1
AprÚs la prise de conscience écologique,
les T.I.C. en quĂȘte de responsabilitĂ© sociale.
Florence RODHAIN
Maßtre de Conférences HDR
CREGOR â Ecole Polytechnique Universitaire de Montpellier
Université Montpellier 2
Florence.rodhain@univ-montp2.fr
Bernard FALLERY
Professeur
CREGOR â Ecole Polytechnique Universitaire de Montpellier
Université Montpellier 2
Florence.rodhain@univ-montp2.fr
Résumé
L'objectif de cette communication est de présenter de nouvelles orientations pour la
recherche dans le domaine des systÚmes d'information et de l'écologie. A travers une revue de
la littérature nous présentons dans la premiÚre partie cinq mauvaises hypothÚses sur le rÎle
des TIC dans l'environnement: papier, transports, commerce électronique, consommation
dâĂ©nergie, e-dĂ©chets ... les T.I.C. ne contribuent pas Ă crĂ©er un monde plus respectueux de
lâenvironnement. L'objectif de la seconde partie est de discuter de trois hypothĂšses rĂ©cemment
mises en avant sur le rÎle positif que pourrait jouer les TIC : en matiÚre de préservation de
lâenvironnement par la simulation et le calcul, en matiĂšre dâefficacitĂ© Ă©nergĂ©tique par
lâinnovation technologique et enfin en matiĂšre de surveillance et de mobilisation des rĂ©seaux
citoyens. Beaucoup de questions de recherche sont alors susceptibles d'ĂȘtre dĂ©veloppĂ©s, et
câest l'objet de la troisiĂšme partie, dĂ©veloppant cadre dâanalyse des recherches sur la
responsabilité : responsabilité sociale des entreprises, mais aussi responsabilité sociale
politique et responsabilité sociale individuelle.
Mots clĂ©s: SystĂšmes dâinformation, Ecologie, TIC, responsabilitĂ© sociale
Abstract
The aim of this communication is to present new focuses for research in the field of
Information Systems and Ecology. In the first part, we will present, through a review of the
literature, the rather negative role played by ICT on the environment: paper, transportation,
consumption, waste⊠The aim of the second part is to discuss the rather positive role played
by ICT with regard to knowledge of the environment: simulation, traceability, efficacityâŠ
Many questions about research are then liable to be developed in favour of research into the
principle of social responsibility, and this will be the subject of the third part : coporate social
responsibility, politaical social responsibility, individual social responsability
Keywords: Information Systems, Ecology, ICT, social responsability
2
INTRODUCTION
« Ne jetez pas votre vieux PC : il contient 4 grammes dâor !! ». Telle est lâaccroche
dâun article consacrĂ© aux e-dĂ©chets dans « The Hindu »
1
. Mais sâil contient 4 grammes dâor, il
contient également des matériaux lourds toxiques tels que le mercure, le plomb, le cadmium.
LâInde fait partie des pays pauvres oĂč sâentassent les PC obsolĂštes envoyĂ©s par les pays
riches. Les e-déchets y sont stockés, démantelés et/ou incinérés de façon sauvage. La plupart
du temps ce sont les femmes et les enfants qui mÚnent ces opérations dans les bidonvilles.
Lâanalyse dâun Ă©chantillon de sol dans la rĂ©gion de New Delhi oĂč sont incinĂ©rĂ©s des e-dĂ©chets
a rĂ©vĂ©lĂ© quâil contenait suffisamment de mercure et de plomb pour empoisonner le sol
pendant 500 ans
2
. Savons-nous, lorsque nous déconsidérons notre PC, jugé obsolÚte aprÚs
deux ans dâutilisation, comment lâordinateur va poursuivre son cycle de vie ? Se poser la
question constitue déjà une prise de conscience. Mais cette prise de conscience aura-t-elle une
rĂ©elle rĂ©percussion sur lâenvironnement si elle nâest pas suivie dâune attitude responsable,
visant Ă interroger son mode de fonctionnement, son mode de consommation, sa relation Ă
lâobjet informatique ? Lâorganisation dâun systĂšme de recyclage des e-dĂ©chets peut amener Ă
la « bonne conscience ». Mais agissant de la sorte, lâutilisateur ne conforte-t-il pas un systĂšme
en dysfonctionnement ? La bonne conscience nâest-elle pas un moyen de mettre du baume lĂ
oĂč ça fait mal, sans rĂ©ellement interroger la nature du mal ?
