2
Les SAFER :
les dérives d’un outil de politique
d’aménagement agricole et rural
_____________________
PR
É
SENTATION
____________________
Les sociétés pour l’aménagement foncier et rural (SAFER) sont
des sociétés anonymes créées au début des années 1960 pour acheter et
revendre des terres agricoles et des sièges d’exploitation. Elles ont pour
objectifs de favoriser l’installation des jeunes agriculteurs dans de
bonnes conditions, de remembrer le parcellaire agricole et de permettre
l’agrandissement d’exploitation de type familial pour atteindre un seuil
de rentabilité.
Au nombre de 26 dont trois dans les départements d’outre-mer, les
SAFER emploient 986 salariés. À fin 2012, le total de leur bilan s’élève à
450 M€, dont 204 M€ de dettes financières et 134 M€ de capitaux
propres. Les SAFER ont acquis, en 2012, 86 600 hectares (ha) et
9 700 biens pour une valeur totale de 1,1 Md€. Elles ont rétrocédé au
total 88 300 ha, en effectuant 11 900 opérations.
Les SAFER, bien que sous statut de société anonyme, sont investies
d’une mission d’intérêt général concernant le foncier agricole et rural,
qu’elles exercent grâce au droit de préempter que leur accorde la loi du
8 août 1962. Progressivement, leur rôle et leur champ d’action se sont
élargis, dans le développement rural avec la loi du 25 janvier 1990 puis
dans le domaine environnemental avec la loi du 9 juillet 1999, alors que
dans le même temps leur mission première, le remembrement, se
réduisait.
Les SAFER sont constituées en réseau, coiffé par deux entités : la
Fédération nationale des SAFER (FNSafer), une association créée en
1962, et la société centrale pour l’aménagement foncier rural
34
(SCAFR)
créée, sous l’égide de l’État, pour participer au capital des SAFER.
34
La SCAFR, considérée comme une filiale de la Caisse des dépôts et consignations,
a changé de dénomination après sa fusion, en 2002, avec une société de conseil, pour
devenir la société « Terres d’Europe-Société de conseil pour l’aménagement foncier
rural », souvent dénommée SCAFR.
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92
COUR DES COMPTES
La Cour a contrôlé au début des années 1990 plusieurs SAFER.
Elle avait alors notamment constaté un manque d’adéquation entre la
politique foncière des SAFER et celle définie par l’État, ainsi que
l’insuffisante définition des objectifs et de la programmation des activités
de chaque SAFER.
Le nouveau contrôle que vient d’effectuer la Cour a porté sur les
deux structures nationales, ainsi que sur quatre SAFER aux territoires
très différenciés
35
. Il montre que les SAFER mènent aujourd’hui, de
manière très indépendante, des activités diversifiées et peu contrôlées par
les pouvoirs publics, ce qui rend nécessaire un recadrage de leurs
missions et une meilleure maîtrise de leur réseau.
I - Des activités diversifiées
A - Un champ d’action élargi
Deux éléments ont fortement pesé sur l’activité des SAFER et
donc sur leur situation financière : la fin de la période des grands
remembrements et la réduction du marché des terres agricoles sous l’effet
de l’urbanisation et de l’artificialisation des sols. La part des terres
agricoles est en effet passée de 62,6 % du territoire national en 1960 à
51,4 % en 2010, alors que, durant la même période, les sols boisés
passaient de 21 % à 31 % et les sols artificialisés de 8,8 % à 12,4 %.
Il revient aux SAFER d’agir sur le marché rural et de favoriser la
transparence du marché. Cette mission a été progressivement étendue
avec l’élargissement de leur droit de préemption par la loi du 4 juillet
1980. Celle-ci leur reconnaît aussi la faculté de céder des biens à des
organismes publics ou des associations foncières en vue de constituer des
réserves foncières ou d’aménager l’espace rural.
Dix ans plus tard, la loi du 25 janvier 1990 met les SAFER en
position d’opérateur foncier en milieu rural, en leur donnant la possibilité
d’effectuer des études et de conduire des opérations en vue de favoriser le
développement rural, y compris vers des activités non agricoles. Pour la
35
Deux correspondaient à des régions administratives : SAFER Poitou-Charentes et
SAFER Languedoc-Roussillon, ce qui n’est le cas ni pour la SAFER Aquitaine-
Atlantique, ni pour la SAFER Flandres-Artois.
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LES SAFER : LES DÉRIVES D’UN OUTIL DE POLITIQUE D’AMÉNAGEMENT
AGRICOLE ET RURAL
93
première fois, apparaît la notion de « préservation de la nature et de
l’environnement ».
Cette évolution est confirmée par la loi du 9 juillet 1999 qui met en
place la possibilité de préemption pour des motifs environnementaux.
Elle est parachevée par la loi du 23 février 2005, puisque l’article
L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) précise désormais
que les SAFER « concourent à la diversité des paysages, à la protection
des ressources naturelles et au maintien de la diversité biologique ». Les
liens plus étroits sont prévus avec les collectivités territoriales et un rôle
plus important est attendu dans le domaine forestier.
Parallèlement, l’exemption fiscale des droits d’enregistrement dont
bénéficient les SAFER a été largement étendue en 1999-2000.
Alors que les régions ont pris de plus en plus de place dans
l’organisation administrative, le ressort de certaines SAFER n’est plus en
adéquation avec cette évolution comme le montre la carte ci-après
36
. En
1995, la Cour demandait de poursuivre l’évolution engagée, trop
lentement, en faveur d’un regroupement régional, voire inter-régional.
L’absence de correspondance avec les régions est un handicap si les
SAFER veulent apporter leur expérience à l’aménagement des territoires
et coopérer, de façon constructive, avec les régions.
36
C’est le cas de six SAFER : Aquitaine-Atlantique, Garonne-Périgord, Aveyron-Lot-
Tarn, Gascogne-Haut-Languedoc, Maine-Océan, Poitou-Charentes.
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COUR DES COMPTES
Carte n° 1 :
implantations des SAFER
Source : Cour des comptes, d’après une carte FNSafer (délimitation des SAFER en orange, des
régions en noir)
La situation des SAFER résultant de ces évolutions et de leur
politique propre apparaît particulièrement différenciée.
B - Des situations financières contrastées
Si, globalement, la situation financière des SAFER pour l’exercice
2012 est satisfaisante avec un résultat positif de 4,85 M€ pour l’ensemble
des SAFER de métropole, localement des différences considérables
existent. Ainsi, trois SAFER dégagent des résultats particulièrement
positifs, supérieurs à 600 000 € (Aquitaine-Atlantique, Provence-Alpes-
Côte d’Azur et Centre), et d’autres ont un résultat très positif supérieur à
300 000 € (Basse-Normandie, Auvergne). Ces cinq SAFER contribuent à
elles seules à 75 % des résultats positifs de l’ensemble des SAFER.
Quelques SAFER présentent des résultats proches de zéro (Alsace,
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AGRICOLE ET RURAL
95
Aveyron-Lot-Tarn) ou même négatifs (Bretagne, Languedoc-Roussillon,
Corse).
De fait, des SAFER profitant de la richesse de leur territoire (prix
élevé des terres, des vignes ou des forêts), d’opérations dites de
« substitution » rémunératrices et de ventes de biens non-agricoles dans
des secteurs recherchés
37
, accumulent les excédents.
Dans le cas d’une opération de « substitution », la SAFER, au lieu
d’acheter un bien et de le revendre après éventuelle restructuration, sert
d’intermédiaire pour qu’un seul acte notarial soit passé entre le vendeur et
l’acheteur, après passage en comité départemental et avis du commissaire
du gouvernement.
La Cour a d’ailleurs constaté que les trois SAFER qui pratiquent le
plus d’opérations de « substitution » sur des propriétés de valeur
distribuent une partie de leurs bénéfices à leurs salariés (pour un total de
314 098 € en 2012). Et ce en contradiction avec l’article L. 141-7 du code
rural et de la pêche maritime qui dispose que « les SAFER ne peuvent
avoir de buts lucratifs. Les excédents nets réalisés… ne peuvent être
utilisés, …qu'à la constitution de réserves destinées au financement
d'opérations conformes à l'objet de ces sociétés ».
À l’inverse, des situations difficiles peuvent aussi résulter de
charges de structures trop importantes dans des SAFER multipliant leurs
implantations territoriales et réticentes à l’idée de recentrer leur réseau.
