Vierge, travail remarquable du
XVIII
e
siècle.
Parmi les seigneurs de Balagny, nous citerons : Guillaume
de Grandpré (avant
I
340), comte de Dampierre; Charles de
Brouilly, écuyer, dans lequel la Ligue trouva un adversaire
acharné et industrieux, surtout quand il eut perdu son frère,
« François de Broully, » à la bataille de Senlis, le
I
7 mai
I
580.
C’est à Balagny que Hugues Cornets de Grott, plus connu
sous le nom latinisé de Grotius, composa, à la demande de
M. de Peiresc, ce traité
du droit de la guerre et de la paix,
dont Voltaire a dit : « Grotius m’a souvent ennuyé, mais il
« est très savant ». L’on sait comment l’auteur des
Mémoires
pour servir à l’Histoire des Hommes illustres,
après avoir raconté
par
quel
stratagème
industrieux
de
sa
femme,
Grotius
s’évada de la prison où l’avaient confiné ses adversaires
politiques, l’amène à Balagny, où il trouva une retraite
I
4
2I0
agréable chez le président Jean-Jacques de Mesmes, seigneur
de Balagny et de Malassise.
Lorsque plus tard, en I6 3 5 , Grotius à l’apogée de sa
gloire revint à Senlis avec le titre d’ambassadeur de Suède,
l’aimable accueil qu’il reçut du roi, ne lui fit pas oublier ses
promenades de Balagny, la tour, octogonale au bas, arrondie
aux étages supérieurs (XIII
e
siècle), qui dessert encore un
angle de la ferme de M. Stanislas Moquet, les prairies
toujours fraîches que lèchent les eaux transparentes de
l’Aunette et les masses boisées du Mont Pagnotte.
Ognon, Oignon
(I207),
Ongnion
est tout près. Nous
pouvons cheminer entre les champs qui s’étendent à notre
droite et les bosquets qui garnissent la vallée à notre gauche.
Le silence n’est d’ordinaire interrompu que par le choc sec
de la cognée du bûcheron. « Solitude », écrivait à Verberie
l’académicien de Chabanon,
« Solitude, offre-moi des retraites paisibles,
« Aux soins tumultueux, au bruit inaccessibles. »
Au milieu de la place communale, une église sans
caractère, du XV
e
ou XVI
e
siècle, montre à sa façade ces
armoiries à demi rompues : de... au chevron accompagné
de trois molettes ou étoiles à six rayz de... avec cimier
et deux lions pour support, tandis que le sol a gardé
quelques-unes
des
très
belles
pierres
tombales
qui
lui
formaient jadis un tapis mélancolique, des la Fontaine,
capitaines de Crépy, seigneur des Fontaines.
Voici, rangés par dates, ces monuments qui méritaient
certes un sort meilleur et plus de respect !
Jehan de la Fontaine et Jehanne de la Remonde ou
Jemonde. « Cy gist Jehan de la Fontaine, escuier, seigneur
« des Fontaines, en son vivant pannetier de hault et
2II
« puissant prince Monseigneur le duc d’Orléans et de
« Vallois, capitaine de Crespi en Vallois et de Lureu en
« Combraisse
1
, qui trespassa le xxv
e
jour de Juillet l’an de
« Nostre Seigneur mil IIII
c
lx
et (?)
xvii
. Priez Dieu pour
« luy. Cy gist avec lui Jehanne de la Jemonde
2
en son
« vivant femme du dict Jehan de la Fontaine qui trespassa
« le IX
e
jour de mai mil IIII
c
3
(?). Priez pour elle. »
Cette dalle, d’une grande beauté de dessin et d’exécution,
est ornée aux coins des symboles des quatre Évangélistes.
La représentation du défunt porte sur sa cotte les armoiries
des la Fontaine : d’azur à trois bandes échiquetées de gueule
et d’or à trois traits.
Les fonts recouvrent maladroitement une autre pierre
sur laquelle nous avons pu, non sans peine, déchiffrer :
« Cy gist noble homme... Fontaine en son vivant escuier
« seigneur de Malgenestre, des Carneaux et de Bertinval en
«
partie lequel trespassa le VII
e
d’octobre I558. Priez Dieu
« pour lui. » Représentation lourde : le défunt est en culotte
et manteau court. Est-ce Antoine, fils des précédents ?
Pourquoi ce chanoine subit-il en son effigie une sorte
d'excommunication
posthume,
gisant
d’une
façon
piteuse
sous les douches des gouttières et fournissant des cupulles
aux billes des enfants ?
« Ci gist noble [et discr]ete personne messire Jacques de
« la Fontaine, en son vivant chanoine de Nostre Dame de
« Senlis et curé de Ver, lequel trespassa le xxv
e
iour d’aoust
« mil... Priez Dieu pour lui ».
Une belle tombe,
oĂą
une arcature
et des colonnes
cannelées et ornées de feuilles d’acanthe encadrent un
1
Cateau en Cambrésis.
2
Remonde, dame de Bertinval.
3
I
497,
I498 ou I499 au plus tard.
2I2
prêtre en chasuble à croix antérieure, laisse lire encore :
« Cy gist vénérable et discrette personne messire Jehan de...
« mil six cens et neuf, le samedi neufvième jour de may.
« Priez Dieu pour son âme ».
Une autre porte : « ............... le corps
de deffunt honorable
« homme Philippe Lobligeois, natif du plessis Belleville
« en son vivant receveur admodiateur de la terre et
« seigneurie
doignon lequel est déceddé le
XII
e
jour
« d’octobre I650. Priez Dieu pour son ame ».
Un tableau, représentant saint Martin, est signé : « I885
« Arnaud Dorbec ».
Vous trouverez dans les Archives départementales, Carlier
et Afforty, la noblesse militaire des la Fontaine et la liste des
seigneurs d’Ognon.
Qui ne connaît le dicton : « Marcher en rang d’Ognon? »
Il
a pour explication Artus de la Fontaine Solaro, baron
d’Ognon et
seigneur de Vaumoise, lequel, tandis
qu’il
exerçait ses fonctions de maître des cérémonies, sous quatre
rois à partir d’Henri II, se signala par la conscience
scrupuleuse avec laquelle il faisait serrer les rangs et
respecter les préséances.
Ce n’était point à la Cour seulement que les la Fontaine
tenaient ainsi à la préséance. Ils apportaient au combat les
mêmes points d’honneur. Comme au siège de I589, dit
l’abbé DuRüel, « MM. d’Ognon et d’Armentières disputoient
« a qui auroit l’honneur de défendre la brêche », il fallut
que « M. de Thoré réglat que M. d’Armentières auroit
« la brêche et M. d’Ognon le reste : en quoi ils se soumirent
« et combattirent pendant les trois assauts à l’envi l’un de
« l’autre sans se rafraîchir, malgré les efforts du sieur de
« Balagny [sur Thérain] qui poussoit ses troupes a l’assaut
« a coups d’épée ».
Le curieux regardait jadis derrière le chevet de l’église la
façade de l’ancienne maladrerie, devenue école : porte avec
pieds-droits dont le chanfrein se termine par un congĂ© Ă
facettes géométriques; cintre orné d’une archivolte de dents
2I3
de scie; fenêtre géminée qu’enserre un cordon sévère. Ce
petit monument du XII
e
siècle était une rareté qu’il fallait
conserver à tout prix, « comme type de ces hôpitaux civils
« que nos communes » et nos seigneurs « créèrent au
« Moyen-Age » ; mais la pioche est sans pitié !
Le château qu’ont habité les de Chevigné, les de Caux,
les Perrier, les de Caix, a été rebâti par M. Demachy.
A
Brasseuse, Braisilva
(II84), de
braia,
terre grasse, et
silva,
forêt, nous entrons dans cette partie de l’Ile-de-France qui a
reçu de Vez la dénomination célèbre de Valois.
La seigneurie de Brasseuse qui était l’un des fiefs les plus
importants de nos environs, a passé successivement entre
les mains des Bouteillers,
qui portaient sur leur écu,
quelquefois
cordiforme,
tantĂ´t
six
(I248),
tantĂ´t
trois
gerbes
(I298);
des
Cuignières; des Sermoise,
qui
la
ramenèrent
aux
Bouteiller par le mariage
de
Marie
de
Sermoise
avec l’illustre sénéchal et
« gentil chevalier » Guil-
laume
de
Saint-Chartier;
des comtes de Dammartin;
et des Desfriches Doria,
d’où elle vint par alliance
Ă
Jean
-
Augustin
de
Riencourt, marquis
d’Orival,
au
marquis de Vérac, ambas-
sadeur en Espagne,
d’une famille poitevine qui a fourni Ă
la France des diplomates et des militaires de forte race; et
au vicomte de Pons (I789).
« L’église, reconstruite », dit Graves, « en I257, présente
« quelques caractères de l’époque de transition; elle est en
« croix; le portail est une ogive (tiers-point) romane avec
« colonnettes à chapiteaux de feuillages. On voit à l’exté-
2I4
2I5
« rieur de la nef les restes d’une corniche supportée par
« des corbeaux simples ». Chœur et transsept du milieu du
XVI
e
siècle; bas-côtés de 1665 environ.
Raray, Raretum
(1106),
Rareium
(1182), vient de restaurer
sa charmante église, grâce à la libéralité des la Bédoyère.
La façade, la nef et le chœur appartiennent aux XV
e
et
XVI
e
siècles. Le clocher en bâtière qui monte du transsept
du midi, indique la première moitié du XII
e
siècle; trois
fenêtres éclairent chaque côté de son étage supérieur; des
modillons et un cordon de dents de scie partagent sa
hauteur.
Noter à l’intérieur du pieux édifice les fonts du XIII
e
siècle
en forme de ciboire; des pierres tomÂ
bales d’un chevalier de la
fin du XVI
e
avec ses arÂ
moiries;
un
tableau
sur
bois reprĂ©sentant l’AnnonÂ
ciation et la Présentation,
lequel porte les armes de
Jean
Muldrac,
curé
de
Raray, avec cette devise :
« Amando vinces memi-
« nisse laborum; l’affec-
« tion vous fera triompher du souvenir de
« vos labeurs ».
L’église de Raray eut pour « recteur » ou curé, Aloéric,
fils de Roger de Verberie, chevalier et frère de Pierre de
Verberie.
La châtellenie de Raray et le fief de la Borde de Fai
ramènent entr’autres noms ceux-ci : Gui de Raray, vidame
de Senlis en 1106; Jean et Jean II, son fils, dits de Senlis,
2I6
écuyers, bienfaiteurs de l’abbaye de Châalis (I244) : l’écu de
Jean, dit Bourdiaus, montrait deux fasces, etc. A ces gloires
un peu noyées dans la brume du passé, l’on peut ajouter
les de Ligny, dont une héritière, Anne, épousa Antoine de
Monchy, les d’Amy, les Lancy et Pierrecourt, et les des
Barres (I744).
Carlier raconte que, comme Nicolas de Lancy était lent et
peu disposé à autoriser les dépenses royales, Henri IV lui
tirait poil Ă poil la barbe jusqu’à ce qu’il rĂ©ussĂ®t enfin Ă
obtenir quelque concession.
Le château de Raray a été rebâti, dit Graves, vers I750,
« à la place d’un ancien manoir flanqué de tours dont il
« reste encore une vieille ferme à tourelle. L’édifice actuel
« est composé d’un corps de logis et de deux pavillons »
que précèdent, vers les parterres, deux galeries dont les
arcades, du style pompeux du XVII
e
siècle, supportent les
chiens, le cerf et le sanglier d’une vaste chasse en pierre,
préface d’un beau parc.