Une majoritĂ© de scientifiques et dâĂ©conomistes a commencĂ© Ă prendre conscience de
ce qui était resté trop longtemps dénoncé par les seuls écologistes : pour la premiÚre fois dans
lâhistoire de lâhumanitĂ©, lâhomme risque de « gagner » la guerre engagĂ©e contre la planĂšte.
Les spĂ©cialistes du climat rĂ©unis dans le Groupe dâExperts Intergouvernemental sur
lâEvolution du Climat (GIEC, en anglais IPCC : Intergovernmental Panel on Climate Change
(
http://www.ipcc.ch/
), montrent que nous nâavons que quatre gĂ©nĂ©rations pour rĂ©pondre au
dĂ©fi du carbone Ă lâhorizon 2100
3
. Mais depuis 2006 et le rapport de Nicholas Stern, ancien
Vice-Président de la Banque Mondiale, (
http://www.hm-treasury.gov.uk
) ce ne sont plus
seulement les scientifiques qui tirent la sonnette dâalarme, mais Ă©galement les Ă©conomistes et
les financiers : sans une rĂ©action immĂ©diate et possible (câest-Ă -dire des taxes sur le carbone et
dĂ©taxes sur les activitĂ©s non polluantes, un arrĂȘt de la dĂ©forestation, des accords de
coopération scientifique et économique), le coût sur dix ans du changement climatique serait
au plan mondial de 5.500 milliards dâeuros, et plus de 200 millions de personnes seront
obligées de quitter leurs territoires pour trouver refuge.
Dans cette prise de conscience, dont le sommet de Copenhague organisĂ© par lâONU en
2009 nâaura finalement Ă©tĂ© quâune simple Ă©tape, il est indispensable de garder Ă lâesprit une
analyse conjointe dâune situation qui est Ă la fois Ă©cologique, Ă©conomique et sociale
4
:
- 40% de la planĂšte manque dâeau potable et 3 millions dâhommes en meurent chaque
annĂ©e. 15,2 millions dâhectares de forĂȘts disparaissent chaque annĂ©e, et prĂšs de 1% des terres
1
« Meet on handling e-waste opens in city », The Hindu, 17 août 2004.
2
DâaprĂšs une confĂ©rence donnĂ©e par le suisse Rolf Widmer (chef de projet Ă EMPA) Ă Bangalore en
2004.
3
Source GIEC : Le niveau de gaz Ă effet de serre dans lâatmosphĂšre a augmentĂ© dâun facteur 1,5 depuis
la révolution industrielle et le seuil maximal pour la planÚte est de 2, correspondant à une augmentation de
température de 3°C.
Pour limiter le réchauffement climatique il faudrait ramener les émissions au-dessous de 3 giga-tonnes «
équivalents carbone » par an, soit un « droit à émettre » de 500Kgs équivalent carbone par an/par terrien.
Aujourdâhui un Etasunien Ă©met 11 fois plus que le seuil, un Allemand 6 fois plus, un Anglais 5 fois plus, un
Français 4 fois plus, un Chinois 1,5 fois plus.
4
Sources gouvernementales et non gouvernementales : PNUE 2003, Global Environment Facility 2002,
WWF, Worldwatch Institute, un article de Lee 2002
3
agricoles deviennent inutilisables. Le rythme actuel dâextinction des espĂšces est totalement
anormal, plus rapide quâĂ nâimporte quel autre moment au cours des 65 derniers millions
dâannĂ©es. 27% des rĂ©cifs coralliens de la planĂšte, abritant un quart de toutes les espĂšces de
lâocĂ©an, sont menacĂ©s dâextinction. DâaprĂšs les sources de Lee (2002), câest la moitiĂ© de
toutes les espĂšces, plantes et dâanimaux que nous risquons de perdre dans les 50 prochaines
années. 2/3 des déchets sont simplement jetés dans des décharges, et chaque année 200.000
mĂštres cubes de dĂ©chets nuclĂ©aires sont stockĂ©s sans aucune solution Ă long terme. DâaprĂšs
lâOrganisation Mondiale de la SantĂ© (Lee 2002), 25% de toutes les maladies quâil est possible
de prévenir dans le monde sont dues à des facteurs environnementaux.