De plus, le système de calcul de marges
38
mis en place dans le passé par
la FNSafer apparaît désormais complètement dépassé. Faute de
comptabilité analytique, les marges réelles dégagées par chacune des
activités des SAFER ne peuvent être précisément déterminées.
37
La valeur moyenne du lot acquis est en 2012 de 41 000 € en Lorraine, mais de
173 000 € en Provence-Alpes-Côte d’Azur, 214 000 € en Centre et 215 000 € en
Aquitaine-Atlantique.
38
Il s’agit d’un calcul de marges semi-brutes qui n’impute que les dépenses liées
directement à chaque type d’activité, sans aucune affectation des charges communes,
à défaut de toute comptabilité analytique.
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Tableau n° 1 :
les SAFER de métropole
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AGRICOLE ET RURAL
97
II - Des missions à recadrer
A - La connaissance du marché rural : une amélioration
nécessaire
La première mission confiée aux SAFER concerne la promotion de
la transparence du marché rural par une observation statistique des
mouvements intervenant sur ce marché. À ce titre, la Cour recommandait
en 1995 une amélioration des outils statistiques. Si des évolutions ont été
réalisées grâce à un outil informatique plus performant depuis 2009, des
progrès sont encore nécessaires pour améliorer la connaissance des
mouvements sur le marché rural et de l’activité des SAFER.
1 - Un marché rural en mutation
L’État a confié aux SAFER (article L. 141-1-I du code rural et de
la pêche maritime) une mission d’observatoire du marché rural afin d’en
permettre la transparence. La notion de marché rural repose
essentiellement sur les déclarations d’intention d’aliéner adressées par les
notaires, auxquelles les SAFER ajoutent leurs propres acquisitions
39
.
L’ensemble du territoire national « rural », plus ou moins agricole ou
naturel, fait donc partie du champ d’action statistique traité par la
FNSafer.
Toutefois, un nombre croissant, même s’il ne peut être défini
précisément, de pratiques et de montages juridiques, généralement
réalisés à des fins d’optimisation fiscale, peut conduire à la fois à faire
échec à la mission de transparence du marché foncier rural des SAFER,
mais aussi à l’utilisation éventuelle de leur droit de préemption ou d’une
possibilité d’acquisition à l’amiable. La fonction d’observatoire des
SAFER nécessite que le cadre juridique soit adapté à cette nouvelle
réalité, notamment en rendant obligatoire la notification aux SAFER des
opérations portant sur les transferts de parts sociales et les
démembrements de propriétés agricoles.
39
Au total, 216 500 informations ont été traitées en 2012.
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COUR DES COMPTES
Les statistiques des SAFER font l’objet d’un suivi technique
rigoureux, d’autant plus que celles concernant le marché rural et les prix
pratiqués sont les seules existantes en la matière.
Les séries sur les prix sont d’ailleurs utilisées officiellement par le
ministère chargé de l’agriculture
40
. Par ailleurs, un ouvrage annuel sur le
« prix des terres » est publié et vendu au public ; il en est de même
concernant le « marché des forêts ».
Le refus de certaines SAFER de communiquer des données aux
commissions départementales de consommation des espaces agricoles
(CDCEA), créées par la loi de modernisation de l’agriculture du
27 juillet 2010, a suscité une intervention de la FNSafer. Celle-ci a
rappelé aux SAFER que, dans un tel cadre, elles assument une mission de
service public et doivent fournir des données gratuitement.
2 - Des activités peu transparentes
La FNSafer présente chaque année les données relatives à l’activité
des SAFER susceptibles de renseigner sur l’évolution du marché rural.
Ces données sont nombreuses, mais elles restent parcellaires et difficiles à
interpréter. En particulier, il est impossible d’analyser de façon détaillée,
par exemple pour les installations des jeunes agriculteurs, la nature de
l’opération menée par la SAFER : véritable acquisition ou opération de
« substitution ».
De nombreux tableaux d’activité sont peu renseignés dès qu’il
s’agit de répartir les informations par domaine d’action (agriculture,
environnement, développement) ; la rubrique « inconnu » est importante
et parfois prépondérante, par exemple concernant le stock foncier non
conventionné. Il en est de même pour tous les tableaux concernant les
vendeurs et surtout les acquéreurs.
Il apparaît très difficile d’obtenir des renseignements précis de la
part des SAFER, par exemple pour le tableau de répartition de leurs
effectifs entre activités. Les enquêtes particulières menées récemment
concernant les relations avec les collectivités territoriales, les activités en
40
Les seules conventions passées par l’État avec la FNSafer concernent les
statistiques relatives aux séries de prix sur les terres et prés, ainsi que sur les vignes et
sur le point d’information international. De même, une convention passée avec la
Société forestière de la Caisse des dépôts et consignations permet chaque année la
parution d’un ouvrage : « Le marché des forêts en France », dont les données sont
reprises par l’indicateur du marché des forêts en France qui présente une série depuis
1970.
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AGRICOLE ET RURAL
99
matière environnementale ou en faveur de l’agriculture biologique, ne
font pas toujours l’objet de réponses systématiques de l’ensemble des
SAFER.
Dans la mesure où chaque société reste totalement libre de sa
gestion, en matière de politique foncière, de relation avec les collectivités
ou de tarifs pratiqués
41
, des comportements très différents en résultent.
L’action de la FNSafer est de ce fait difficile à mener.
De plus, en de nombreux domaines, la volonté d’obtenir un large
consensus ne permet pas à la FNSafer de faire adopter des évolutions
nécessaires communes à l’ensemble des SAFER (environnement, marges
différenciées pour les jeunes agriculteurs, etc.). Les statistiques relatives à
l’activité SAFER restent ainsi limitées et les rapports et comptes transmis
à ce titre à l’État ne font pas l’objet d’études approfondies. C’est ainsi que
l’évolution essentielle, que représente depuis 2000 le développement des
opérations de « substitution », a pu échapper à l’État alors qu’elles
représentent plus de 75 % de l’action foncière de nombreuses SAFER. Un
contrôle plus attentif de l’État en ce domaine aurait dû s’imposer.
B - Les missions d’intérêt général : un indispensable
recentrage
1 - Des opérations de « substitution » de plus en plus
prépondérantes
Les SAFER sont un acteur important sur un marché rural
42
qui se
rétracte, mais, contrairement à un reproche couramment formulé, elles
utilisent statistiquement peu leur droit de préemption comme le montre le
tableau n° 1. En effet, la simple menace de recourir à ce dispositif peut
conduire à une acquisition amiable ou à une opération dite de
« substitution ».
41
Pour l’enquête, menée en 2009, sur les tarifs pratiqués dans les différents domaines
d’intervention, seules 21 SAFER ont répondu et souvent de façon très incomplète à la
FNSafer.
42
Les acquisitions, en hectares, par rapport au marché global de l’espace rural sont de
18 %, dont seulement 0,7 % en utilisant la préemption. Le taux de prise des SAFER
sur la part du marché qui leur est accessible (hors fermiers en place, terrains à bâtir,
etc.) est de 32 %, mais varie de 17 % (Flandres-Artois) à 45 % (Gascogne-Haut-
Languedoc).
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COUR DES COMPTES
Bien que la substitution ne soit pas réellement un mode
d’acquisition dans la mesure où la SAFER ne devient pas propriétaire du
bien à rétrocéder, elle figure pourtant à ce titre dans les statistiques des
SAFER. De ce fait, comme le montre le tableau n° 2, en 2012, les
« substitutions » occupent une part très majoritaire dans les modes
d’intervention.
Tableau n° 2 :
part des « substitutions » dans les modes
d’acquisition
2012
Surface acquise
Valeur en principal
Hectares % FRANCE
K€
% FRANCE
« Substitutions »
60 528
68 %
839 390
78 %
Acquisitions amiables
Hors « substitutions »
21 163
24 %
180 035
17 %
Préemptions
6 868
8 %
52 883
5 %
Ensemble des acquisitions
88 568
100 %
1 072 297
100 %
Source : FNSafer
Ce résultat s’inscrit dans l’évolution de la législation fiscale. Les
SAFER ont obtenu une exemption fiscale des droits d’enregistrement,
mais pour compenser la réduction de ces droits de 15,50 % à 4,9 %
(3,8 % au profit du département et 1,2 % au profit de la commune), les
SAFER ont pu étendre l’exonération fiscale aux opérations de
« substitution » (depuis le 31 mars 1999) et même aux ventes de tous
« biens ruraux » au sens large du terme (depuis le 31 mars 2000).