Il
appartient aujourd’hui à la famille Huchet de la
Bédoyère, d’une vieille noblesse bretonne de robe et d’épée.
Le colonel comte Henri Huchet de la Bédoyère a laissé une
réputation bien méritée de bibliophile.
L’écart de
la Borde
était une dépendance de la villa royale
de Verberie, avant d’appartenir aux moines de Châalis.
Voici tout près, à notre gauche,
Villeneuve-sur-Verberie,
Villeneuve-le-Roi, qu’Eudes, évêque de Beauvais, et Hildebold,
évêque de Soissons, se disputèrent avec tant d’âpreté, que
Charles-le-Chauve dut menacer les deux prélats, pour
calmer leurs esprits, de renverser l’église d’alors.
Villeneuve-sur-Verberie
est une première étape dans une
région favorisée, trop peu connue, qui montre toute une
2I7
série de monuments typiques d’un intérêt considérable où
tout frappe, le plan, la forme du clocher, l’ornementation
étrange et soignée, l’archaïsme, le site même. L’église de
Villeneuve appartient à l’époque dite de transition (II60).
La façade s’ouvre sur un portail en applique d’un beau style
où trois paires de colonnes placées en rentrants supportent
une
triple
archivolte.
Autre
portail
au
midi
égalemenr
remarquable, imité de Saint-Frambourg de Senlis. Noter
les bagues d’un élégant profil qui coupent les fûts, les
rinceaux sculptĂ©s qui courent dans les gorges, les arcs Ă
violettes.
Nef
de
l’époque
de
transition,
augmentée
au
XV
e
siècle d’une basse-nef au nord. Chapelle formant bras
de croix du même côté, des débuts du XIII
e
siècle.
Chœur carré : l’on regardera entre autres détails de cette
partie de l’édifice, une porte au nord, la coupe des arcs
diagonaux, les chapiteaux et notamment un qui représente
sous un tailloir ouvragé et couvert de rinceaux profon-
dément fouillés, la Naissance de Jésus et la Fuite en
Egypte,
sujets
que
les
ornemanistes
du
Moyen-Age
affectionnaient. Clocher de la même époque et du même
faire que le portail : au-dessus d’un bandeau en damier
s’ouvrent sur chaque pan, deux grandes baies en tiers-points
à triple archivolte, semi-murées par une cloison à oculus.
L’architecte de ce clocher a été trop ambitieux : la masse
excessive pour les fondations montre plus d’une blessure.
Au-dessus du pignon oriental, croix antéfixe, aux branches
arrondies.
Un tableau à réparer est une copie contemporaine du
Saint Bruno, de Soubeyras.
Une plaque commémorative, représente un squelette qui
semble soutenir, sur un écriteau, l’inscription suivante :
« Cy gist venerable discrette personne M
e
Anthoine Mouton,
« en son vivant prebstre, curé de Sainct Martin de Boulliant,
« lequel trespassa le xxv
e
iour d’aoust mil
v
c
lx
et douze.
« Priez Dieu pour luy ».
Le long de la grande rue de Villeneuve, trois puits
chantants. Les anciens leur donnaient volontiers la déno-
mination de « portes de l’enfer ». L’on devine la raison de
ce phénomène hygrométrique : deux étages d’air de densités
différentes communiquant par un orifice étroit.
Quelques seigneurs de Villeneuve : Matthieu de............................. ,
chevalier; Guérin (II92); Etienne et Jean, frères (I209);
Florent et Jean, fils d’Etienne et de Makennie;Hugues(I2I5);
Philippe, vidame de Senlis (I244), etc.
Plus tard, l’histoire du pays fera succéder à ces noms
ceux des Hangest, d’Arnaud des Friches, des Riancourt, de
Montdésir, gouverneur de la ville et citadelle d’Arras; de
Charles
Henri
comte
des
Fossés,
lieutenant-colonel
de
dragons (I788).
Derrière Villeneuve est
Noël-Saint-Martin,
dont le véritable
nom est
Noë-Saint-Martin,
de
Noa, Noue,
endroit humide.
Noa, Noacum,
fut donné en I096 à Saint-Martin-des-Champs,
d’où
son qualificatif : Sancti Martini, par Hugues de
Pierrefonts.
Noël-Saint-Martin a campé sur l’escarpement d’un ravin
sauvage que lèche le ru de Rouanne, le type parfait d’une
petite église de village des XI
e
et XII
e
siècles. Atre dallé.
Façade très simple bâtie en appareil d’épi (opus spicatum),
retouchée malheureusement au XVI
e
siècle. Porte cernée
de quelques archivoltes dont des gorges et des billettes
forment la facile et naĂŻve ornementation. Au-dessus, baie
creusée rigidement dans le pignon. Deux contreforts appli-
qués aux angles.
2I8
Mes chers lecteurs me pardonneront d’abonder peut-être
dans les détails architecturaux. Mais le moyen de comprendre
ces cantons artistiques, cette Attique de la vieille France,
sans
analyser
ces
monuments
que
leur
médiocrité
de
dimensions fait négliger à tort dans l’étude du beau ?
Plan en forme de croix latine « selon une idée mystique,
« pour signifier que nous devons être crucifiés au monde
« et suivre le Christ ». Bras de croix du midi, remanié au
XV
e
siècle, supportant le clocher. Nef non voûtée, éclairée
par trois petites baies haut perchées et coiffées de sommiers
Ă claveaux
simulés,
détails que j’ose souligner à Cuise-
la-Motte, Ă Frocourt, Ă Montataire, etc. Basse-nef ou couloir
(jadis) en forme d’appentis au nord. Choeur carré, éclairé
au fond par trois fenĂŞtres plein-cintre
oĂą
l’architecte
a
ménagé
habilement
une feuillure pour recevoir des vitres.
D’après
M.
Eug.
Lefèvre-Pontalis,
dans son savant ouvrage :
Etude sur
les Monuments romans de l’ancien Diocèse
de Soissons,
le sanctuaire primitif était
fait en hémicycle et fut rebâti au XII
e
siècle sur un
nouveau plan, vers II30.
Quoi qu’il en soit, l’église de Noël-Saint-Martin mérite
maintes visites et études de longue haleine pour la coupe
des arcs de ses voûtes; ses colonnes d’un grand caractère,
dont les fûts sont relevés de baguettes et les chapiteaux
ornés de figures étranges et de feuillages d’un archaïsme
puissant; les frises à rinceaux d’acanthe d’un faire franc,
gras et éminemment décoratif qui couronnent les murs de
l’abside et cernent les baies; ses autels primitifs encore
enveloppés de la nuée des prières des antiques générations;
les vestiges de ses anciennes croix de consécration, rouge
2I9
220
sur ocre jaune; sa statue de la Vierge du XIV
e
siècle; les
quatre consoles (Evangélistes) qui soutiennent les retombées
des arcs de la chapelle du croisillon du midi; les armoiries
de ses litres qui sont peut-ĂŞtre des Bouteiller; ses pierres
tombales de bourgeois et de laboureurs du XVI
e
siècle, du
Chaufour et Thirelet; ses fonts de la Renaissance rehaussés
des sculptures du tétramorphe.
Le clocher de Noël appartient à cette race de clochers du
XI
e
siècle que l’on retrouve Ă Saint-Gervais de Pontpoint, Ă
Saint-Aignan de Senlis, à Morienval, etc. Un coup d’œil
permet de saisir leurs caractères typiques : masse carrée,
épaulée par des contreforts, partagée en trois étages, ouverte
22I
par des baies en plein cintre sans moulures, coupée dans sa
hauteur et ornée de cordons de billettes, montrant aux
angles, des colonnettes et coiffé primitivement d’une courte
pyramide en pierre. Cet ensemble, très soigné, est d’une
beauté simple, harmonieuse et séduisante.
Plus d’une fois, je me suis complu à revoir ces morceaux
éminents d’architecture ! Le silence qui m’entourait n’était
troublé que par les cris des enfants qui jouaient sur la
ChaussĂ©e Brunehaut ou le bruit d’un oiseau qui volait Ă
travers les vitres rompues, Ă la poursuite de quelque insecte.
Je songeais à ces Bouteiller qui avaient un château sur les
bords du ru de Rouanne; Ă ces habiles et humbles anonymes
qui
bâtissaient
en
mĂŞme
temps
Noël,
Villeneuve,
Pontpoint, etc., et trouvaient peut-ĂŞtre en ces cantons les
ressources infinies de l’arc gothique.
Hâtez-vous d’aller étudier ce spécimen parfait de notre art
roman avant qu’il soit devenu une ruine irréparable et
seulement un souvenir.
Tout près, ferme du
Murger, Murgier, Murcens, Murus
cinctus,
empilement de pierres, nom qui convient Ă ces
chaussées antiques, semblables par leur construction à de
véritables murailles.
De NoĂ«l-Saint-Martin Ă
Roberval,
cette
Noa Sancti Remigii,
ou Vallée de Robert, que Philippe-Auguste acquit par
échange de Richard d’Angleterre et que Guillaume Calletot
vendit Ă Saint-Denis (I284), la route est courte, si vous
avez le pied montagnard.
Descendez par ces échelons creusés dans le tuf jaune
jusqu’à la noue ou lavoir que vous apercevez au fond du
ravin. Traversez le ru de Rouanne. Suivez Ă droite ce sentier
où des noyers secouent leurs fruits. C’est là , au rapport des
222
anciens, que les sorcières, chevauchant sur leurs ramons
magiques, tenaient leurs sabbats nocturnes et précipitaient
le
mouvement
de
leurs
rondes
infernales,
autour
des
Mirmillots ou crapauds baptisés.
BientĂ´t, au milieu des arbres fruitiers et des sources, vous
apercevrez le toit ardoisé de l’église. Cet édifice offre encore,
nonobstant
les
remaniements
qu’il
a
subis,
plus
d’un
morceau Ă regarder.
Au fond d’un porche, portail de la fin du XII
e
siècle,
encadré par trois paires de colonnes; nef de la même
époque. Le chœur pentagonal et les bras de croix appar-
tiennent au XVI
e
siècle. Restes de très beaux vitraux de
I
538 et environ. Une fenêtre surtout, laquelle présente, au
milieu d’une architecture française, une composition et des
figures dans le goût du Milanais Bernardino di Luini, est
une œuvre exquise qui fait ressortir davantage la laideur
de certains vitraux modernes.
Une dalle, usée par les pieds des fidèles, au palier de
l’église, porte un reste d’inscription en gothiques où je
n’ose qu’en hésitant déchiffrer : « Cy gist Aloph François
« en son vivant cappitaine des canonniers des Roys ...en
« la bataille de Pavye, siège de Peronne, le Milanais ...pour
« le service de leur Majesté lequel trespassa le xv
e
jour
« d’octobre mil v
c
lx
. »
Roberval a eu, entr’autres seigneurs : Raoul, vers
II
7
I
;
Eudes, son fils ; Raoul et Galerand ; Jean, Guillaume et
Oudart, dits le Gaigneur, dont le nom rappelle l’établisse-
ment des Carmes Ă Senlis; les Popincourt; les de la Rocque,
par le mariage de Bernard de la Rocque avec Alix de
Popincourt ; les Magdaléan ou Madaillan, etc. Jean-François
de la Rocque, d’une grande famille du Languedoc, vice-roi
du Canada et ingénieur militaire, que nos Registres senli-
2 2 3
siens
nous
montrent,
en
I
344,
lorsque
Charles-Quint
s’avançait vers le Valois, mettant en état nos fortifications,
est une figure grande et originale que MM. le comte de
Marsy et l’abbé Morel ont mise davantage en lumière. Gilles
Personne, sieur de Roberval, mathématicien célèbre, fut ami
de Gassendi et de Jean Marrin (
I
60
I
-
I
675). Le prince de
Soubise habita Roberval au XVII
e
siècle ; puis un d’Avênes
de Fontaines acheta, en
I
786, les fiefs de Roberval, Rhuis,
Noël-Saint-Martin en partie.