- Ce déséquilibre écologique est aussi un déséquilibre économique et social. On
observe une dĂ©gradation sans prĂ©cĂ©dent des inĂ©galitĂ©s Ă lâĂ©chelle planĂ©taire (Ramonet 2004) :
20% de la population mondiale absorbe 90% de la consommation mondiale, 2/3 de la
population mondiale vit avec moins de 2 dollars par jour, 300 millions dâenfants sont
exploitĂ©s. On nâobserve pas dâĂ©volution positive pour le problĂšme de la faim dans le monde:
en 1996, lâabsorption moyenne quotidienne de calories dans les pays « en dĂ©veloppement »
Ă©tait strictement la mĂȘme quâen 1970 (De Ravignan 2003). Selon J. Stiglitz, prix Nobel
dâĂ©conomie, le nombre de personnes pauvres sâest accru de 100 millions dans les annĂ©es
1990, et si lâon donne une dĂ©finition plus large de la pauvretĂ©, en prenant en compte les
indicateurs sociaux et culturels, la pauvreté a aussi progressé dans le monde industrialisé
(dans Lee 2002, p.30). En France, le RĂ©seau dâAlerte sur les InĂ©galitĂ©s publie le BIP 40
(
http://www.bip40.org/
), indice encore controversé
5
, mais qui synthétise plus de 60
indicateurs couvrant six grand domaines des inégalités (chÎmage-emploi-travail, revenus et
pauvreté, santé, logement, éducation, justice
6
) : les inégalités et la pauvreté se sont
considérablement aggravées depuis 2002, atteignant un niveau record depuis 1980.
Le rappel de ces donnĂ©es justifie quâon sâinterroge dans tous les domaines sur lâimpact
écologique, économique et social de nos modes de vie. Pourtant les Technologies de
lâInformation et de la Communication (TIC)
7
, sont longtemps restĂ©es Ă lâabri de ce
questionnement, bien Ă lâabri derriĂšre des slogans comme « produits immatĂ©riels, industrie du
silicium, zéro papier, télétravail, commerce électronique⊠», et perçues essentiellement du
point de vue de leur apport Ă la productivitĂ© de lâĂ©conomie. Ce nâest que rĂ©cemment que leur
impact environnemental est devenu une préoccupation des gouvernements (le rapport « TIC et
Développement durable », Breuil et al. 2008, le rapport «Développement éco-responsable et
TIC » Petit M. et al 2009) comme des industriels (lâĂ©tude de Smart 2020
8
, les « Livres verts »
du Syntec en 2009 et 2010
9
, etc.)
5
ONPES
http://www.onpes.gouv.fr/Pauvrete.html
En se limitant au seuil officiel (moins de 60 % du
revenu médian officiel, soit 905 euros), il y avait en 2007, plus de 8 millions de pauvres en France. Environ 200
000 de plus quâen 2006, et il est pratiquement certain que ce chiffre va progresser en 2008 et 2009, pour se
rapprocher des niveaux depuis que des chiffres semblables existent en 1970.
6
Les inégalités et la pauvreté sont reparties à la hausse aprÚs 2002 pour atteindre, en 2005, le niveau le
plus élevé enregistré depuis 25 ans. Le creusement des inégalités en matiÚre de logement a eu un impact majeur :
il explique environ la moitiĂ© de la hausse du BIP40 depuis 2002. PrĂ©caritĂ© accrue de lâemploi et dĂ©gradation des
conditions de travail expliquent environ 15% de la hausse du BIP40 depuis 2002.
7
On considĂšre ici les T.I.C. dans leurs deux aspects : Information et Communication (on pourrait dire
lâaspect numĂ©risation et lâaspect rĂ©seau, ou encore lâaspect Informatique et lâaspect Internet).
8
SMART 2020 « Enabling the low carbon economy in the information age », rapport publié en 2008
par le Climate Group dans le cadre de la GeSI (Global e-Sustainability Initiative
http://www.smart2020.org/
cinq
majuscules du sigle SMART correspondent Ă standardizing, monitoring, accounting, rethinking, transforming.