L’avantage
fiscal
concernant
les
seules
opérations
de
« substitution » est de plus de 46 M€ en 2012, sur un total de près de
60 M€. Il a participé à l’amélioration des marges
43
; ainsi, en 2011, la
marge brute sur l’activité de « substitution » représentait 49,2 % du total
des ressources des SAFER ; elle atteignait 66 % en Provence-Alpes-Côte
d’Azur et 68 % en Aquitaine-Atlantique. Son coût est supporté par les
collectivités territoriales privées des droits d’enregistrement.
43
Les marges sont passées, pour les SAFER de métropole, de 33,256 M€ en 1999 à
88,637 M€ en 2012.
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LES SAFER : LES DÉRIVES D’UN OUTIL DE POLITIQUE D’AMÉNAGEMENT
AGRICOLE ET RURAL
101
Depuis 2000, certaines SAFER ont ainsi modifié leurs pratiques
comme le montre l’évolution trimestrielle en pourcentage de la part des
« substitutions » dans les rétrocessions effectuées entre 2000 et 2012,
retracée dans le graphe suivant.
Graphique n° 1 : part des « substitutions » dans les rétrocessions
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
T
1
-2
0
0
0
T
3
-2
0
0
0
T
1
-2
0
0
1
T
3
-2
0
0
1
T
1
-2
0
0
2
T
3
-2
0
0
2
T
1
-2
0
0
3
T
3
-2
0
0
3
T
1
-2
0
0
4
T
3
-2
0
0
4
T
1
-2
0
0
5
T
3
-2
0
0
5
T
1
-2
0
0
6
T
3
-2
0
0
6
T
1
-2
0
0
7
T
3
-2
0
0
7
T
1
-2
0
0
8
T
3
-2
0
0
8
T
1
-2
0
0
9
T
3
-2
0
0
9
T
1
-2
0
1
0
T
3
-2
0
1
0
T
1
-2
0
1
1
T
3
-2
0
1
1
T
1
-2
0
1
2
T
3
-2
0
1
2
Nombre
Surface
Source : FNSafer
Cependant cet avantage fiscal concerne de plus en plus des
opérations relatives à des biens ruraux bâtis. De fait, les SAFER
effectuent plus fréquemment des transactions sur des immeubles bâtis à
valeur élevée
44
. Ainsi, la FNSafer gère un site internet « www.propriétés-
rurales.com », similaire à ceux des notaires ou des agences immobilières,
sur lequel des propriétés essentiellement bâties de plus d’un million
d’euros sont à vendre
45
. Ce sont ces évolutions qui contribuent à alimenter
les griefs contre les SAFER de la part des autres intermédiaires
immobiliers.
De plus, à l’occasion des contrôles de la Cour, il est apparu que des
SAFER interviennent au titre d’une opération de « substitution », alors
même que l’opération de vente d’une propriété est déjà conclue sur le
principe. Le vendeur et l’acheteur bénéficient dans ce cas du savoir-faire
de la SAFER ainsi que d’une garantie en responsabilité.
44
Les acquisitions avec bâti représentent 45 % des surfaces, mais 70 % de la valeur.
La valeur du lot moyen bâti acquis en 2012 était de 399 000 €, contre 307 000 € en
2011, soit + 30 %.
45
Au nombre de 192, début mai 2013, dont 23 pour la SAFER Centre, 19 pour la
SAFER Aquitaine-Atlantique et 12 pour la SAFER Provence-Alpes-Côte d’Azur.
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COUR DES COMPTES
Cette pratique est particulièrement répandue dans le secteur
viticole où certaines SAFER peuvent réaliser des opérations sollicitées
par les vendeurs. Dans ce cas, le recours à la SAFER permet de sécuriser
le processus, en particulier pour permettre une mise en exploitation plus
rapide. Certains intermédiaires viennent chercher la SAFER sans oublier
d’intégrer leur rémunération. Un tableau comparatif, réalisé à partir de
cas concrets sur des domaines viticoles, peut ainsi être dressé.
Tableau n° 3 :
comparaison entre la vente classique et la
« substitution »
Vente
« classique »
« Substitution »
SAFER
Prix du vendeur
5 000 000 €
5 000 000 €
Cabinet de négociation
150 000 €
150 000 € (reversé
par la SAFER)
Droits fiscaux (5,09 %)
262 135 €
0
Rémunération SAFER (8 %)
0
250 000 € (après
reversement)
Versement par l’acquéreur
5 412 135 €
5 400 000 €
Source : Cour des comptes
En pratiquant de la sorte, les gagnants sont : la SAFER (250 000 €
de marge), l’acquéreur (12 135 € dans le cas retenu et la possibilité
d’amortir la rémunération SAFER), le vendeur qui maintient son prix et
ne retarde pas la vente (menace de préemption écartée). Les perdants
sont : le département pour 195 700 €, la commune pour 61 800 € et l’État
pour 4 635 €.
La Cour rappelle que l’avantage fiscal attribué aux SAFER avait
pour but de leur permettre d’intervenir pour des motifs d’intérêt public et
notamment de favoriser l’installation des jeunes agriculteurs. L’utilisation
de cet avantage fiscal est injustifiée pour des opérations dans lesquelles le
rôle de la SAFER se limite parfois à celui d’un intermédiaire, certaines
opérations n’ayant, en outre, qu’un lointain rapport avec l’activité
agricole lorsqu’il s’agit, par exemple, de biens à usage résidentiel.
La poursuite de telles pratiques pour compenser la baisse des
subventions accordées aux SAFER, aux frais des collectivités
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LES SAFER : LES DÉRIVES D’UN OUTIL DE POLITIQUE D’AMÉNAGEMENT
AGRICOLE ET RURAL
103
territoriales, ne saurait constituer une réponse pertinente au regard des
principes qui ont présidé à la création de ces organismes.
Il conviendrait donc d’assurer un encadrement des opérations de
« substitution » ou sur des biens non agricoles, en réservant l’avantage
fiscal aux seules opérations relevant de la mission d’intérêt général.
2 - Une faible activité dans les métiers de base
a)
L’installation des jeunes agriculteurs : une priorité ?
En 1995, la Cour recommandait un recentrage des activités des
SAFER sur leur mission d’intérêt général essentielle : l’installation de
jeunes agriculteurs. Un sondage réalisé par le magazine « Terres
agricoles » indique que 85,5 % des personnes interrogées pensent que les
SAFER ne facilitent pas vraiment l’installation des agriculteurs, seules
10 % estiment que ces organismes jouent pleinement leur rôle
46
.
La FNSafer met en avant les efforts réalisés en ce domaine. Les
documents nationaux produits font valoir que les SAFER consacrent une
part importante de leur activité de rétrocessions au profit de l’installation
des agriculteurs, pourtant celle-ci représente moins du tiers de l’ensemble
en 2012, même si cette ligne « installations » recouvre des situations très
différentes. Ainsi, sur 29 668 ha de rétrocessions en faveur de
l’installation, les premières installations avec dotations aux jeunes
agriculteurs (DJA) ne représentent que 2 761 ha, soit moins de 10 % du
total. On ne saurait qualifier ce résultat de « part importante de l’activité
de rétrocession » sans suggérer que cette activité est étonnamment
inefficace.
Il ressort de l’enquête menée en 2012 par la FNSafer que plusieurs
SAFER se sont engagées avec les collectivités territoriales (régions en
particulier) dans des actions en faveur de l’installation des jeunes
agriculteurs. Les installations sont alors de ce fait plus nombreuses. Ces
actions sont plus faciles à mettre en place si le ressort de la SAFER
correspond à un ressort régional, comme le montre a contrario l’exemple
de la région Midi-Pyrénées qui, devant l’urgence du problème, a dû
signer une convention de portage foncier avec les trois SAFER
concernées et quatre caisses du Crédit agricole.
46
Résultats d’un sondage en ligne réalisé entre le 7 et le 10 février 2012 portant sur
1 272 personnes.
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b)
Un stock foncier généralement faible
L’extension des exemptions de droits d’enregistrement aux
opérations de « substitution » accordée au début des années 2000 a
permis globalement aux SAFER d’accroître fortement leurs marges tout
en n’immobilisant pas de stock foncier.