A mesure que nous avançons, par le chemin dit
de la
Chaussée,
vers le château, le paysage devient plus charmant
encore avec ses fonds de forêts. « Les accidents de terrain »,
dit excellemment Graves, « y multiplient les sites pitto-
« resques, de même que l’exposition diverse du sol y donne
« lieu à une culture très variée » et fait de cette région un
véritable et délicieux jardin.
C’est grand dommage que ces pays sont si peu distants
de la capitale ! On les visiterait davantage................
Le
Catillon...
Si vous aviez le loisir de faire l’ascension de
cette butte ou motte apportée, d’après la croyance popu-
laire, dans la hotte de Gargantua, vous verriez, de son
sommet,
Pont-Sainte-Maxence,
Compiègne,
Clermont,
les
premiers arbres de la forêt de Villers-Cotterêts, les méandres
capricieux de l’Oise à travers la
Vallée dorée.
Carlier, parlant de ces épées longues avec lesquelles
Godefroy de Bouillon « coupait en deux la tête des
« combattants, malgré leur casque », dit qu’on en a trouvé
plusieurs dans des tombeaux, sur ce mont.
Voici
Verberie, Verembria villa super Isara fluvio
(806),
Vermbria, Vernbria, Verberiacum,
célèbre pour les séjours de
2 2 4
Charles-Martel qui y mourut en 74
I
, de Pépin, de Charle-
magne, etc.; ses conciles ou synodes de 752, 853, 866 et
869, et ses capitulaires, c’est-à -dire ordonnances semi-civiles,
semi-ecclésiastiques;
les
événements
qui
s’y
accomplirent,
comme le mariage d’Ethélulf et de Judith (I
er
octobre 856),
dont les
Annales des Francs
rapportent que Hincmar la
couronna
reine,
«
cérémonial
jusqu’alors
inconnu
Ă
la
« nation anglaise, et dont l’illustre archevêque nous a
« conservé les oraisons parmi ses œuvres ». Il est inté-
ressant de reconstituer par le souvenir ces villa ou métairies
bâties d’abord en bois et en terre, ce mélange de la rudesse
barbare et de l’imitation maladroite du faste des cours
orientales, ces chasses ardentes qui étaient un apprentissage
de la guerre, et cette recherche des objets, broderies, ivoires,
etc., etc., importés de Bysance.
L’église, ombragée jadis par un arbre célèbre, « l’Ormelet
« de Verberie », est un édifice assez grand et médiocrement
éclairé, qui a beaucoup souffert des sièges. La croisée du
midi a gardé quelques fenêtres et modillons à têtes grima-
çantes de la fin du XII
e
siècle
1
. Le reste de la construction
porte l’empreinte de toutes les époques qui ont suivi. Au
portail, Vierge du XV
e
siècle. Au bras de croix, la grande
fenĂŞtre soutenait, au XVI
e
siècle, des échafauds extérieurs
sur lesquels des confrères et des enfants de chœur jouaient
des mystères sacrés, des diableries, des moralités et peut-être
des sotties. Petit reliquaire en cuivre intéressant : c’est un
édicule de forme rectangulaire, surmonté d’un clocher à six
pans et reposant sur un pied arrondi à nœud (XVI
e
siècle).
Boiseries du buffet d’orgues.
1 « C’est », dit
G
raves
,
« la seule partie de l’église qu’on puisse rapporter au
« temps de Charlemagne, si toutefois elle n’est pas postérieure.
»
225
Parmi les curés de Verberie, l’on pourrait citer Nicolas
(I238) dont le sceau était chargé de trois coquilles posées
en pal; Albert Picart, auteur des
Entretiens spirituels de l’Ame
dévote,
etc., né à Compiègne; Hourdé de Soissons, victime
de la Révolution.
Verberie est la patrie du cordelier Pierre Oriole, qui
mérita le surnom de « Docteur éloquent »; d’un autre Pierre,
dit Coquerel, secrétaire du Roy (-I307); et d’un troisième
Pierre de Verberie qui, après avoir étudié à Royallieu, devint
prieur de Troyes et alla mourir bientôt au monastère de la
Couture Sainte-Catherine, Ă Paris, vers I350.
L’on sait les « chevaucheurs d’escouvelles », qui étaient
une des spécialités du pays; la célèbre empoisonneuse Jeanne
Harvilliers;
et
l’origine
du
dicton
les
«
Sautriaux
de
« Verberie ». « L’adresse du Sautriau », dit Carlier,
« consiste à entrelasser tellement sa tête, ses bras et ses
« jambes que son corps prenne la forme d’une boule... »
L’abbé Varnaut, recommandant les
Œuvres de Théâtre et
autres Poésies
de M. de Chabanon, de l’Académie française, etc.,
porte sur lui ce jugement, c’était en I788 : « M. de Chabanon
« s’est formé une retraite agréable à Verberie; c’est là qu’il
« cultive pendant une grande partie de l’année les talents
« réunis de la musique et de la poésie. »
Le château d
’Aramont,
qui fut restauré jadis par Nicolas
de Lancy, appartient aujourd’hui à M. Léon-Joseph de
Maindreville.
Aujourd’hui, Verberie n’est guère connu que pour ses
fabriques d’alun et de couperose, ses tuileries, ses féculeries
et papeterie.
Saintines
étage ses maisons sur le penchant d’une colline
que baigne l’Automne et couronne une agréable verdure.
I
5
226
Ce pays est célèbre surtout par le culte particulier que l’on y
rend Ă saint Jean-Baptiste.
L’église porte le cachet de deux époques distinctes. L’arc
triomphal, avec ses bâtons rompus et ses besants, la nef du
midi et le clocher appartiennent à la première moitié du
XII
e
siècle. Le clocher surtout offre plusieurs dĂ©tails Ă
souligner : « les grandes arcades en tiers-point encadrent
« deux petits cintres » ; la tour carrée est surmontée comme
Ă Saint-Pierre de Pontpoint et Ă Saint-Vaast-de-Longmont,
d’une
flèche
octogonale
qu’accompagnent,
aux
angles
demeurés vides, quatre dés massifs; la frise qui décore
la rencontre de ces deux formes, est composée de feuilles
d’acanthes d’un caractère très archaïque, que séparent ça et
là des têtes grimaçantes.
Le reste de l’édifice, la façade surtout, qui est d’une belle
ordonnance,
est
marqué
du
goût
connu
des
XV
e
et
XVI
e
siècles.
L’intérieur de l’église montre plus d’une curiosité : Croix
processionnelle en cuivre estampé, du XV
e
siècle. Restes
de vitraux du XVI
e
. Statues de la Vierge (XVI
e
siècle) et de
saint Jean-Baptiste. Retable et volets peints oĂą naissance
du Précurseur, prédication au désert, indication de l’Agneau
de Dieu, baptême du Christ, décapitation.
Pierres tombales de la famille de Vieuxpont et de Marie
Ruffin.
Tout près, fontaine qui était l’objet d’un des pèlerinages
du Valois, ainsi que le rapporte Carlier, lequel décrit les
détails de ce pèlerinage : bains à la fontaine, messe à minuit,
images du saint, fĂŞtes dramatiques et tumultueuses du feu
de la Saint-Jean, reliques de saint Jean, etc.
Quand vous irez à Sens visiter la très noble cathédrale
qui
y
est
dédiée
Ă
Notre-Dame,
vous
serez
peut-ĂŞtre
227
dérangé
dans
votre
contemplation
par
quelque
passant
qui vous demandera « la tête à Cugniau ». A Notre-Dame
de Paris, une caricature appelée Pierre de Coignet servait
d’éteignoir. C’est une moquerie d’un goût douteux, dirigée
* v
228
contre le célèbre Pierre de Cugnières, seigneur de Saintines
par sa femme Jeanne de Néry.
Le château, dont le parc est traversé par l’Automne, s’élève
à la place d’une ancienne forteresse dont il n’est demeuré
que le donjon carré, d’une belle et robuste architecture,
rebâti au commencement du XIV
e
siècle par Pierre de
Cugnières.
Vous trouverez en Carlier,
DuRĂĽel, Graves, etc., une liste
des seigneurs de Saintines;
le nom de
champ dolent
donné
Ă un champ voisin; ce joli
trait d’esprit d’Henri IV :
« Sur ce vieux pont je suis
« solide. »
De Verberie Ă
Saint-Vaast-
de-Longmont,
la distance est
très courte.
Saint-Vaast, bâti sur le ver-
sant d’une colline, est un édi-
fice d’un intérêt exceptionnel.
Son portail du XII
e
siècle
(II25 environ) est orné d’un
encadrement massif : la lu-
mière
qui
glisse
sous
le
porche, forme, en frappant
ces bossettes
1
, des opposi-
tions de clarté et d’ombre
d’un grand effet. Le chœur
semi-circulaire, qui me paraît
Pontpoint, est d’une grande
1
Voir Feigneux et Trumilly.
2 2 9
pureté de formes; il est partagé, avec quelque gaucherie qui
sent un procédé encore nouveau, en trois segments par
quatre colonnettes et autant d’arcs entre lesquels s’ouvrent
trois baies en plein-cintre. A gauche de l’avant-chœur est
une
Chapelle des Champs
qui me semble un peu moins
ancienne que le reste de l’édifice, à voir ses modillons en
arcatures jumelles et les cordons qui encadrent les fenĂŞtres.
Le clocher est l’un des plus remarquables de la région avec
ses colonnes solitaires centrales, ses colonnettes chargées de
sculptures
gravées,
de
zigzags,
de
chevrons,
etc.,
ses
chapiteaux puissants, sa pyramide hexagonale escortée de
pyramidions ou clochetons.
Château de
Cappy
Ă mi-cĂ´te, au milieu des arbres, autrefois
à la famille des Fossés.
Ivillers, Aoitvillare
(
II
29) était une « chapelle du roi »
ou prieuré donné à l’abbaye de Saint-Vincent de Senlis par
Anne de Russie. Notre Afforty a dressé une liste des curés-
prieurs depuis
I
360.
VoilĂ Ă droite le
Mont Pagnotte, Mont Paillon
(
I
339),
dont le nom a fourni le thème de plus d’une remarque
curieuse.
« A la mort de l’empereur Charles VI, en
I
740, » dit le
journal de l’avocat Barbier, « deux concurrents se dispu-
« taient l’empire d’Allemagne, le duc François de Lorraine,
« époux de Marie-Thérèse, et l’électeur de Bavière. Louis XV
« affectait l’indifférence à l’égard des deux concurrents.
« — Qui faites-vous empereur, Souvré? demanda-t-il un
« jour à l’un de ses courtisans. — Ma foi, Sire, je m’en
« embarrasse peu. Mais si Votre Majesté voulait, elle pourrait
« nous en dire des nouvelles. — Non, dit le roi, je ne m’en
2 3 0
« mêlerai pas. Je regarderai cela du Mont Pagnotte. — Ah!
« Sire, Votre Majesté y aura bien froid et y sera bien mal
« logée. — Pourquoi? — C’est que vos ancêtres n’y ont
« jamais fait bâtir de maison. »
C’est au pied du Mont Pagnotte, que
Villers-Saint-Frambourg
étale, d’une façon pittoresque, les silhouettes de ses maisons
au milieu du calme d’une riche campagne,
L’église, sous le vocable de Saint-Médard, ne manque
point
d’intérêt.