9
http://www.syntec-informatique.fr/
4
Il apparaßt maintenant que lŽusage des T.I.C. nŽa pas permis une réduction de lŽusage
du papier ou des transports. Bien au contraire la pollution atmosphérique par lŽintensification
des transports ou par lÂŽutilisation accrue du papier semble accompagner lÂŽutilisation des
T.I.C., elles-mĂȘmes largement polluantes. LâĂ©poque de lâinconscience semble rĂ©volue et,
aprĂšs une prise de conscience tardive, câest plutĂŽt aujourdâhui la course Ă la bonne conscience
à travers la vulgate du « Green IT ». Une approche critique doit examiner précisément dans
quelle mesure les TIC, et lÂŽusage qui en est fait, contribuent Ă la destruction ou Ă la protection
de lÂŽenvironnement ; câest lâobjet de la premiĂšre partie oĂč lâon prĂ©sentera Ă travers une revue
de la littérature cinq mauvaises hypothÚses pourtant « classiques » sur le rÎle des TIC pour
lâenvironnement.
Une autre série de trois hypothÚses récemment mises en avant sur les potentialités des
T.I.C. doit ĂȘtre envisagĂ©e : sur la prĂ©servation de lâenvironnement grĂące aux outils de
simulation, sur lâefficacitĂ© Ă©nergĂ©tique grĂące Ă lâinnovation technologique et sur la sauvegarde
de lâenvironnement grĂące Ă la surveillance et Ă la mobilisation des rĂ©seaux citoyens.
Lâutilisation de logiciels perfectionnĂ©s pour simuler ou contrĂŽler lâenvironnement, la part de
lâinnovation dans la rĂ©duction des gaz Ă effet de serre, lâutilisation des T.I.C. pour la
traçabilité des produits dangereux, le rÎle que peut jouer Internet pour la mise en réseau des
ONG et pour la surveillance des sites Ă risques⊠câest lâobjet de la deuxiĂšme partie, oĂč sont
discutĂ©es les trois hypothĂšses sur la simulation, sur lâinnovation technologique et sur la
connaissance de lâenvironnement.
De nombreuses questions de recherche sont alors susceptibles dÂŽĂȘtre dĂ©veloppĂ©es,
câest lâobjet de la troisiĂšme partie qui propose un cadre dâanalyse de la responsabilitĂ© sociale
des TIC en présentant les relations entre la RSE (la responsabilité sociale des entreprises), la
RSP (la responsabilité sociale politique) et la RSI (la responsabilité sociale individuelle).
1. CINQ MAUVAISES HYPOTHESES SUR LE ROLE DES T.I.C. POUR
LâENVIRONNEMENT
DĂšs lâorigine les T.I.C. ont laissĂ© penser, de façon intuitive, quâelles allaient remplacer
dâanciens modes dâorganisation, et permettre de moins consommer de papier, de supprimer
des déplacements et donc de moins polluer. Ainsi, Jean-Louis Borloo, dans un entretien
prĂ©parant le Grenelle de lâenvironnement qui a eu lieu en 2007
10
, suggérait encore ce qui
pouvait paraßtre relever du bon sens commun : privilégier la visioconférence aux
dĂ©placements pour limiter lâĂ©mission de gaz Ă effet de serre. Le message sous-jacent est bien
entendu lâidĂ©e que les T.I.C. ont ce pouvoir de moins polluer.
Quâen est-il rĂ©ellement ? Les nombreuses innovations technologiques en matiĂšre de
T.I.C. ces derniÚres décennies ont-elles réellement permis de moins consommer de papier, de
moins se dĂ©placer, et donc de moins polluer ? Si la visioconfĂ©rence quâĂ©voque Jean-Louis
Borloo a laissĂ© entrevoir une sociĂ©tĂ© oĂč les salariĂ©s allaient moins se dĂ©placer, lâĂ©mergence du
commerce électronique est également allé en ce sens, laissant penser que les individus allaient
maintenant faire leurs achats sur Internet et économiser autant de déplacement personnel,
ayant une conséquence directe positive sur la consommation énergétique. La messagerie
Ă©lectronique a Ă©galement promu lâidĂ©e quâelle allait remplacer la consommation de papier.