Alors que le stock foncier était important au début des années 1980
avec plus de 160 000 ha, il est en moyenne à peine supérieur à 40 000 ha
depuis 1991. De plus, la stratégie des SAFER a été de garder un
maximum de stock conventionné
47
, le plus souvent avec une garantie de
bonne fin de la collectivité concernée (56 % en 2012), ce stock étant le
plus souvent financé par la collectivité, les SAFER ne pouvant le financer
sur leurs fonds propres
48
.
La politique des SAFER est aussi en ce domaine très différenciée
49
.
La faiblesse du stock foncier propre à la SAFER est, en effet, un signe de
la diminution des acquisitions-cessions dans l’activité et du peu
d’engagement à travailler avec les collectivités. Il n’est donc pas étonnant
que les trois SAFER ayant des stocks peu élevés, malgré leurs
disponibilités financières, soient celles qui retirent le plus de marge des
opérations de « substitution ».
Dans ce contexte de faiblesse des stocks, les SAFER pratiquent de
moins en moins de remaniements parcellaires, une de leur mission
d’origine : moins de 2 000 opérations en 2012 portant sur 3 000 ha (3 fois
moins qu’en 1999).
C - Le partenariat local : un développement inégal
Les liaisons avec les partenaires institutionnels tels que les
collectivités territoriales et les établissements publics fonciers sont très
différentes selon les SAFER, certaines agissant très peu en matière de
développement local ou d’environnement. Elles ne sont pas exemptes
d’ambiguïté.
47
Seulement cinq SAFER ont un montant de stock foncier non garanti supérieur à
10 M€. De plus, le stock non conventionné de plus de 2 ans ne représente que 32 % de
ce stock.
48
Les capitaux propres des SAFER de métropole étaient de l’ordre de 119 M€, alors
que la valeur de leur stock foncier est de 300 M€.
49
Concernant les conventions de stockage, alors que certaines SAFER n’en ont pas,
quatre en ont plus de 150 pour des surfaces dépassant parfois 3 000 ha.
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AGRICOLE ET RURAL
105
Seulement 2,4 % des surfaces rétrocédées (soit 2 009 ha)
concernent la protection de l’environnement en 2012. Le stock foncier
des SAFER classé en faveur de l’environnement n’est que de 1 469 ha en
2012, dont 1 328 ha sont des forêts, à la suite d’une convention avec la
Caisse des dépôts et consignations.
Concernant les collectivités territoriales, les SAFER doivent
transmettre aux départements et aux communes les déclarations
d’intentions d’aliéner (DIA) qu’elles reçoivent des notaires. Cette
transmission est gratuite, mais les SAFER essayent de valoriser cette
procédure par des études et actions spécifiques qui font l’objet de
nombreuses conventions
50
.
Les conventions de stockage de foncier ont connu une forte
progression depuis 20 ans. À la fin de 2011, 1 160 conventions étaient
répertoriées portant sur un stock de 25 673 ha. Les SAFER participent
directement à l’artificialisation des terres agricoles par les conventions
d’aménagement passées avec les collectivités. Elles considèrent que,
faute de pouvoir s’y opposer, mieux vaut essayer d’en limiter les
conséquences en excipant de leur connaissance du terrain, notamment en
termes de qualité des terres.
Au niveau national, la FNSafer essaye de maintenir des contacts
avec les associations d’élus locaux représentées à son conseil
d’administration (départements et régions). Des enquêtes ciblées
répondant à leurs préoccupations sont aussi effectuées. Les liaisons avec
les associations d’élus communaux et intercommunaux semblent toutefois
moins suivies, alors même que ce sont les principaux acteurs en matière
d’aménagement et d’artificialisation des sols.
Les relations conflictuelles avec les établissements publics fonciers
(EPF), très fortes en 2010, se sont apaisées grâce à un groupe de travail
commun, bien que les problèmes de fond subsistent : existence de droits
de préemption concurrents, recettes fiscales fortes des établissements
publics fonciers (EPF) face à des financements plus aléatoires pour les
SAFER. Le rôle des SAFER ne pourrait qu’être conforté par une
délimitation de leur ressort conforme aux limites régionales dans les
quatre régions où ce n’est pas encore le cas.
50
Environ 3 000 conventions au titre des concours techniques et 1 500 concernant
l’observation du marché foncier.
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III - Un réseau à maîtriser
L’éloignement progressif des SAFER de leurs missions
traditionnelles d’intérêt général est pour beaucoup le fruit du manque de
suivi de leur activité, renforcé par la faiblesse des outils d’information. Le
recentrage de l’activité de ces organismes doit donc s’accompagner de
mesures structurelles touchant à l’organisation du réseau et à son
accompagnement.
A - Une organisation à structurer
1 - Réorganiser la tête de réseau
La tête de réseau des SAFER est en réalité bicéphale avec la
FNSafer d’un côté et Terres d’Europe-SCAFR de l’autre. Cependant, de
fortes imbrications existent entre les deux structures. Les responsables de
la société SCAFR sont les mêmes que ceux de la FNSafer. Les deux
entités sont logées sur le même plateau de la « Maison SAFER », leurs
personnels travaillent de façon très imbriquée et les versements de la
FNSafer représentent plus de 66 % des produits d’exploitation de la
SCAFR.
a)
La place centrale de la FNSafer
La FNSafer, association de la loi de 1901, a été créée en même
temps que les premières SAFER en vue notamment de veiller au bon
fonctionnement et à l’équilibre économique de chaque société, et
d’assurer la représentation de leurs intérêts communs, la diffusion des
principes et des méthodes régissant leur activité. Son budget s’est élevé,
en 2012, à 4,2 M€ pour un effectif de 16 personnes.
Le code rural définit les missions et les compétences des SAFER,
mais il ne précise pas les outils nécessaires pour faire fonctionner de
manière coordonnée un réseau de 26 SAFER, jalouses de leur autonomie.
Elles ont cependant toutes adhéré à la FNSafer qui est l’interlocutrice du
ministère de l’agriculture au niveau central et qui est appelée à participer
aux groupes de travail animés par ce dernier.
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AGRICOLE ET RURAL
107
En application de son règlement intérieur, il est donc revenu à la
FNSafer d’organiser un socle commun. Cependant, si les circulaires et
directives sont nombreuses, elles ne sont pas réunies en un recueil
pouvant constituer un document de référence facilement consultable. De
plus, la FNSafer ne s’attache pas à vérifier l’application effective de ces
règles, sauf à l’occasion des enquêtes menées lors des changements de
directeurs, mais dont l’objet est différent.
L’absence de suivi systématique de ses recommandations par la
FNSafer constitue un défaut majeur du pilotage de l’ensemble. La
FNSafer est plus reconnue par sa capacité à porter la voix des sociétés
adhérentes auprès des pouvoirs publics, que pour son pouvoir à
coordonner et impulser les actions de ces dernières. La Cour a mesuré la
forte résistance à l’application de certaines directives, même si de
nombreuses réunions (interrégionales, de directeurs, notamment) sont
organisées à cet effet.
b)
Le rôle ambigu de la SCAFR
La SCAFR, société anonyme au capital de 1,39 M€, a été créée en
juillet 1960 pour prendre des participations dans le capital des SAFER
mises en place à partir de 1962. Les institutions publiques sont présentes
à son capital par l’Agence de services et de paiement (ASP) (pour près de
12 %) et la Caisse des dépôts et consignations (près de 35 %). Les autres
grands actionnaires sont le Crédit agricole (32 %) et le Crédit Foncier de
France (près de 7 %). La FNSafer, actionnaire à hauteur de 14 %, dirige
la société avec pour seuls actionnaires attentifs, le Crédit agricole et, dans
une moindre mesure, l’ASP. La SCAFR, devenue Terres d’Europe-
SCAFR, après sa fusion en 2002 avec une société de conseil, assume
deux missions : mener des études statistiques et siéger dans les conseils
d’administration des SAFER (dont elle est actionnaire à hauteur
d’environ 11 % pour 3,64 M€). Elle y a consacré un budget de près de
800 000 € en 2012 et un effectif de 8 personnes.