Clocher
d’une
architecture
soignée
et
2 3 1
élégante, dressé sur le transsept de droite, au-dessus d’une
voûte en berceau, fin du XII
e
siècle; chœur pentagonal
et chapelles terminales qui l’escortent, fin du XIII
e
et XIV
e
;
nefs des XVI
e
et XVII
e
, dont les clefs de voûte portent
des armoiries de... à trois bandes échiquetées de trois traits.
Les fonts rappelaient ceux de Saint-Gervais de Pontpoint.
Dans la forêt d’Halatte, MM. Fautrat, alors inspecteur-
général des forêts, et de Caix de Saint-Aymour ont découvert
les restes d’un temple païen et plus de deux cents statuettes
ou ex-voto, ouvriers, animaux domestiques, etc., dont le
travail divers, sculpture ou gravure au trait, et inégal, fournit
plus d’un sujet d’études comparatives entre certaines imitaÂ
tions de l’art gallo-romain et les inspirations d’un art gauche
et enfantin. M. de Caix de Saint-Aymour a décrit ce temple,
qui lui paraît dater de Vespasien.
Sur ces débris du passé qui s’effritent à la pluie ou aux
gelées de l’hiver, la nature qui ne chôme pas, jette son
joyeux et changeant tapis de fleurs. La forêt d’Halatte
produit, au premier renouveau du printemps, sa moisson
de narcisses gracieuses, ses anémones et les clochettes
odorantes de son muguet.
I V
DE SENLIS A PONT-SAINTE-MAXENCE,
PONTPOINT, ETC.
Nous pouvons, au lieu de sortir de la ville par le faubourg
de Compiègne, traverser
Villevert.
Les routes Ă gauche
mènent au Tomberet, à des bois charmants et à Aumont.
Le
Tomberet,
de
tumularium, tumulus,
tertre sépulcral, est
une station préhistorique où l’on trouve parfois encore
quelques instruments de silex. Carrières de sables coquilliers.
Jadis temple huguenot.
Le village
d'Aumont, Altus mons
(
II
82), qui prolonge sa
rue joyeuse au milieu des replis de la forêt, aux pieds d’une
butte de sable, a une célébrité antique. Il était, dès
I
258, le
chef-lieu de divertissements dont l’origine première était
peut-être païenne. Qui ne sait le culte que l’idolâtrie aimait
Ă rendre aux hauts lieux? Le dimanche des Brandons ou
des feux, qui était le premier dimanche de Carême, la foule
s’y précipitait de partout pour manger, boire et danser « au
« point », dit un naïf historien, « de s’en réjouir deux mois
« avant. »
Église des XV
e
et XVI
e
siècles, sous le vocable des saints
Gervais et Protais.
En face, château habité par M. le comte de Gontaut-Biron.
Les bois environnants sont
encore partagés par des bornes
« cornières » où sont gravées
les effigies des saints Gervais
et Protais, ou les armes de
l’Évêché, des Montmorency et
de Saint-Jean de Jérusalem.
Mais suivons la route de
Villevert. Au fond de cet étroit
cul-de-sac, Ă gauche,
Fontaine
Sainte-Protaise :
l’on y voit en-
core une statue de la bienheu-
reuse, tenant entre ses mains sa tête détachée du tronc.
Vous connaissez l’histoire de cette martyre senlisienne du
III
e
siècle.
Cinquante mètres plus loin, « au Vivier du Bouteiller »,
est la célèbre
Fontaine Saint-Rieul.
J’ai raconté déjà la légende
délicieuse et poétique de la naissance de cette source : elle
est née des larmes compatissantes de notre premier et doux
ApĂ´tre.
Encore une fontaine là , à gauche : c’est la
Fontaine
dite
aux Malades,
dont les eaux ont une réputation de légèreté
salutaire à l’estomac.
La route de Pont serait charmante sans ce pavé... Enfin
nous atteignons
Fleurines, Florina
(I06I), beau village qui
doit sa prospérité au cercle de forêts qui l’encadre et aux
2 3 3
sables que l’on extrait tout proche pour les glaceries de
Saint-Gobain.
L’église est sans intérêt architectural : portail maltraité du
XV
e
siècle ; nef double ; clocher sur le transsept du midi, de
styles mélangés.
Tous les ans, Ă la Saint-Hubert, une fĂŞte pimpante et
gardant au milieu des grimaces du modernisme sa naïveté
du bon vieux temps, amène à Fleurines une véritable
invasion : c’est la bénédiction des chiens.
Cette
forêt d’Halatte,
de
Haya lata,
disent certains étymo-
logistes, mérite que Pierre-le-Grand l’ait appelée le « Jardin
« de la France » et que Saint-Simon l’ait contemplée avec
une envie non dissimulée. La forêt d’Halatte recouvre,
entre Senlis, Creil et Pont, une étendue de 4.267 hectares.
Cet édifice d’un grand air qui couronne très noblement la
colline à droite, mérite une visite attentive : c’est l’ancien
prieuré clunisien de
Saint-Christophe-en-Halatte,
fondé en
mai I06I au lieu dit
Hermenc,
par Waleran, camérier de
France.
L’église du XII
e
siècle, dont il est encore aisé de recons-
tituer le plan, comprenait un chœur carré avec un avant-
chœur, deux petits bras de croix, autant de petites chapelles
aux aisselles, et une grande nef de trois ou quatre travées
escortée de basses-nefs voûtées en bois à une médiocre
hauteur
1
.
L’on remarquera entr’autres la façade orientale avec son
mur plein que décorent très haut six arcades aveugles et
au-dessous deux baies romanes avec billettes; la façade du
1
Ce
mur
en
pierres
d’appareil
qui
semble
terminer
l’édifice
Ă
la
naissance
des
nefs,
et
le
peu
d’importance
relative
que
l’architecte
a
donnée
Ă
ces
nefs,
sont
des singularités à noter.
2 3 4
2 3 5
midi oĂą trois baies montrent une ornementation de tores en
zigzags et de violettes; les modillons en têtes grimaçantes
et
les
cordons
en
billettes
de
la
chapelle
avoisinante
laquelle trahit, ce semble, dans ses caractères un plus grand
archaĂŻsme; des palmettes romanes superbes; des chapiteaux
lourdement copiés sur des types de Notre-Dame de Senlis et
des fûts de colonnettes terminés au bas en culot ou toupie,
à la façon bourguignonne; des traces de peinture super-
2 3 6
posées du XIII
e
siècle, jaune chamois avec traits blancs, et du
fixion; des débris de pierres tombales du XIV
e
siècle et
du XVI
e
, notamment de Dom Anthoine Parent (23 décembre
I
504).
C’est à Saint-Christophe que Jean-le-Bon établit ou restaura
Ce prieuré, qui eut pour dernier commendataire François
de Pierre de Bernis, archevĂŞque de Damas, et coadjuteur
d’Albi, est devenu, après plus d’une vicissitude des choses,
la propriété de M. Franck Chauveau, sénateur de l’Oise.
M. Stanislas Meunier, dans ses
Excursions géologiques
Ă travers la France,
s’arrêtant longtemps au sable moyen de
Saint-Christophe, décrit avec complaisance « la tour ou
« colonne naturelle de Fleurines » au lieu dit les Frièges,
XIV
e
, jaune avec lignes rouges; des croix
de consécra-
n
tion, ce mot
et
des
armoiries,
un
écu
écartelé
1
; une belle statue de
saint Christophe du XVI
e
siècle,
représentation
mystique
dans
laquelle nos pères du XIV
e
siècle
surtout et des siècles suivants
aimaient à résumer le rôle du
Chrétien :
« Christophorum videns, postea
tutus eris » ;
un reste de peinture de la mĂŞme
époque, représentant la Cruci-
l’ordre, peu viable, de
l’Étoile
ou de la
Noble Maison.
1
Cette
armoirie,
que
l’on
retrouve
Ă
Noël-Saint-Martin,
n’est-elle
point
l’écu
d’une des branches de la famille des Bouteiller?
2 3 7
analyse sa composition et explique sa formation par le
remplissage d’un puits naturel.
Les promeneurs de Senlis et des environs connaissent le
«
Pas de Saint Rieul,
sur le bord d’une route menant de
«
Saint-Christophe
Ă
Villers-Saint-Frambourg,
Ă
quelque
« cent mètres du carrefour de la Croix-Saint-Rieul » : l’on sait
comme nombre de grès ont reçu des appellations de ce genre.
Enfin,
nous
descendons
brusquement
vers
Pont.
La
fontaine qui abrite ses eaux au fond de la vallée, à droite,
sous un édicule à la toiture suraiguë et à la porte moulurée
du XIII
e
siècle, est la
Fontaine des Dames du Moncel.
Derrière,
la colline semi-aride, que surmontent une tourelle, reste
d’un moulin à vent, et une chapelle pittoresque, est le mont
du
Calvaire
(I694) ou
Calipet,
lequel ramène un souvenir de
la vie érémitique. A gauche, dans ces jardins, l’ancienne
Fontaine Sainte-Maxence
semble plus que négligée.
Voici le bourg de
Pont-Sainte-Maxence, locus qui dicitur
ad sanctam Maxentiam
(779),
Pons ad Sanctam Maxentiam
(I0I6),
dénomination
qui
indique
la
situation
topogra-
phique du pays et la généreuse martyre qui, vers la fin du
VI
e
siècle, teignit de son sang les premiers feuillets de son
histoire. Graves a relaté la naïve et pieuse légende des trois
pierres que sainte Maxence jeta dans l’Oise pour passer sur
l’autre bord.
L’église offre un vaisseau vaste et élevé des XVI
e
et
XVII
e
siècles, avec nefs latérales, déambulatoire et chapelles
absidales circulaires.
La façade de la fin du XVI
e
, qui sert de
base au clocher
(I577),
s’est élargie au détriment d’une
façade du XV
e
siècle, dont il est demeuré quelques linéa-
ments et les armoiries des L’Orfèvre, architecture qui a
appliqué ses détails fins et délicats sur une masse lourde.
2 3 8
La chapelle des fonts porte à sa clef de voûte les armes des
Lameth.
Quelques restes de pierres tombales amènent des noms
ou des dates qu’on déchiffrera aisément.
Pont remarquable dĂ» Ă Perronnet (
I
773-
I
785), qui
« construisit aussi les ponts de Louis XVI à Paris et de
« Neuilly-sur-Seine. »
Lors des récents travaux de navigation qui furent exécutés
à l’Oise, des ouvriers pêchèrent près de l’île qui fut sup-
primée, une statuette en bronze « du style déjà ramolli qui
« régnait sous Adrien », que M. le marquis de Luppé a
heureusement acquise. C’est l’une de ces divinités herma-
phrodites que quelque païen converti aura peut-être brisée.
L’histoire de Pont, gloires et revers, se confond essen-
tiellement avec l’histoire de la nation, depuis le massacre
que l’armée d’Ebroïn fit en 673 des gardes dormeurs du roi
Theodorik et de son digne maire Leudefroy, jusqu’à Louis XI
et notre époque.
Parmi les anciens seigneurs ou châtelains de Pont, nous
citerons seulement : les Percebot (
II
40); Hugues IV Can-
davène (
II
94); Gauthier III de Chatillon, « l’un des plus
« vaillants hommes de son temps » (
I
22
I
); Nicolas de
Soisy et Agnès de Pont, sa femme, qui obtiennent le privi-
lège d’avoir une chapelle en leur château de Pont (
I
240);
Jean de Pont, chevalier, lequel portait sur son sceau : de...
chargé de trois jumelles avec cette légende :
« de Ponte, militis » (
I
257-
I
278); Gilles Mallet, valet de
chambre du roi, seigneur de Villepescle, de Soisy-sous-Etiolles
et de Rethel, marié à Nicole de Chambly (-
I
379). C’est à cet
illustre personnage que l’on doit le premier catalogue des
manuscrits qui composaient la bibliothèque fondée dans la
tour du Louvre par Charles V.