10
« Je suis favorable Ă ce quâun grand nombre de rĂ©unions soient rĂ©alisĂ©es en visioconfĂ©rence pour
Ă©viter les dĂ©placements inutiles qui gĂ©nĂšrent de la pollution » Jean-Louis Borloo, Ministre de lâĂ©cologie,
entretien publié par France Soir, 17 septembre 2007.
5
La "Théorie Structurelle de l'Adaptation" (AST) proposée par DeSanctis et Poole
(1994) permet d'appréhender les propriétés structurelles d'une technologie à deux niveaux
diffĂ©rents : les « caractĂ©ristiques structurelles » dâune technologie dâune part, qui sont dĂ©finies
Ă court terme (les capacitĂ©s offertes par un systĂšme), et « l'Esprit » dâune technologie dâautre
part, qui est l'intention générale à long terme concernant les valeurs et les objectifs sous-
jacents (les intentions des concepteurs et des responsables, véhiculées par les médias, les
formations, les interfacesâŠ). Vu sous cet angle, « lâEsprit » des T.I.C. a vĂ©hiculĂ© tous ces
espoirs : les T.I.C. allaient se substituer au papier, les T.I.C. allaient se substituer au transport
de personnes et de biens, et ce faisant allaient contribuer à réduire la pollution et réduire la
consommation des ressources naturelles de la planÚte. Ces espoirs sont-ils fondés ?
Quelques craintes ont certes ĂȘtre Ă©voquĂ©es (les T.I.C. nâallaient-elle pas devenir de
grande consommatrices dâĂ©nergie Ă travers lâutilisation dâĂ©lectricitĂ© ? Leur production allait-
elle nécessiter des ressources naturelles importantes et certaines potentiellement dangereuses
pour lâenvironnement ? Une fois ces outils considĂ©rĂ©s comme obsolĂštes par les utilisateurs,
quâallaient devenir les dĂ©chets ? Allaient-ils ĂȘtre dangereux pour lâenvironnement ?⊠). Mais
les espoirs semblaient prendre le dessus sur ces craintes, rarement évoquées, et le bilan
semblait globalement trĂšs positif, en faveur des T.I.C. (voir tableau 1).
Un impact positif des T.I.C. sur
lâenvironnement ?
Un impact négatif des T.I.C. sur
lâenvironnement ?
T.I.C. et Papier : les T.I.C. se substituent-elles
au papier ?
T.I.C. et consommation dâĂ©nergie : les TI
sont-elles grandes consommatrices
dâĂ©lectricitĂ© ?
T.I.C. et Transport de personnes : Les T.I.C.
se substituent-elles au transport des salariés,
et ce faisant contribuent-elles Ă diminuer : 1-
la pollution liĂ©e au transport ; 2 - lâĂ©puisement
des ressources naturelles de la planĂšte ?
La production des T.I.C.: utilise-t-on des
substances dangereuses pour la production
des T.I.C. ?
e-Commerce et Transport des marchandises :
Le commerce électronique, se substituant au
commerce traditionnel, contribue-t-il Ă
diminuer la pollution et la consommation
dâĂ©nergie liĂ©es au transport ?
Les déchets résultant des T.I.C. : Que
deviennent les déchets ?
Tableau 1 : Espoirs et craintes liés aux T.I.C.
Avec le peu de recul que nous avons, quel bilan pouvons-nous élaborer ?
1.1.
La mauvaise hypothÚse du « zéro papier »
Les T.I.C. allaient-elles réellement supprimer le papier comme on a pu le croire dans
les années 1990 ? Les données agrégées montrent plutÎt le phénomÚne inverse . Ainsi, entre
1988 et 1998, la consommation de papier dans les pays industrialisés a augmenté de 24%
(Cohen 2001), bien que, durant cette pĂ©riode, les capacitĂ©s de stockage dâinformations
électroniques se développaient à grande vitesse. En Grande-Bretagne, Huws (1999) montre
6
que la consommation de papier a plus que doublé entre 1984 et 1995. Le Canada, plus grand
pays exportateur de papier, a plus que doublé ses ventes ces 15 derniÚres années.