Par ailleurs, une avance a été faite à la SCAFR par l’État en 1990
d’un montant de 9,15 M€ à taux nul. Elle a été redistribuée aux SAFER
en fonction de leur niveau d’activité. Ces dernières devaient la
rembourser en six échéances (de 2000 à 2025) pour permettre à la
SCAFR de la reverser à l’État. Si l’échéance de 2000 a bien été
remboursée, celle de 2005 a fait l’objet d’une négociation avec l’État
aboutissant, en 2007, à en remettre la totalité (1,524 M€).
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COUR DES COMPTES
Le remboursement de l’échéance 2010 n’est pas intervenu, la
FNSafer ayant renouvelé sa demande à l’État d’abandonner sa créance.
Depuis cette date, l’État n’a pas apporté de réponse à cette demande ni
engagé de procédure de recouvrement de sa créance. Ni les comptes de la
SCAFR, ni ceux des SAFER bénéficiaires ne traduisent cette charge de
remboursement en contradiction avec les principes comptables de
régularité et sincérité.
Il revient à l’État d’engager dans les meilleurs délais la procédure
de recouvrement de cette créance et de confirmer le sort qu’il entend
donner aux échéances à venir.
Au total, le rôle de la FNSafer comme celui de la SCAFR
pourraient être plus clairement définis en confiant à la FNSafer les
responsabilités d’une institution de tête de réseau (mettre en place les
moyens facilitant la gestion courante des SAFER, produire les statistiques
d’activité, réaliser les études) et à la SCAFR le rôle unique de porteur de
capitaux. Dans ce contexte, la FNSafer pourrait être représentée dans les
conseils d’administration des SAFER, ce qui contribuerait à renforcer sa
position à leur égard.
2 - Instituer un réel contrôle
a)
Les instances de gouvernance
En 1995, la Cour recommandait une moindre représentation du
syndicalisme agricole dans les conseils d’administration. Du fait de
l’évolution des missions, ils se sont ouverts, depuis 2009, aux
représentants de conseils régionaux, généraux et municipaux de leur
ressort, ce qui n’est d’ailleurs pas sans poser problème pour les SAFER
chevauchant plusieurs régions. La gestion des SAFER reste cependant
très contrôlée par le monde agricole, notamment par le syndicat
majoritaire (la FNSEA).
Dans un audit sur les comités techniques départementaux mené en
2012 sous l’égide de la FNSafer, il est ainsi ressorti que les non-
agriculteurs ont l’impression de rentrer dans un « monde clos » où la
profession majoritaire domine. Il apparaît que les membres agriculteurs
subissent beaucoup de pression, en particulier pour des parcelles
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AGRICOLE ET RURAL
109
convoitées
51
. Les élus locaux ont cependant l’impression que le rôle des
SAFER évolue vers une ouverture aux collectivités et à l’environnement
tout en relevant les tensions créées par la participation de facto des
SAFER à une réorientation des terres vers un usage non-agricole
(3 432 ha. en 2012).
Les tensions sont également présentes à l’intérieur du monde
agricole, en particulier lorsque les SAFER veulent utiliser leur droit de
préemption pour lutter contre la spéculation foncière. Les rares
préemptions faites avec demande de révision du prix aboutissent dans
85 % des cas à un retrait de la vente. Dans les secteurs à prix élevé, un
conflit de génération existe entre les jeunes qui veulent s’installer et les
anciens qui veulent vendre à bon prix, souvent dans un contexte
d’artificialisation des sols. Des tensions existent aussi avec les syndicats
minoritaires qui s’estiment insuffisamment représentés et informés, bien
que la FNSafer ait donné des consignes d’ouverture en ce domaine.
Par ailleurs, l’ouverture au monde forestier devient pour certaines
SAFER une nécessité, ainsi que l’a rappelé la FNSafer. Globalement les
SAFER traitent désormais plus de 10 % du marché forestier. Ce secteur
représente une part importante de l’activité des SAFER, sur le marché
rural non agricole, mais très variable selon les SAFER (de 5 % à 33 %).
b)
Les règles déontologiques
La FNSafer est chargée d’une fonction d’alerte au sein du groupe
pour les anomalies qu’elle pourrait déceler dans le fonctionnement d’une
SAFER. Elle met en œuvre cette fonction
52
d’après un processus gradué
pouvant aller jusqu’au signalement au ministre. Le mécanisme est
essentiellement tourné vers les SAFER pouvant rencontrer des difficultés
financières et laisse de côté des pratiques qui pourraient être critiquables
dans certaines SAFER, par exemple, certaines opérations de
« substitution ».
Un comité stratégique et d'éthique a été créé en 2013 à la FNSafer
pour assurer l’appui aux SAFER et le suivi de la « charte éthique » du
51
Dans des régions où la terre est rare et convoitée, malgré des prix élevés, il n’est pas
rare d’avoir plus de 20 demandes pour une même cession (3 en moyenne nationale),
ce qui conduit souvent la SAFER à partager en plusieurs sous-ensembles.
52
Un nouveau mécanisme d’alerte a été acté par décision du conseil d’administration
du 11 octobre 2012 et par l’assemblée générale de fin d’année, sans modification du
règlement intérieur.
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COUR DES COMPTES
groupe. On constate que cette dernière se réfère uniquement aux missions
traditionnelles des SAFER.
De plus, aucune règle déontologique n’est mise en exergue dans la
gestion des SAFER pour traiter non seulement des responsabilités et
devoirs des dirigeants, administrateurs ou membres des comités
techniques, mais aussi des personnels des SAFER eux-mêmes. On
pourrait s’attendre au regard des missions d’intérêt général exercées par
les SAFER à des exigences fortes sur la déontologie et la transparence
des actions.
c)
Le rôle de l’État
L’État n’intervient pas dans les directives et circulaires transmises
par la FNSafer aux SAFER.
La procédure de renouvellement de l’agrément de la SAFER
prévue par le code rural et de la pêche maritime
53
n’est pas utilisée pour
faire un bilan critique des actions menées et des objectifs poursuivis.
Alors que la Cour recommandait, en 1995, une vigilance accrue
des commissaires du gouvernement que sont les directeurs régionaux de
l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) et les directeurs
régionaux des finances publiques (DRFiP), les contrôles de la Cour ont
montré leur faible implication, en particulier au niveau du conseil
d’administration. Dans des domaines d’actualité et délicat à gérer, les
commissaires ne reçoivent aucune instruction de leur ministère, ainsi le
ministère de l’agriculture n’a-t-il réuni ses commissaires du
gouvernement qu’une seule fois entre 2007 et 2013.
Le suivi des plans pluriannuels d’activité (PPAS) qui sert de cadre
à la programmation de chaque SAFER reste lacunaire. Un simple bilan
chiffré s’est substitué au compte rendu d’activité annuel et à l’évaluation
à mi-parcours qui sont normalement prévus. En ce domaine, la FNSafer
n’a d’ailleurs guère apporté d’appui aux SAFER.
Le ministère de l’agriculture a diffusé une circulaire du
6 mars 2013 demandant une évaluation sérieuse, en 2013, du plan 2007-
2012 et l’élaboration d’un plan en 2014, qui portera sur la période 2015-
2020 marquant sa volonté de faire des prochains plans pluriannuels
53
L’article L. 141-6 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les SAFER :
« doivent être agréées par le ministre de l'agriculture et le ministre chargé de
l'économie et des finances. Leur zone d'action est définie dans la décision
d'agrément ».
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AGRICOLE ET RURAL
111
d’activité un véritable outil de pilotage stratégique des missions des
SAFER.
Il apparaît effectivement nécessaire que le ministère de
l’agriculture renforce le contrôle de l’État sur les stratégies foncières
conduites par les SAFER à l’occasion des plans pluriannuels d’activité, ce
qui rendra indispensable une plus grande implication des commissaires du
gouvernement. Par ailleurs, l’action de contrôle n’en serait que plus
efficace si le ressort de chacune des SAFER correspondait, pour le moins,
au ressort des régions administratives.
B - Des mesures d’accompagnement à prévoir
1 - Renforcer la solidarité entre SAFER
Aucun dispositif n’a été mis en place pour tenter de réduire les
écarts que fait apparaître la situation financière très contrastée des
SAFER. Si un fonds de solidarité entre SAFER, soumis à l’agrément de
l’État, est prévu par les statuts de la FNSafer depuis 2001, il n’a été mis
en œuvre qu’entre 2001 et 2003 pour limiter les conséquences du
changement brutal du mode de répartition des aides européennes qui ne
prenaient plus en compte les handicaps naturels. Ce fonds, dont le
montant avait atteint 707 000 € en 2003, a été mis en sommeil en 2004
devant l’insatisfaction d’une majorité des SAFER contributrices.