23 9
Aux Mallet succédèrent les L’Orfèvre, les du Faÿ, les
Madaillan, les Saint-Simon, etc., etc.
Graves, Petit, etc., indiquent Ă Pont quelques vestiges ou
restes de monuments dignes encore d’un regard.
Les armes de Pont sont « un pont surmonté d’une fleur
cc
de lys (1388) » ou plus récemment « un pont de sable
« chargé d’une tour de même, au chef d’azur et la sala-
« mandre d’argent sur des flammes de gueules » qui
rappellent François I
er
.
Pont est la patrie, au dire de plusieurs historiens, du
chancelier Guérin; de Garnier, qui a composé en vers une
Vie de Saint Thomas le Martyr;
de la famille de Jeanne Laisné
ou Hachette, l’héroïne du siège de Beauvais.
Non loin de Pont, entre la rivière d’Oise et les premières
rampes de la forĂŞt, est
Beaurepaire,
dont l’église et le château
émergent du milieu des eaux.
L’église, bâtie en 1 5 1 0 par un maçon de Saint-Christophe,
Guillaume Liénard, aux frais d’Adrien de Hénencourt,
doyen de la cathédrale d’Amiens et archidiacre de Noyon,
est dédiée à saint Hubert et était
autrefois très visitée par les gens
atteints de la rage. L’on y voit les
pierres tombales de Pierre, Charles
et Augustin de Lameth et de leurs
femmes, et de Louis de Lameth,
abbé de Valsery.
Le château actuel, entouré de
douves, appartient aux XV
e
et
XVI
e
siècles. Il rappelle toute une liste de seigneurs, que
le marquis de Luppé, son propriétaire actuel, mettra en
lumière complète.
240
Continuons notre pèlerinage archéologique vers
Pontpoint,
le
Levandriac
carlovingien de 842 : « Vicus Levandriacum »,
dit Frédégaire, « alio nomine Pomponnus ».
Les deux portes Ă gauche nous introduisent dans la cour
de l’abbaye des Clarisses du
Moncel.
C’est Philippe-le-Bel
qui la fonda, en
I
309, à côté de sa maison royale de Fécamp,
laissant à Philippe de Valois le soin de l’embellir considé-
rablement. Il n’est resté des bâtiments claustraux que la
chaire du réfectoire, à laquelle on accède par un couloir
intérieur, et des caves à double nef.
L’on sait que la chapelle du Moncel avait reçu les
dépouilles mortelles du comte de Boulogne, troisième fils
de Jean, duc de Bourgogne, et les entrailles de Jeanne de
Bourgogne
(
I
3 4 9
)
dont le caveau précieux était protégé par
« une longue tombe de bois avec un drap d’or ».
Le Père Goussencour Célestin et notre très patient Afforty
2
4I
nous ont conservé ces indications : la liste des abbesses;
Pétronille de Troyes (I344) que l’Église vénère, au milieu
de ses saints, Ă la date du 2 mars; Marie de Praelles, qui a
laissé « un diamant et un anel d’or a un rubis » ; Philippotte
de Pellevé, etc.; des Inventaires de reliquaires, de livres et de
joyaux de I37I et de I424; un état des propriétés, la Borde
et le Grand Blaincourt; les privilèges et concessions.
La maison ou plutôt les deux tours que l’on voit sur la
route, furent abandonnées aux religieuses du Moncel par
Louis XIV. Graves estime que ces tours doivent ĂŞtre attri-
buées au milieu du XIV
e
siècle (I334 environ) et indique
la suite des ordonnances royales qui datent de ce séjour.
L’on sait que c’est Philippe de Remi, de Remin ou de
Beaumanoir qui céda à Philippe-le-Bel ce manoir et sa
chapelle.
Cette habitation, dépourvue aujourd’hui de style, à gauche,
est le prieuré de
Saint-Paterne, Sanctus Patellus,
qui appartenait
Ă Saint-Symphorien de Beauvais et eut huit ans pour
titulaire le satirique Boileau, avant que les conseils de M. de
Lamoignon, dit-on, et du chanoine Hermant l’eussent décidé
par conscience Ă y renoncer et Ă doter Mademoiselle de
Bertouville qui entrait alors en religion.
La route est merveilleuse. Outre qu’elle ouvre par delà le
cours sinueux de l’Oise des horizons variés et fins, elle fournit
à chaque pas la surprise de quelque édifice véritablement
aristocratique et parfait.
Cette petite chapelle que Philippe Poulet, seigneur du
Port, restaura en I660, s’appelait Notre-Dame de
Praesles,
de
la Paix
ou de
Saint-Symphorien.
Au-delà un édifice, aujourd’hui ferme, élève deux vastes
corps de bâtiments de la plus élégante et noble architecture
I
6
242
des XIII
e
et XIV
e
siècles, qui semblent avoir appartenu aux
chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Que l’on analyse avec
attention ces deux belles portes avec la moulure délicate
et soignée qui les encadre pour se prolonger sur le nu du
mur; la composition harmonieuse de la façade à trois étages
qui se dresse à l’angle, fenêtres semi-aveugles se contrariant,
baies supérieures à meneaux et à compartiments tréflées que
couronne une cheminée; les bancs en pierre ménagés dans
les combles, de chaque côté de la fenêtre, et les trous
disposés dans le montant du milieu pour recevoir le verrou
des volets.
243
En face, vue délicieuse par dessus les champs, les jardins
et les méandres de l’Oise ; montagnes bleues de l’horizon
que la brume estompe; clocher de Grand-Fresnoy.
Saint-Gervais
est un édifice des XI
e
et XII
e
siècles surtout
qui offre des morceaux d’architecture d’une rare beauté
1
.
Porche de la fin du XII
e
siècle. Portail principal de la même
Ă©poque, selon le modèle que nous avons dĂ©jĂ rencontrĂ© Ă
Villeneuve, avec un tympan orné de branches de chêne et
des voussures à violettes diamantées. Nef à cinq travées
1
Voir
Notice
archéologique
sur
l’Église
Saint-Gervais
de
Pontpoint,
par
M.
Eug.
L
efèvre
-P
ontalis
.
244
dont les fenêtres, petites et cintrées, du milieu du XII
e
siècle,
chevauchent les colonnes, comme on le voit encore Ă
BĂ©thisy-Saint-Martin, Ă Champlieu, Ă Orrouy, Ă Plailly, Ă
Fosse (Seine-et-Oise), selon un système qui est l’une des
notes du style transitionnel. Choeur polygonal d’un style
exquis, ouvert par trois fenêtres plein-cintre, partagé par
quatre colonnettes qui vont soutenir les formerets et les
arcs-ogifs de la voûte, et incliné vers le midi considérable-
ment (0,80 m.).
L’on admirera, parmi les additions qui ont été faites au
XIV
e
siècle, le bras de croix méridional. A la chapelle nord
du XVI
e
siècle, piscine avec cette armoirie peinte : parti Ă
dextre d’azur à deux barres de sable accompagnées de deux
merlettes de même, l’une dans le champ, l’autre en pointe,
au chef coupé de gueules, chargé de trois (?) flammes d’or
et de sable ; à senestre, d’azur à l’agneau paschal de sable
au chef de mĂŞme. Statues de la Vierge du XVI
e
siècle, de
sainte Catherine et de sainte Claire.
Fonts monolithes du XII
e
siècle en forme de cuve octo-
gonale,
garnie
d’arca-
tures et de perles. L’on
en
trouvera
de
sem-
blables
Ă
l’église
de
Rocquemont.
Les pierres tombales
du XIV
e
siècle qui, au
nombre de cinq, servent
de pavé très aristocra-
tique au chœur, sont des
monuments d’un art et
d’une
facture
véritablement
exquis
qui
méritent
d’être
protégés contre tout élément de destruction.
245
« qui trespassa en l’an
« de grace mil. ccc.
lxvi
,
« au mois de septembre.
« Priez que Diex bonne
« merci li fasse. Amen. »
A côté, une dalle pres-
que usée laisse voir encore
une femme dont la tĂŞte est
accostée de deux écussons :
« Ci gist... fame iadis (?)
« Jehan... trespassa l’an de
«
grace
m
.
ccc
et xxv le
« iour de [J]uing ».
Au-delà , pierre d’Oudart
DuCreus
(
I
3 2 9 ) .
Deux
écussons placés aussi de
chaque côté de la tête;
celui
de
droite...;
celui
de
gauche,
de...
Ă
une
bande...
A
l’entour,
ce
texte : « Chi gist Oudart
« Du Creus, iadis Mestre (?)
« et Enquesteur des eaues
« [et] des [fo]res [n
re
] S. le
« roy, qui trespassa l’an
«
m
.
ccc
.
xxix
,
le ieudi après la Tifaine. [Pr]iez que Diex aie
« [merci de] s ame ».
Plus au-delà : « Ici gist Ysabiau, fame Odart Ducreus,
« la[quelle tre]spassa l’an
M
.
CCC
et XVI, le iour [de la] nativité
« [Nostre] Seigneiur. Priez que Deix bone [merci li face].
« Amen ». Surcot long à capuchon; lit ou champ garni de
Au pied de l’autel : « Ici gist Jean le Vennier, clerc
rinceaux de chêne; sous les pieds, un chien; de chaque côté
de la tĂŞte, en dehors de l’archiÂ
tecture, anges agitant des enÂ
censoirs.
Enfin, la cinquième dalle
porte : « [Ci] gist Iehanne
« Doucrues fame Oudart Dou-
« crus Maistre et Enquesteur
« des eaues et des forest n
re
« sire le roy qui trespassa le
« mardi de septembre l’an
mccc
« et xxvi priez Dieu po... »
Cette dernière effigie est enÂ
cadrée aussi avec agrément par
une guirlande de branches de
chĂŞne.
Le clocher surtout est Ă©miÂ
nemment remarquable. Il monte
au-dessus d’une voĂ»te en berÂ
ceau, à l’extrémité de la nef
méridionale, par un triple étage
de baies accouplées
deux par
deux ou trois par
trois, que
couronne une pyramide courÂ
taude en pierre, Ă la
façon des clochers du XI
e
siècle.
Le fief de
Rouffiac
dresse Ă droite de la route,
entre deux
chemins escarpés, un reste très intéressant de chapelle
du XI
e
siècle. Cet édifice est formé d’une grand nef que
termine un chœur carré, selon la disposition qu’affectaient
souvent les églises rurales de cette époque.
L’archéologue notera les cordons qui contournent les
246
247
contreforts, plate-bande supportée par une série de modil-
lons en quart de rond; les larmiers, décorés d’une façon
rudimentaire, de chevrons en zigzags ou de figures gravées ;
une fenĂŞtre du XIV
e
siècle, des restes de peinture et un
autel, témoin muet des prières des ancêtres.
Une autre partie de cet ancien manoir montre, entre
autres curiosités, une cave du XIII
e
siècle où le dernier de
nos Rouffiac, d’une noblesse du Languedoc, aimait, s’il faut
en croire la tradition, à s’emmurer loin du monde.
Ce hameau, qui dort délicieusement au creux de ce
vallon, à l’abri des grands arbres, est
Saint-Pierre.
De l’église,
il n’est demeuré que le transsept et la base du clocher; il les
faut visiter. Le chœur est formé d’une triple chapelle carrée,
dont la centrale est éclairée par deux baies en arc brisé, que
surmonte un oculus.