Il convient toutefois de signaler que, depuis 2008, une partie des
excédents des SAFER (7 %) est reversée dans un fonds d’investissement
et de structuration (FIS) pour financer
54
des actions à caractère commun,
essentiellement dans le domaine informatique. Ce fonds, géré par la
FNSafer, fonctionne mal et ne bénéficie que marginalement aux SAFER
en difficulté ou qui cherchent à se restructurer.
Un dispositif de solidarité ne serait cependant pas inutile pour
accompagner les SAFER dans une restructuration de leur réseau dès que
la solidarité recherchée pourra s’appuyer sur une comptabilité analytique.
Il bute cependant sur le caractère limité des fonds mobilisables et sur
l’opposition au contrôle accru par la FNSafer et le ministère qu’il
impliquerait.
54
La cotisation globale appelée en 2012 sur la base des résultats de l'exercice 2011
s'est élevée à 357 000 €.
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COUR DES COMPTES
2 - Simplifier les conditions de financement de l’État
En 1995, la Cour avait recommandé que la subvention de l’État
soit modulée en fonction de la politique foncière de chacune des SAFER
Un arrêté a appliqué cette recommandation en 2001, mais a supprimé la
prise en compte des handicaps rencontrés par certaines SAFER. Les
subventions de l’État aux SAFER ont en conséquence très fortement
diminué. Elles sont passées de 12,6 M€ en 1981 à 4,5 M€ en 2011, ce qui,
en monnaie constante, représente une division de leur montant par six.
La FNSafer chiffre pour 2012 le montant des subventions de l’État
à 3,99 M€ pour les SAFER de métropole et à 2,09 M€ celui d’autres
subventions publiques, dont certaines proviennent de collectivités
territoriales
55
. Le taux global de subvention par rapport aux charges de
structures est de l’ordre de 5,8 % pour les SAFER de métropole (6,4 % en
incluant les SAFER des départements d’outre-mer). Ce taux est très
différent selon les SAFER
56
.
Les subventions de l’État font l’objet d’une circulaire annuelle qui
n’a pas été modifiée depuis de nombreuses années. Elles dépendent du
critère relatif à la complexité des dossiers instruits par les SAFER et font
l’objet d’une procédure d’attribution particulièrement lourde qu’il
conviendrait de simplifier. Des critères prenant en compte les difficultés
d’un territoire ou le respect des priorités des politiques agricoles
pourraient être utilement retenus.
L’évolution des subventions de l’État n’a pas été sans effet sur la
politique suivie par les SAFER en vue d’assurer leur financement. C’est
ainsi, par exemple, qu’elles ont développé une stratégie de recettes pour
les ventes qui ne transitent pas par elles, en demandant aux notaires une
rémunération pour « réponse rapide » qui permet de purger le droit de
préemption de la SAFER avant le délai légal de deux mois en payant
80 €, voire 200 €. En 2012, les recettes pour « réponses rapides » se sont
élevées à près de 2,6 M€ : 11 SAFER en tirent des recettes supérieures à
100 000 € (dont Provence-Alpes-Côte d’Azur : 437 500 € et Rhône-
Alpes : 301 900 €). Même si la somme est modeste, une telle pratique ne
peut être que fortement critiquée au regard de la mission d’intérêt général
des SAFER. Elle appelle donc un réexamen par la tutelle.
55
Pour les plus importantes : les SAFER Île-de-France (600 000 €), Rhône-Alpes
(516 000 €) et Languedoc-Roussillon (410 000 €).
56
Des SAFER sont à moins de 3 % (Picardie, Flandres-Artois), d’autres, grâce à des
subventions locales dépassent 10 % (Bretagne, Languedoc-Roussillon), la SAFER Île-
de-France ayant un ratio de près de 25 %. La SAFER de Martinique dépasse 50 %.
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LES SAFER : LES DÉRIVES D’UN OUTIL DE POLITIQUE D’AMÉNAGEMENT
AGRICOLE ET RURAL
113
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
_________
L’extension de l’exemption des droits d’enregistrement accordée
aux SAFER au début des années 2000 a modifié profondément leurs
interventions sur le marché rural. L’évolution continue des opérations de
« substitution » sur des biens ruraux n’ayant plus de vocation agricole
conduit à s’interroger sur le bien-fondé d’une politique de plus en plus
coûteuse pour les finances publiques et étendue à des bénéficiaires qui ne
sont plus ceux pour lesquels l’avantage fiscal a été créé.
L’État doit participer davantage au pilotage de l’action des
SAFER, notamment pour leurs missions d’intérêt général. Le dispositif
d’aide doit être simplifié et venir en appui des politiques de l’État
définies dans le plan pluriannuel d’activité de chaque SAFER.
L’échéance de 2010 de l’avance de l’État doit être remboursée.
Le recentrage des activités des SAFER sur leurs missions d’intérêt
général doit s’accompagner d’une organisation renforcée du réseau des
SAFER par une clarification des rôles de la FNSafer et de Terres
d’Europe-SCAFR ainsi qu’une plus grande affirmation de la place de la
fédération. Une plus grande solidarité financière entre SAFER reste à
organiser. La restructuration du réseau visant à faire correspondre le
ressort des SAFER avec, pour le moins, celui des régions est
indispensable et facilitera leur reconnaissance par les collectivités
territoriales.
Les instances de gouvernance des SAFER doivent s’ouvrir à
d’autres acteurs du territoire. La transparence dans leurs modes de
décision doit être renforcée et l’adoption de règles déontologiques ne
pourrait qu’y contribuer.
La Cour considère que l’avenir des SAFER est ainsi subordonné
au réexamen de leurs missions et à un meilleur encadrement de leurs
activités.
Ces constatations conduisent la Cour à formuler les
recommandations suivantes :
1.
réserver l’exemption des droits d’enregistrement aux
opérations qui relèvent des missions d’intérêt général exercées
par les SAFER ;
2.
recouvrer l’échéance de 2010 de l’avance consentie par
l’État ;
3.
assurer la transparence des décisions prises dans les SAFER ;
4.
prévoir un plan pluriannuel d’activité 2015-2020 de chaque
SAFER, développer le partenariat avec les collectivités
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COUR DES COMPTES
territoriales, en fonction des priorités de la politique agricole
de l’État ;
5.
procéder au regroupement des SAFER pour que leur ressort
corresponde, pour le moins, à celui des régions
administratives et réduire le nombre des implantations
locales ;
6.
mettre en place une comptabilité analytique ;
7.
clarifier la répartition des rôles entre la FNSAFER et la
société SCAFR, en regroupant les études et le conseil aux
SAFER dans la fédération.
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Sommaire des réponses
Réponse commune du ministre de l’économie et des
finances et du ministre délégué auprès du ministre de
l’économie et des finances, chargé du budget
116
Ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la
forêt
117
Réponse commune du président de la Fédération
nationale des SAFER et de la présidente du directoire
de la société Terres d’Europe-société de conseil pour
l’aménagement foncier rural (SCAFR)
121
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RÉPONSE COMMUNE DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET
DES FINANCES ET DU MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES, CHARGÉ DU
BUDGET
Nous souscrivons pleinement à vos recommandations visant à une
optimisation des concours publics consacrés au réseau des SAFER.
Néanmoins vos recommandations n’appellent pas de remarque particulière
de notre part.
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RÉPONSE DU MINISTRE DE L’AGRICULTURE, DE
L’AGROALIMENTAIRE ET DE LA FORÊT
L’analyse conduite par la Cour sur les SAFER rejoint celle que le
Gouvernement a dressée, ce qui a justifié des dispositions dans le cadre du
projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt qui est en
cours d’examen au Parlement. Ces dernières répondent à un grand nombre
de recommandations que la Cour a formulées.
La recommandation majeure de la Cour des Comptes concerne le
renforcement de l’Etat dans le pilotage de l’activité des SAFER avec un
recentrage de leurs activités sur leurs missions d’intérêt général.