Le clocher s’élève ou plutôt s’élevait au-dessus des bras de
croix du nord : il n’en reste plus que la base laquelle est
voûtée en berceau, et le premier étage : il s’ouvre sur chacune
de ses deux faces par une double baie plein-cintre soutenue
et ornée par des colonnes et des arcs à dessins géométriques.
L’étage supérieur rappelait le style composé de Saint-Vaast-
de-Longmont oĂą la pyramide Ă base carrĂ©e a cĂ©dĂ© la place Ă
la
pyramide
octogonale,
plus
montante,
cantonnée
aux
angles vides de la tour par quatre dez. Graves a décrit cet
édifice, ses écroulements, et loué l’élégance noble de ses
formes. Un écusson à la voûte de l’intertranssept porte les
armoiries des Chatelain et Popincourt.
Moru,
où le lit jadis plus étalé de l’Oise a déposé plusieurs
mètres d’épaisseur de sable et de galets, était, à des époques
dont il est difficile d’apprécier la très haute antiquité, la
station d’une de ces peuplades mystérieuses qui vivaient là ,
248
à côté du mammouth, de la pêche et de la chasse. Ma
modeste collection renferme, provenant de cet endroit, avec
des
molaires
d
’elephas
primigenius,
des
silex
travaillés,
haches,
coups
de
poing,
grattoirs,
perçoirs,
bélemnites
étirées et infusoires percés en grains, qui servaient peut-être
à maintenir les filets au fond de l’eau, planches durcies ou
quasi pétrifiées.
Rhuis
a défendu contre les injures des siècles plus que des
hommes une église d’un sévère archaïsme. Le portail, petit,
doit une véritable beauté à la sagesse de ses proportions et
à la dignité de ses lignes. Il est formé d’une applique que
couronne un fronton triangulaire. Ce système de saillies qui
contribue à la solidité du mur de la façade, en même temps
qu’il permet une série de rentrants ornementés, est un des
caractères de beaucoup de nos églises romanes et du style
appelé de transition. Il semble que le portail ait été bâti en
prévision d’un porche.
L’archéologue demeure ici longtemps pour étudier l’har-
monie des proportions et les rapports quasi mathématiques
des mesures : le plan et les formes basilicales ; ce choeur en
cul-de-four, dont deux pilastres peu saillants soutiennent
l’arc triomphal ; ce contrefort adossé à la partie médiane de
l’hémicycle
terminal
;
la
nef
privée
originairement
de
voûtage; ces piliers rectangulaires dont les corniches sont
couvertes de hachures entrecroisées et de dessins géomé-
triques; ces baies supérieures ouvertes dans l’axe des arcades
maîtresses ; cet autel primitif, tout enveloppé encore de la
nuée des supplications des ancêtres ; ces larmiers et modillons
en torsades ou câbles : le clocher surtout, du XI
e
siècle, qui
dresse à l’extrémité de la nef du nord son triple étage, et
semble à M. Eug. Lefèvre-Pontalis « le prototype des clochers
«
« de Morienval, de Saint-Gervais de Pontpoint et de Noël-
« Saint-Martin ».
Entre Rhuis et Verberie, restes de menhirs appelés
Pierres
ou
Demoiselles de Rhuys.
249
V
DE SENLIS A CREIL, MONTATAIRE,
VILLERS-SAINT-PAUL, ETC.
Après avoir laissé à notre droite les restes grisâtres des
bâtiments de la
Santé
où logeaient jadis, séparés de la société,
les gens atteints de maladies contagieuses, nous traversons
l’Aunette au lieu dit le
Gué de Creil,
puis la ligne de Chantilly
à Crépy.
Voici les vieux chemins des
Poissonniers,
ou plutĂ´t des
Paissonniers,
que suivaient les troupeaux de porcs pour aller
à la glandée ; le
Tomberet;
les
bois d’Halatte
et, derrière ce
mur blanc, le parc d’Apremont.
L’église d
’Apremont
n’a conservé de sa construction origi-
nelle du XII
e
siècle que des contreforts et quelques modillons
à l’angle est, ayant été reconstruite aux XV
e
, XVI
e
et XVIII
e
siècles (
I
760).
Apremont peut compter parmi ses seigneurs : Jean de
Belloy, Raoul de Fayel (
I
35
I
), Jean du Courroy ou du
Couldray, dit Cornu, écuyer (
I
384), Gilles le Fruitier (
I
463),
les du Crocq...
2 5 I
Malassise, Malasita,
dont nous apercevons le petit fief Ă
droite, eut entr’autres seigneurs, une illustre famille, les de
Mesmes, Jacques, Henri, Jacques, Claude. C’est Henri de
Mesmes et de Biron qui conclurent Ă Saint-Germain-en-Laye
la paix dite « Boiteuse et Malassise ». Le
Nécrologe
de nos
Cordeliers de Senlis et nos
Archives départementales
citent
« Isabiau de Malassise », damoiselle Giron, dame de Malas-
sise (I49I)
1
.
BientĂ´t la route, laissant Ă notre gauche les futaies
giboyeuses
du
Plessis-Pommeraie,
que
«
noble
homme
« Salomon de Brosse « acquit de la marquise de Verneuil,
descend par une pente raide entre les tufs roussâtres percés
de boves ou creuttes, vers Creil qui étale confusément ses
rues et ses impasses sur les deux rives de l’Oise.
Creil, Criolum
(636),
Cretelium, Credullium
(vers I025), etc.,
offre à la curiosité des archéologues son église de Saint-
Médard, les restes de Saint-Evremond et quelques morceaux
délabrés de son château royal.
1
Voir
B
oursier
,
Histoire de Creil,
page 48 et suivantes.
252
L’église paroissiale ou Saint-Médard a subi tant de rema-
niements, à cause des désastres des guerres, qu’il est malaisé
de reconstituer son plan initial. Certains de ses détails,
comme un angle au sud-est, sont du milieu du XII
e
siècle.
Le XIII
e
siècle apparaît au portail, rappelant, comme Nogent,
et le clocher de Villers-Saint-Paul, le passage et les générosités
253
de saint Louis. Le XV
e
siècle et le XVI
e
ont exhaussé les
piliers, refait les voûtes, élevé le clocher (
I
500), œuvre de
maître Michault de Bray.
Nous signalerons la chapelle des fonts avec ses consoles
qui représentent les Evangélistes, et sa cheminée aujourd’hui
disparue; le chapiteau à légendes qui porte, gravé sur un
phylactère, le mot mystérieux : « Espérance » ; une clef de
voûte
qui
rappelle
la
corporation
des
maréchaux-ferrants; quelques pierres tom-
bales ou monuments de Jean de la Haye
(
I
547), d’Alexandre de Montdésir, seigneur
du
Plessis-Pommeraie
(
I
667),
du
domi-
nicain
Vincent
Contenson
(
I
674);
un
beau tableau de L. de la Hire : la Nativité
de Notre-Seigneur; un vitrail très soigné de Roussel :
l’Arrivée des reliques de saint Évremond à Creil.
Dans l’île que forment les deux bras de l’Oise, le touriste
s’arrête devant les débris très remarquables de la collégiale
de Saint-Évremond. Eugène Woillez, et à sa suite, le docteur
Boursier
ont
décrit
cette
église,
indiqué
ses
richesses,
nommĂ© les morts plus illustres qui reçurent la sĂ©pulture Ă
l’abri de ses arceaux, et raconté les sorts quelquefois odieux
qu’elle a subis. Sa construction doit être reportée au milieu
du XII
e
siècle.
L’archéologue et l’artiste y noteront les contreforts avec
les colonnes engagées aux angles, et les imbrications qui
couvrent leurs ressauts; les palmettes empruntées avec un
goût délicat à la flore locale qui galonnent les parements;
les corniches Ă petites arcatures; les chapiteaux avec entre-
lacs de plantes semi-conventionnelles que retiennent des
nœuds en forme de mître, tel qu’on les retrouvera à Saint-
Leu-d’Esserent et à Senlis; les tribunes qui sont entre-
coupées par les arcs-boutants et ménagées d’une façon
encore hésitante et maladroite dans les combles
1
; leurs
travées ouvertes par les cintres géminés que rassemble une
arcade en arcs brisés. Le clocher qui s’élevait sur le croisillon
du transsept, a été détruit avec trois travées, en I788.
2 5 4
C’est lĂ que des lettres-patentes du Roy (I762) permirent Ă
Claude Baudoux, de Creil, d’établir une manufacture de
glaces de Saint-Gobain, à laquelle succéda, vers I800, grâce
à M. de Saint-Cricq, la manufacture de faïence, aujourd’hui
transportée totalement à Montereau,
A côté de Saint-Évremont, une grosse tour carrée, garnie
de machicoulis, et des courtines disjointes suffisent Ă donner
une idée de l’importance qu’avait le château, oeuvre de
Charles V (I370) et du XV
e
siècle. Que d’événements tristes
se passèrent dans ces murailles, surtout à cette époque
1
A
Saint-Évremond,
le
triforium,
s’il
est
permis
de
nommer
ainsi
le
couloir
qui
rampe
sous
les
arcs-boutants,
est
un
essai.
A
Saint-Leu-d’Esserent,
le
triforium,
commencé
selon
le
mĂŞme
système,
devient
bientĂ´t,
grâce
Ă
des
arcs
de
décharge,
une
galerie
qui
reçoit
directement
la
lumière
du
dehors.
A
Senlis,
le tâtonnement a cessé.
2
5 5
d’humiliations nationales oĂą Charles VI, amenĂ© du Mans Ă
Creil, c’était en août I392, promenait ses yeux inquiets sur
les flots jaunâtres de l’Oise. « Pierre de Bourbon », dit
Damien de Templeux, « et sa femme Anne », fille de
Louis XI, « sont dépeints dans la chapelle du château,
« en posture de suppliant, et devant eux, un cerf-volant et
« une couronne de lys, avec ce mot » puissant et magique :
« Espérance ». L’on trouvera dans les
Descriptions des
Châteaux
de du Cerceau dessins et explication.
Je vous renvoye Ă
l’Histoire de Creil
pour la Châtellenie,
fiefs et arrière-fiefs; les événements souvent tragiques de la
place forte; les personnages qui ont porté ou illustré le nom
de Creil; le sceau; les châtelains depuis Bernard le
Danois, etc.
Le pavillon à droite, dans l’eau, a appartenu entr’autres
au père de l’illustre compositeur Auber.
Ce pont plus pratique que pittoresque a été posé en I89I :
sa construction fait honneur Ă la
Société anonyme du Nord
de la France,
mais ajoute peu, il faut l’avouer, à la poésie
du site.
Voyez-vous cette croix qui est érigée à l’extrémité du
pont ? Le nom qu’elle a gardé de
Croix du Grand Marais,
rappelle la donation que Béatrix de Bourbon, femme de
l’héroïque Jean de Luxembourg, dit l’Aveugle, a faite, en
I
340, d’une partie des marais qui avoisinaient jadis. C’était
l’usage que les processions de Creil, de Montataire et de
Nogent s’y rencontrassent en un pieux rendez-vous? Pour-
quoi mépriser ces traditions, qui sont comme une chaîne
d’or entre les ancêtres et l’avenir : « Patres nostri annun-
« tiaverunt nobis », et un avertissement « monumenta »
du crédit que le passé doit garder dans la reconnaissance
des âges ?
256
La gare de Creil, inaugurée en
I
846 pour la ligne de
Paris à Lille, a pris depuis cette époque une extension tous
les jours croissante.
L’on trouvera dans la
Monographie sociale d’un Canton
industriel du Nord de la France,
de M. William Bertheault,
ancien directeur des Forges de Montataire, un état clair et
impartial, au point de vue matériel et moral, des ateliers,
fabriques, usines, etc., qui font de Creil un centre d’une
activité intense : ateliers de constructions et d’appareils de
matériel militaire; forges; fonderies de fonte et de bronze;
fabriques de clous et de ronces artificielles; scieries méca-
niques; verreries; usine de couleur d’aniline, etc.
« Tout le monde » a écrit M. Stanislas Meunier, « connaît
« Creil pour y avoir passé en chemin de fer; mais tout le
« monde n’y a pas fait d’excursion géologique. A ce point
« de vue, c’est un centre des plus fructueux »; mais il me
faut vous renvoyer au savant géologue.
Tout près de Creil, entre un réseau de chemins antiques
qui mènent à Verneuil, et l’endroit où le lit canalisé de
l’Oise reçoit la rivière de Brêche, le lieu dit
Canneville
est
digne d’une excursion à plus d’un titre. Le nom de Canneville
Canaanvilla,
apparaît dans l’histoire de saint Rieul. Il y est
rapporté que ce premier apôtre du Senlisois, « s’estant mis
« en chemin... avec quelques siens clercs, rencontra en la
« ville de Chanaan, bastie sur la rivière d’Oyse le messager
« de Beauvais » lequel lui venait apprendre « que Saint-
« Lucian... avoit souffert la mort pour ses ouailles ».
Canaanvilla est une station préhistorique où MM. Louchet,
Martin,
etc.,
ont
recueilli
de
nombreux
spécimens
de
ces instruments et armes en silex, grattoirs, percuteurs,
pointes de flèches, qui aidèrent la population primitive de
2 5 7
ce confluent, à triompher par l’industrie et la ruse, d’une
nature marâtre et d’une faune farouche.
En face des marais où le Thérain se perd dans la rivière
d’Oise, les rampes abruptes et rocheuses de la montagne
sont couvertes d’un enchevêtrement pittoresque de maisons
et de jardins que dominent un château à tourelles et une
église à clocher tronqué : c’est
Montataire, Mons ad Tharam
ou
ad Theram
(1217).
Le château, que Hugues de Clermont construisit au début
du XII
e
siècle, et que Renaud II fortifia davantage en appliÂ
quant contre les courtines du donjon carré des « tours
« massives et sévères, réunies l’une à l’autre par des arcades
« de décharge à plein-cintre » telles qu’on les voit encore
au milieu des réparations du XV
e
siècle, a été restauré avec
un goût délicat par son très regretté possesseur et historien,
le baron de Condé.
Plus d’une fois j’ai trouvé un plaisir extrême à revoir
« les chapiteaux romans » de la salle basse, avec leurs
tailloirs massifs et leurs corbeilles Ă palmettes et Ă figures
sauvages; la salle d’armes où un tableau mythologique du
flamand
Barthélemy
Spranger
domine
une
cheminée
de
Jean Barbet ; la chambre dite
du roy
avec ses boiseries Ă
refouillements épais d’où semblent s’avancer les portraits
raides et gourmés d’Henri III, de sa femme Louise de
Vaudemont,
de
Marguerite
de
Savoie
et
d’Henri
IV;
l’oratoire où Massillon médita son
Petit CarĂŞme;
la biblioÂ
thèque; les grottes à rocailles, le parterre à arabesques et
les terrasses bordées de balustrades que Louis de Madaillan
commanda selon les
théories
de Bernard Palissy.
Le baron de Condé a donné la suite des populations qui
se sont succédé sur ce plateau, Celtes, Gaulois... et les
1 7
258
monuments de leur passage; l’Assemblée de 879, où fut
discutée la succession de Louis-le-Bègue ; la liste des seigneurs
qui ont occupé ce château depuis Hugues de Clermont
jusqu’aux Madaillan et aux Lorbehaye; les prieurés de Saint-
Léonard et de Royaumont; la demeure « sous abri » de
Pierre
l’Hermite;
les
événements
de
toutes
dimensions,
tristes ou gais, qui constituent la vie intime d’une habitation
seigneuriale. A nous de compléter ce récit en rappelant la
haute religion du baron de Condé et de sa femme, leur
passion incorrigible du bien public et leurs charités prin-
cières.
Le sentier escarpĂ© et tournant qui conduit du château Ă
l’église, laisse émerger ça et là du sol rocailleux et des
ronces pendantes, des tombes en auge gallo-romaines.
L’église de Montataire, qui est l’ancienne collégiale,
a reçu de plusieurs
époques
leur
cachet
distinct. Aux débuts
du XII
e
siècle appar-
tient la construction
de la nef avec ses
fenĂŞtres
(aujourd’hui
aveuglées)
aux
cla-
veaux
artificiels
et ses
modillons
barbares
dont l’un représente peut-être le fondateur, Hugues de
Clermont, dans ce cavalier armé en guerre. La fin du
XII
e
siècle ou le XIII
e
siècle commence à introduire ses
robustes caractères architecturaux à l’intérieur de la nef
dont
certains chapiteaux,
chute
originelle, dragons, etc.,
sont
d’un faire merveilleux,
et aux
portails. Le chœur,
œuvre de la noble famille de la Tournelle et peut-être
259
de nos rois, très ajouré, avec les deux chapelles qui
l’escortent,
et
les
arcatures
trilobées
qui
garnissent
les
murailles, trahit le XIII
e
siècle arrivé en son milieu ou
finissant. Le transsept est de la même époque avec des
retouches ou des liaisons du XIV
e
siècle. Le tympan du
portail du midi, lequel représente l’Annonciation, est un
ouvrage vulgaire du XV
e
.
L’on voyait dans la nef, comme Ă Creil, Ă Nogent et Ă
Cires-les-Mello, une cheminée à l’usage du baptême.
Étudier aussi le clocher qui a peut-être servi de défense,
comme le clocher de Hainvillers et maints autres de partout;
les toits en pierre Ă inclinaisons raides qui couvrent les
basses-nefs; une statue de la Vierge du XVI
e
siècle dont
l’Enfant-Dieu tient en main le globe du monde; un reste
de pierre tombale de « Jehan Boucher... prévost et garde de
« la justice de Montataire » (9 mai
I
540); la dalle tumulaire
d’un Madaillan (
I
739).
26
o
A côté de l’église et du presbytère, restes des granges de
la collégiale (XIII
e
siècle).
Au-dessous, quelle fumée ! quel vacarme! quelle agitation!
Ce sont la
Société des Ponts
et Travaux en fer
et surtout les
Forges
dont l’origine modeste
est,
dit
M. Bertheault,
« un petit laminoir à fer établi, en
I
807, sur une belle chute
« d’eau
formée par la rivière
du Thérain, près de son
« confluent avec l’Oise. »
Au pied de Montataire, cette église des XII
e
, XIII
e
et
XIV
e
siècles qui
est campée con-
tre une colline
pittoresque,
est
Thiverny.
Vous
remarquerez,
Ă
son portail en
applique
d’un
beau style, les
chapiteaux
oĂą
des figures gros-
sement
traitées
portent de lon-
gues nattes, des
moustaches torses et des cheveux en mèches spiroïdes ; les
chevrons brisés des archivoltes ; le cordon de plantes « d’une
« grande finesse et habileté » qui les cerne.
Cette
église
a
conservé
un
vitrail
fort
intéressant
(XIII
e
siècle)
de
son
patron,
saint
Leufroi.
Pourquoi
l’église de Thiverny est-elle sous le vocable du saint ermite
et
apĂ´tre
des
idolâtres
du
pays
de
Louviers
et
de
Caillon?
Nous savons que la terre de Thiverny fut donnée par
Charles-le-Simple à Saint-Germain-des-Prés.
26I
Nogent-les-Vierges,
dont
Frédégaire
rapporte
que
le
roi
Théodorik et le maire Leudès, s’y étaient réfugiés « in
« Novienti villa », pour échapper au génie cruel d’Ebroïn,
en 673, doit son surnom au souvenir et aux reliques
des saintes martyres Ă©cossaises, Maure et Brigide. C’est lĂ
262
en effet que leurs fiertes précieuses s’arrêtèrent en 660, et
« y furent délaisseez, sainte Batilde, royne de France, ne
« les ayant peu transporter en son abbaïe de Celles
« [Chelles].»
Ce château que nous rencontrons d’abord, à notre gauche,
au milieu de pelouses charmantes et de frais ombrages,
appartient à M. Hubert, l’un des bienfaiteurs du pays.
Ce château s’est embelli, entr’autres détails, d’une galerie
sculptée
que
M.
Houbigant
a
em-
pruntée à l’habitation seigneuriale de
Sarcus. Faut-il, avec ce savant, saluer
François I
er
et ses trois fils, « après la
« blessure de Romorantin », dans les
quatre médaillons qui décorent ce reste
de façade? Nous avons, de M. Houbigant,
un
Recueil des Antiquités bellovaques
con-
servées dans son cabinet de Nogent-les-
Vierges.
Une première croix, que l’on rencontre sur la place de
l’Église, est un spécimen simple et délicat du milieu du
XIII
e
siècle. Plus loin, fontaine (supprimée) des saintes
Maure et Brigide.
La croix qui l’avoisine avec autel de station, est soutenue
par une colonne et un couronnement de la fin du XII
e
siècle,
qui montre, dans une arcade trilobée, une femme coiffée
d’un voile et tenant d’une main une crosse d’abbesse, et de
l’autre un livre.
L’église est un édifice de deux styles également remar-
quables : l’époque romane revendique avec orgueil, outre la
nef austère, deux bras de croix, dont la voûte en berceau
épaule le clocher, et ce clocher central en bâtière, l’un des
263
plus importants de nos pays par ses dimensions et son
originalité.
Saint
Louis,
lequel
fit
transférer
solennellement
les
reliques dans des châsses de grand prix, agrandit le choeur
selon le style magnifique que l’on sait.
Quelques détails à noter : façade avec croix antéfixe,
comme nos pays en dressent encore Ă Boran, Ă Duvy, Ă
Nointel,
etc.;
porche
de
I
22
I
environ;
cheminée
du
XV
e
siècle;
aux
piliers
massifs
du
clocher,
bas-reliefs
incrustés, dont deux, Naissance et Mort de la Vierge,
trahissent l’art du XV
e
siècle.
Verrières du XIII
e
siècle représentant le Christ juge.
Pierre tombale très usée où j’ai cru lire : « Cy gist Gilles
« Seigneur (?) doignies et de Rosoy en... [lequel] trespassa
« l’an mil CCCC et XIIII le XXI de may. Pries Dieu p° luy.
« Cy gist noble dame demoiselle Iehanne Duvis (?) fame
« du dit Gilles laquelle trespassa l’an mil CCCC et... », avec
ces armoiries du mari : à une fasce de vair accompagnée en
chef d’un chevron et en pointe de même; de la femme :
parti Ă dextre du mari et Ă senestre de... Ă un chevron.
Statue en marbre de Jehan Bardeau, seigneur de Morte-
fontaine, près de Villers-Saint-Paul, secrétaire du roi Henri III
(-
I
632) : elle est signée Michel Bourdin, sculpteur Orléanais,
auquel on doit les tombeaux de Louis XI à Cléry et de
Diane de Poitiers, un buste en cire d’Henri IV, etc.
Autres épitaphes, de
I
535, oĂą un gisant; de
I
568 : Jean
Dufour, seigneur de Nogent et de Villers-Saint-Paul; de
I
63
I
;
de
I
77
I
:
Messire
Hardy
Duplessis,
seigneur
de
Nogent-les-Vierges, et Marie-Bonne de Colabau, sa femme.
Un saint Sébastien de l’époque de la Renaissance. Deux
châsses style Louis XIV.