Le Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt
(MAAF) partage cette recommandation et a d’ores et déjà engagé, en ce
sens, un processus de refonte des Plans Pluriannuels d’Activité des SAFER
(PPAS) afin d’en faire de véritables outils de pilotage et de suivi de l’activité
des SAFER tant par les commissaires du gouvernement « agriculture » que
par les SAFER elles-mêmes. Des travaux d’évaluation se sont déroulés
courant 2013 dans le cadre de Comités régionaux pilotés par les DRAAF. Ce
processus s’est conclu par un séminaire national en décembre dernier
réunissant les DRAAF et les SAFER afin de dresser un bilan national de
l’exercice et d’identifier les éléments de cadrage national des futurs PPAS.
Tirant les leçons de cette évaluation, une note de service relative à
l'élaboration et au contenu des PPAS 2015-2021 est en voie de finalisation.
Tout comme l’évaluation des PPAS, il est prévu que les travaux
d’élaboration des futurs PPAS 2015-2021 soient pilotés par les DRAAF dans
le cadre de comités régionaux associant les principaux partenaires des
SAFER (Collectivités locales, services de l’Etat et Chambres Régionales
d’Agriculture). La note de service précisera également les orientations
stratégiques nationales pour les futurs PPAS et la nécessité de fixer des
objectifs quantifiés ainsi que les modalités d’approbation et de révision de
ces documents.
Par ailleurs, le projet de loi d’avenir pour l’agriculture,
l’alimentation et la forêt en cours d’examen au Parlement en 2014 introduit
un renforcement du contrôle de l’Etat sur les SAFER. Il est ainsi prévu :
-
une procédure de suspension d’agrément d’une durée maximale de
3 ans et de retrait d’agrément par le Ministre chargé de
l’Agriculture ;
-
le réexamen des conditions d’exercice du droit de préemption par la
SAFER à l’initiative des commissaires du gouvernement lors du
renouvellement du PPAS.
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De même, la Cour estime que les instances de gouvernance des
SAFER doivent s’ouvrir à d’autres acteurs du territoire et préconise une plus
grande transparence dans les décisions prises.
Le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
s'attache à cet égard à refonder le Conseil d'Administration (CA) des SAFER
en y instaurant trois collèges :
-
un premier spécifiquement dédié aux organisations professionnelles
agricoles à vocation générale représentatives à l'échelle régionale
ainsi qu'aux Chambres Régionales d'Agriculture ;
-
un deuxième où siègent les collectivités locales dont le rôle de
partenaires privilégiés des SAFER est ainsi conforté ;
-
un troisième au sein duquel siègeront désormais « au minimum deux
associations agréées de protection de l’environnement » marquant
ainsi la poursuite du processus d’ouverture aux acteurs de
l’environnement déjà engagé au sein des Comités techniques
départementaux.
Enfin, le principe d’une représentation équilibrée entre hommes et
femmes dans la composition des collèges du CA est posé.
Pour la tête de réseau des SAFER, la Cour recommande la mise en
place généralisée d’une comptabilité analytique ainsi que la clarification des
rôles entre la FNSAFER et la SCAFR.
Afin de renforcer son rôle de « tutelle » sur le réseau des SAFER, le
MAAF prévoit d’établir, courant 2014, une convention d’objectifs avec la
tête de réseau des SAFER qui prévoira des engagements relatifs à la conduite
de grands chantiers nationaux tels que la mise en place d’une comptabilité
analytique dans l’ensemble des SAFER, l’harmonisation des procédures de
« reporting » et de suivi des PPAS par les SAFER ou encore l’amélioration
de la transmission d’informations aux commissaires du gouvernement pour
leur permettre d’exercer pleinement leur rôle de contrôle des opérations
conduites par les SAFER mais également d’orientation de la stratégie des
SAFER.
A cet égard le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation
et la forêt prévoit, en tant que conditions d’agrément des SAFER,
l’obligation d’adhésion à une structure regroupant l’ensemble des SAFER et
la participation à un fonds de péréquation géré par cette structure. Ces deux
dispositions renforcent le rôle et les responsabilités de la tête de réseau des
SAFER et vont dans le sens des préconisations de la Cour d’une plus grande
affirmation de la place de la FNSAFER et du renforcement de la solidarité
entre les SAFER.
Des réflexions sont actuellement en cours au sein du MAAF sur les
évolutions à conduire sur les missions respectives de la FNSAFER et de la
SCAFR. Cette question juridiquement complexe et singulière eu égard au
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statut des SAFER, sociétés anonymes et à la nature de leurs missions
d’intérêt général.
Enfin, la recommandation de la Cour sur une simplification des
conditions de financement des SAFER sera mise à l’étude en 2014 pour une
entrée en application en 2015.
Concernant la régionalisation des zones d'action des SAFER, la Cour
préconise de procéder à un regroupement des 26 SAFER pour que leur
circonscription
géographique
corresponde
à
celle
des
régions
administratives.
L'alignement des zones d'action des SAFER dans un cadre régional
voire interrégional et respectant les limites des régions administratives est
inscrit dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la
forêt.
La Cour estime que la connaissance du marché rural par les SAFER
doit être améliorée, notamment en rendant obligatoire la notification aux
SAFER des opérations portant sur les transferts de parts sociales et les
démembrements de propriétés agricoles.
Il convient de rappeler que la connaissance statistique que les SAFER
ont du marché foncier rural s’est progressivement renforcée.
S’agissant des démembrements de droits de propriétés, ceux-ci sont
depuis un décret du 14 mars 2012 soumis obligatoirement à l'information des
SAFER. Une première analyse de ces opérations de cessions conjointes ou
non, d'usufruits et de nue-propriété a ainsi pu être présentée dans le cadre de
la dernière étude de la FNSAFER sur le marché foncier rural, du printemps
2013.
Cette première étape vers une transparence accrue des mutations de
foncier, terres et exploitations, s'opérant dans le cadre de montages
complexes, sera suivie par une nouvelle avancée dans le cadre du projet de
loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Le champ des
missions générales des SAFER, et partant de leurs acquisitions amiables, est
en effet étendu en matière de parts ou actions de sociétés, pour toutes celles
ayant pour objet principal l'exploitation et la propriété agricole. Ces
opérations relatives aux exploitations à formes sociétaires seront ainsi en
corollaire portées à leur connaissance.
S'agissant enfin des données et analyses statistiques des SAFER, et
l'appui technique qu'elles ont effectivement à apporter sans réserve aux
instances publiques, aux plans national comme départemental, le projet de
loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt en cours d’examen a
prévu :
-
la participation des SAFER aux travaux des commissions
départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles
et forestiers relève de leurs missions des SAFER ;
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-
la participation de la FNSAFER à l'Observatoire des espaces
naturels, agricoles et forestiers ;
-
la transmission par la FNSAFER chaque année d’un bilan des
activités forestières au nouveau Conseil Supérieur de la Forêt et du
Bois.
Enfin, la Cour constate la faible activité des SAFER dans leurs
métiers de base, et en particulier en matière d’installation en termes de
surfaces rétrocédées.
S'agissant de leurs interventions au titre des installations, la surface
rétrocédée à leur profit constitue un critère d'appréciation significatif, mais
non exclusif de leurs actions en termes de premières installations. La
superficie
cédée
par
les
SAFER,
en
moyenne
de
13 ha, est en effet le plus souvent complétée par des surfaces obtenues par
ailleurs, notamment en fermage qui ne sont pas prises en compte dans les
statistiques des SAFER. L’action des SAFER est donc dans ce cadre
déterminante pour asseoir la viabilité du projet d’installation.
Par ailleurs, au sein des projets de premières installations
accompagnées par les SAFER, on note une proportion importante des projets
hors cadre familial qui représentent, en 2012, 65 % de projets d’installation
accompagnés. Or l’intervention des SAFER sur ce type de projets est
essentielle.
En tout état de cause un stockage assumé par les SAFER seules ne
saurait constituer une solution en termes d'installation. Des stocks mal
maîtrisés ont en effet conduit dans les années 1990 une grande majorité
d'entre elles dans des situations financières extrêmement détériorées
conduisant à des plans de redressement massifs et à des concours publics
importants.
Enfin, la refonte de la politique d’installation, à la suite des Assises de
l’installation qui se sont déroulées tout au long de 2013 aux niveaux national
et régional, permettra dans le cadre d’une plus grande régionalisation de
cette politique une meilleure mobilisation de l’ensemble des acteurs,
notamment des SAFER.
Concernant la part décroissante des remaniements parcellaires dans
l'activité des SAFER, le volume du stock foncier n'apparaît pas comme
facteur véritablement limitant. Le frein à de telles opérations vient
principalement du coût qu'elles génèrent, et qui doit être répercuté sur les
attributaires.
En conclusion, le projet de loi pour l'agriculture, l'alimentation et la
forêt en cours d’examen répond très largement aux recommandations
formulées par la Cour par les nouvelles dispositions qu’il introduit.
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RÉPONSE COMMUNE DU PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION
NATIONALE DES SAFER (FNSAFER) ET DE LA PRÉSIDENTE
DU DIRECTOIRE DE LA SOCIÉTÉ TERRES D’EUROPE-SCAFR
Nous avons noté tout l’intérêt que l’État porte aux Safer, qui ont fait
l’objet cette année d’une inspection par votre institution, d’un audit du
CGAAER et d’un travail approfondi du gouvernement pour en repenser les
moyens d’intervention dans son projet de loi d’avenir pour l’agriculture.
Ces différentes analyses mettent en évidence la nécessité pour l’État
de disposer des Safer, outil de régulation du marché foncier, qui, en
complément du contrôle des structures, met en œuvre la politique agricole,
permet l’accès au foncier pour des jeunes entrepreneurs, promeut le modèle
voulu par la France d’une agriculture familiale, économiquement
performante, en lien avec son territoire, capable de relever les défis
environnementaux et de porter l’emploi.
Les Safer, un outil efficace et toujours moderne
La création des Safer en 1960 pour remplir une mission agricole,
était alors un pari extraordinairement audacieux. Aujourd’hui, cet outil n’est
plus remis en cause, car il a démontré son efficacité et malgré plus de 50 ans
d’histoire n’en reste pas moins moderne. Ainsi, de nombreux pays, d’Europe
ou du monde (Québec, Roumanie, Brésil, Japon, pays d’Afrique de
l’Ouest…), viennent s’inspirer de cet exemple français pour le décliner dans
leur propre politique foncière.
Les Safer ont su remplir les missions que le législateur leur a
confiées. En 2012, ce sont plus de 1200 premières installations rendues
possibles par les Safer. A travers leur intervention sur plus de 88 000 ha de
terres,
elles
ont
permis,
outre
ces
installations,
de
conforter
3 800 exploitations et de réaliser près de 1 900 restructurations parcellaires.
Les Safer sont aussi le premier opérateur foncier en agriculture biologique,
accompagnant 130 nouveaux installés en 2012 et rétrocédant 2 800 ha pour
l’agriculture biologique.
Elles agissent depuis le milieu des années 1960 en faveur de
l’implantation des ouvrages linéaires (autoroutes et lignes à grande vitesse),
et depuis 1990 pour le développement local, participant à la mise en œuvre
des volets fonciers des politiques publiques locales ou à la réalisation
d’études pour le compte des collectivités.
Les Safer sont aussi des acteurs engagés au service de
l’environnement et des paysages. Outre les nombreux partenariats
développés (conservatoire du littoral, Parcs Naturels, agences de l’eau,
conservatoires des espaces naturels…), ce sont 900 opérations qui ont ainsi
été réalisées en 2012, en faveur de l’environnement.
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Leur efficacité dans la régulation du marché foncier est indéniable
et la France bénéficie d’un marché stable et sincère des terres agricoles,
jusqu’à présent globalement transparent, connu et accessible, qui valorise à
sa juste valeur la ressource non renouvelable que constitue le foncier. Dans
un marché actif, le prix des terres agricoles relativement bas en France
constitue un facteur de compétitivité pour notre agriculture
La nécessité d’évoluer et de s’adapter aux nouvelles contraintes et
enjeux du monde rural
Néanmoins, après plus de 50 ans d’existence, les Safer ont besoin de
pouvoir poursuivre leur évolution. Cette évolution nécessaire, (qui ne doit
pas être considérée abusivement comme une simple dérive) a permis de
s’adapter aux nouveaux enjeux, de mieux servir les politiques publiques, de
limiter les stratégies de contournement de blocage du marché , de participer
au développement local, de concilier agriculture et environnement, de lutter
contre la disparition des terres agricoles…
Bref, de conserver leur efficacité.
Dans ce but, des pistes ont été soulevées par la Cour des Comptes et
seront analysées et suivies par le groupe : restructuration de la tête de
réseau (FNSafer/Scafr), renforcement du lien avec la tutelle État, poursuite
de la formalisation et de la fixation des objectifs pluriannuels,
régionalisation des Safer, péréquation au sein du groupe, mise en place
d’une comptabilité analytique…
Sous réserve d’en trouver les modalités pratiques et d’en lever les
difficultés juridiques (qui ne sont que très peu abordées dans le rapport),
nous serons moteurs pour mettre en œuvre ces évolutions, et suivre vos
recommandations.
Une analyse a priori biaisée de l’activité des Safer et de leurs modes
de financement, en particulier la substitution
En revanche, nous ne partageons pas votre jugement portant sur le
recours au mécanisme dit de substitution. La Cour des comptes l’analyse
comme une action « alimentaire » où la seule valeur ajoutée de la Safer
serait la substitution de sa rémunération aux droits de mutation.
Nous tenons à vous rappeler que la substitution a été instaurée par
la loi du 9 juillet 1999 comme un moyen de transmission d’un bien
immobilier permettant de supprimer un deuxième acte de mutation. Cette
disposition a été prise par le législateur suite à la diminution importante des
droits de mutation passant de 15,5 % à 4,9 %. La question qui était alors
posée, et qui à ce jour n’a pas reçu de réponse satisfaisante, était bien celle
du mode de financement de la mission de service public des Safer.
La procédure de transmission d’un bien par substitution nécessite
les mêmes étapes que la procédure d’acquisition (négociation auprès du
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vendeur, maîtrise du prix, nécessité de l’accord des commissaires du
gouvernement à partir de 75 000 €) et de la procédure de rétrocession (appel
à candidatures, passage en Comité Technique, autorisation d’attribution
auprès des Commissaires du Gouvernement quelle qu’en soit la valeur).
Lors de la revente par la Safer, il ne faut pas oublier que les
conditions imposées à l’acquéreur sont les mêmes, que le bien soit rétrocédé
ou substitué, puisque le même cahier des charges est prévu par la loi et que
la responsabilité des Safer en tant que vendeur professionnel est identique.
Le mécanisme de substitution ne nuit donc pas à la qualité de
l’activité des Safer. A titre d’exemple, les ¾ des 1 200 installations réalisées
par les Safer en 2012 ont bénéficié d’une substitution. Seules 300 ont
nécessité une intervention par acquisition / rétrocession.
Nous regrettons que cette incompréhension vous ait conduits à tenir
ce discours. Nous devons sans doute mieux valoriser notre activité en
fonction des modalités d’intervention notamment quand elles peuvent prêter
à interprétation.
A l’inverse la question du financement, qui est fondamentale pour la
pérennité de la mission de service public des Safer, reste toujours posée, le
rapport ne l’abordant que très marginalement. Initialement abondé par des
subventions de l’État, le modèle économique repose aujourd’hui presque
exclusivement sur les marges perçues sur les rétrocessions. Ce qui, comme
vous l’avez perçu, constitue une réelle fragilité.
Sur le rapport et sa publication
Vous avez au cours de l’inspection mesuré la bonne foi des
intervenants et notre volonté de bien faire. Nous avons, lors de la restitution,
partagé avec vous l’ensemble de nos observations et commencé à mettre en
œuvre les recommandations que vous avez exprimées.
Fallait-il, lors de la rédaction finale du rapport, utiliser une
présentation journalistique qui se veut accrocheuse et provocante ? Vous
savez pertinemment que beaucoup de lecteurs sont affamés de ce mode de
présentation et ne retiennent que les titres dont la démesure jette un discrédit
sur l’ensemble de l’action des SAFER, donnant ainsi à ceux qui veulent nous
voir disparaître le discours du scandale.
A l’heure où le Ministre de l’Agriculture et l’ensemble des
parlementaires veulent redonner un sens à l’action des SAFER, il est très
regrettable que la forme utilisée dans les titres de votre rapport, à défaut
d’être pertinente, soit outrancière.
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