264
La maréchale Gérard a fait bâtir en cette église une
chapelle avec caveau pour recevoir les restes du maréchal
Gérard, « aussi vertueux et affable que brave », lequel
habita le château voisin de Villers-Saint-Paul.
L’archéologue chercheur remarquera dans les murs exté-
rieurs du chœur du XIII
e
siècle, des motifs romans encastrés,
restes peut-être du chœur primitif.
Le clocher à colonnes d’angle, à colonnettes gravées,
torses, à décorations de dents de scie, de pointes de diamant,
est, je le répète, l’un des spécimens les plus notables que
l’art roman ait élevés sur les bords de l’Oise. Il est à noter
qu’il se termine en bâtière, selon un procédé de construc-
tion plus léger et plus économique que ne l’était la forme
pyramidale de Saint-Pierre de Pontpoint, de Chamant, etc.
Tout récemment l’abbé Boudin, curé de la paroisse, a
exhumé de la poussière des greniers, où elles sommeillaient,
deux statuettes charmantes en bois peint des mĂŞmes bien-
heureuses (XIII
e
ou XIV
e
siècle).
L’on sait que la fête des saintes martyres continue, malgré
l’indifférence
d’une
époque
trop
souvent
positiviste
ou
blasée, d’attirer de nombreux pèlerins.
A mentionner aussi à Nogent-les-Vierges, les découvertes
préhistoriques faites au Dolmen du
Retiro.
Nogent imite Creil en son activité industrieuse : ateliers
de construction de M. Burton, papeterie, fabrication de filets
de pĂŞche.
De Nogent Ă
Villers-Saint-Paul, Villaris super Isaram
(
I
005),
le chemin est comme abrégé par la fraîcheur des bois que
lave la Brêche, et la variété des sites.
L’église, éminemment curieuse, a été étudiée avec scrupule
par Graves, Eug. Woillez, Viollet-le-Duc, Quicherat et
265
M. Eug. Lefèvre-Pontalis, qui en a fait une monographie
détaillée et distribue ainsi les âges de l’édifice : au premier
quart du XII
e
siècle, la nef; au deuxième quart du même
siècle, la façade ; au commencement du XIII
e
, le carré du
transsept, les croisillons, le chœur et le clocher, tandis que
M. Anthyme Saint-Paul estime que « le portail et la nef
« sont antérieurs au XII
e
siècle ».
Il est d’un grand profit d’analyser en archéologue et en
artiste, à la suite de guides si compétents : la façade, avec
son oculus; le portail en retrait ou en applique à dégrada-
tions, l’un des plus remarquables du roman de nos pays,
avec ses dix paires de colonnes, son tympan Ă pierres
savamment appareillées, ses archivoltes, son tore disposé en
frĂŞte
crénelée
d’un
caractère
très
rare
et
éminemment
archaĂŻque, et le David ou Samson qui le couronne ; la
grande nef, divisée jadis dans sa longueur par des arcades
ou doubleaux en plein-cintre « dont l’extrados se terminait
« par un pignon engagé sous le comble » pour partager les
charpentes en travées indépendantes; les arcades maîtresses
de la nef, tracées en arcs brisés (
II
00 environ) et supportées
par des chapiteaux couverts de décorations géométriques, de
figures sauvages ou de feuilles d’acanthe d’un grand style;
les basses-nefs, privées de voûte en pierre et ornées d’arca-
tures avec bans de pierre; la large niche en tiers-point « qui
« dessine à l’extérieur » du mur du chevet « une saillie
« terminée par un gable massif » ; le cordon, au dehors,
qui court sur les murs latéraux et cerne les fenêtres; la
corniche formée d’une série de petits arcs géminés, et
surtout
les
grotesques,
armés,
musiciens,
s’entredévorant,
etc., etc., qui se succèdent en frise étrange et barbare le long
du larmier supérieur; le clocher, élégant et « très original »,
avec toit en bâtière et clochetons.
266
A mentionner encore un vitrail de la Vierge du XIII
e
siècle ;
des débris de pierres tombales des XIV
e
siècle et suivants;
des peintures murales à la partie de l’église qui sert
aujourd’hui de sacristie, représentant la vie de saint Jean-
Baptiste (XIV
e
siècle); et un reste malheureusement mutilé
d’un
monument
funéraire
de
Guillaume
Brunel
et
de
Jacqueline, sa femme.
J’ai parlé ailleurs des peintures murales d’Angicourt, de
Cambronne, près Clermont, de Mogneville, de Rieux, de
Villers-Saint-Paul, etc.
Pour les pierres tombales, mon savant ami l’abbé Morel
me fut d’un grand secours pour y déchiffrer ces restes d’ins-
criptions :
« Cy gist dame (?) Marie femme
de sire Pierre
Brunel
« jadis bourgois de Senlis (?) ...oire
le xv
e
jour du
mois de
« décembre et le dit feu Pierre qui gist en l’église Saint
« Rieule de Senlis et trespassa en l’an de grace (?)... mois de
« juing. Pries... pardon ».
« Cy gist Guillaume (?) brunel filz de deffunct Pierre
« brunel et Marie sa femme qui fu tresorier de monseigneur
« le duc d’Orliens et puis secrétaire argentier et t... mois
« de may l’an de grace (?) Mil
CCCC
... Pries a Dieu pour li
« pour son père, sa mère et pour ses amis ».
« Cy gist Jaqueline fille de feu Sire Pierre Brunel et
« sereur de Sire (?) Mahieu Brunel, fondeur
1
de ceste
« chappelle et iadis femme de deffuncts Renoult de lourme,
« Pierre le Carrier et Jehan Colart laquelle trespassa
« (XIV
e
siècle) ». Au même endroit.
« Cy gist sire Florens Brunel, fil
de feu Pierre
Brunel
« qui trespassa l’an de grace mil
CCC
... »
1
Fondateur.
267
« Cy gist Aalis (?) Brunel iadis fille de sire Guillaume
« Brunel, conseillier du roy nostre sire et femme de
« Johannin de Viarmes (?) bourgois de Paris qui tres-
« passa au mois de mars l’an de grace mil
CCC
IIII
XX
et
XIII
.
« Pries Diex pour son ame ». Cette dalle porte deux écussons
268
oĂą
l’on
distingue
[d’argent]
Ă
une
bande
[de
sable]
chargée de trois fleurs [de lys d’or] qui est de Villers, et parti
du même et de... coupé de..., qui est de la femme.
Pour ce qui est du monument funéraire de Guillaume
Brunel, les poses, les plis des vêtements, la délicatesse de la
sculpture sont d’un maître.
Villers-Saint-Paul a été le berceau ou le fief principal
d’une famille qui paraît avoir tenu une place importante
dans la noblesse d’autrefois. Nous citerons entr’autres :
II
65 : Albéric, chambrier de France, et Raoul, chevalier;
II
90,
I
227 : Amaury de Villers-Saint-Paul, châtellain de la
Rochelle;
I
474 : Guillaume; Florimond, son fils, qui meurt
en défendant l’abbaye de Saint-Lucien dont son frère était
abbé. La statue couchée de Florimond repose dans le parc
de Nogent.
Ces noms auxquels l’archéologie prête ainsi un instant de
renouveau, ont fait place à d’autres gloires : de Sartines
(
I
777);
Godard
Ancourt
de
Saint-Just,
qui
a
fourni
Ă
Boiëldieu plus d’un libretto d’opéras-comiques; le maréchal
comte Gérard; les d’Archiac.
Vous pourriez revenir de Creil par Vaux et Verneuil.
A
Vaux,
dont M. Boursier cite plus d’un seigneur, restes
d’une chapelle de la Vierge du XIII
e
siècle. Le musée
archéologique de Senlis possède une Piéta en pierre peinte
du XVI
e
siècle qui provient de cet édifice.
Une sente abrĂ©gĂ©e conduit de lĂ Ă
Verneuil
par les bois et
des
carrières
de
sable.
Le
village
détache
bientĂ´t
ses
maisons et le clocher de son église sur un horizon de
collines entre la plaine Ă gauche et des bouquets de sapins
foncés.
269
Verneuil,
le
Vernogilum
(82I),
VernoĂŻlum,
des Capitulaires
selon plus d’un savant, est déchu de ses vieilles gloires.
Cette ville, c’était la qualification officielle, possédait sur
le bord giboyeux de la forêt d’Halatte, un château « dont la
« dimension colossale ne rachetait pas la vulgarité »,
commencé par Philippe de Boulainvilliers, comte de Dam-
martin et parachevé par Henri IV avec l’aide de Baptiste
Androuet du Cerceau, au profit de la belle et malicieuse
Catherine de Balzac d’Entragues. L’on trouvera dans du
Cerceau et dans le
Théâtre d’Agriculture
d’Olivier de Serres,
une description de ce château et des jardins « disposés avec
« merveilleuse patience et industrie ».
La seigneurie ou marquisat de Verneuil fut érigée en
duché-pairie en I652 en faveur de Henri de Bourbon-Condé,
2
e
fils légitimé d’Henri IV et de Catherine de Balzac, lequel
cumulait selon un procédé peu édifiant, les emplois sacrés
et la vie séculière.
L’église de Verneuil, sous le vocable de Saint-Honoré, est
Porche assez joli des XV
e
et XVI
e
siècles. Portail simple,
mais d'un bon style. Armoiries peintes de Henri de Bourbon,
comte de Verneuil.
Le sol a gardé quelques dalles tumulaires, parmi lesquelles
d’une architecture
mêlée.
Quelques
souvenirs du com-
mencement du
XII
e
siècle à l’avant-
chœur, et carac-
tères du XIV
e
et
surtout de la se-
conde moitié du
XVI
e
à l’intérieur
270
je
mentionnerai
seulement
celles
d’Antoine-Raymond
Hamelin, écuyer, seigneur de la Marlière, ancien capitaine au
régiment de Limousin, chevalier de Saint-Louis (juillet
I
782); et de Marie-Louise Dufresne Du Cange, épouse de
feu messire Paul-François-Ollin de Torcy, lieutenant-général
des armées du Roy (juillet I783).
Les anciens registres de la paroisse de Verneuil renferment
plus d’un document intéressant : abjurations, mariages,
baptêmes, décès, signatures de personnages de marque.
Notons seulement :
« Jehan Brosse, « maistre architecteur » (I568), demeu-
« rant à Verneuil ». C’est le père de Salomon ou Jacques de
Brosse.
I
6I7. Salomon de Brosse qui est qualifié « architecte
« général des bâtiments du Roy et de la Royne, mère de
27I
« Sa Majesté, seigneur du Plessis-Pommeraye et des fiefs de
« Saint-Quentin (au lieu dit Montlaville) et du Coulom-
« bier, etc. »
Paul de Brosse, architecte du roi, qui épousa Anne Bourrée
avant l’année I6I7.
Deux Jacques de la Brosse, que nous amènent les
dates de I669 et de I697, sont probablement des fils et
petit-fils de Paul de Brosse.
Fontaine Sainte-Geneviève
où pèlerinage très ancien;
tumulus au lieu dit les
Platiaux;
et mamelon, au
Tremblay,
où l’on a découvert en I866 « des squelettes avec des vases
« gallo-romains ».
A
Montlaville
« un petit manoir » en pierre qui a du
« style » était une appartenance et probablement une oeuvre
de « noble homme Salomon de Brosse ». Il est nommé,
dans certains titres,
le Fief
ou
la Tour Saint-Quentin.
« Quand « dit M. Stanislas Meunier, « on va de Creil Ă
« Fleurines, après avoir traversé le gisement de glauconie
« moyen des bords de l’Oise, on arrive du côté de Verneuil
« sur le calcaire grossier, inférieur et moyen, etc. ».
Carrière de sables riche en coquilles intéressantes.