Suren Erkman (1998), qui a eu pour ambition de faire découvrir le champ de
lâĂ©cologie industrielle dans un ouvrage consacrĂ© Ă ce nouveau domaine de recherche, souligne
en évoquant le fameux credo du « zéro papier » scandé dans les années 80 que : « selon les
prophÚtes de la soi-disant société postindustrielle, les ordinateurs étaient censés reléguer le
papier au rang de curiositĂ© historique. Câest exactement lâinverse qui sâest produit : aux Etats-
Unis, la consommation annuelle de papier est passée de 7 à 22 millions de tonnes entre 1956
et 1986. » (p.90).
Existe-t-il certains effets de substitution des T.I.C. au papier ? Moktharian (2003)
répond positivement à cette question. Oui, il existe des situations dans lesquelles les TI
viennent remplacer le papier. Par exemple lorsque les documents sont envoyés par courriel
plutĂŽt que par le courrier traditionnel qui nĂ©cessite lâimpression et la photocopie. Sâil existe
bel et bien un effet de substitution, comment expliquer alors la consommation accrue de
papier ? Parce que ces effets sont marginaux par rapport aux possibilitĂ©s dâimpression accrues
par lâusage des T.I.C. (Moktharian 2003). En effet les T.I.C. facilitent lâaccĂšs Ă des milliards
de documents sur Internet, cet accĂšs induit alors une forte augmentation des impressions par
les utilisateurs finaux.
Une étude menée par Ipsos Global
11
estime ainsi quâune page sur six imprimĂ©es sur le
lieu de travail nâest jamais utilisĂ©e : soit jetĂ©e directement Ă la poubelle, soit oubliĂ©e sur
lâimprimante ou la photocopieuse. Cela reprĂ©senterait, par an, une perte de 400 millions
dâeuros pour les entreprises françaises, et lâĂ©quivalent de prĂšs dâun million dâarbres sacrifiĂ©s.
43% des Français imprimeraient jusquâĂ 50 pages par jour grĂące aux facilitĂ©s dâaccĂšs aux
informations, 20% avoueraient imprimer la totalitĂ© des documents quâils reçoivent, et 38%
admettraient imprimer lâintĂ©gralitĂ© du courriel qui leur parvient afin de le lire sur le support
papier.
Cette pratique de gaspillage se fait sans réelle conscience. Ainsi, selon une autre étude
menée par Ipsos
12
, si 62% des salariés reconnaissent constater un gaspillage sur le lieu de
travail, seuls 34% dâentre eux admettent y participer, rejetant ainsi la responsabilitĂ© sur les
autres. Cette étude montre également un clivage entre le secteur privé et le secteur public. Si
24% des pages imprimĂ©es dans le secteur privĂ© passent directement Ă la poubelle sans ĂȘtre
consultées, seules 15% des pages seraient ainsi gaspillées dans le secteur public. Ce serait,
dans le secteur privé, la grande distribution qui remporterait le trophée du plus grand
gaspillage, avec un taux atteignant 40% de pages inutilement imprimées.
1.2.
La mauvaise hypothÚse de la substitution pour les déplacements
Mokhtarian (2003) nous rappelle que de tout temps, lâĂ©mergence dâune nouvelle
technologie de tĂ©lĂ©communications a suscitĂ© lâidĂ©e quâelle allait se substituer Ă un transport.
En 1876 Ă©tait inventĂ© le tĂ©lĂ©phone. Il nâa pas fallu longtemps avant que lâon suggĂšre que cette
invention puisse Ă©liminer les voyages : le 10 mai 1879, dans un Ă©ditorial du Times, lâidĂ©e Ă©tait
déjà avancée que le téléphone allait soulager les managers en leur évitant des déplacements.
Dans le passĂ© rĂ©cent, le nombre dâappels tĂ©lĂ©phoniques nâa cessĂ© de sâaccroĂźtre, mais le
nombre de kilomĂštres parcourus par avion augmente Ă peu prĂšs au mĂȘme rythme, et le
11
Etude menĂ©e par Ipsos Global pour le compte de Lexmark (fabricant dâimprimantes) auprĂšs de 1000
PME-PMI et grandes entreprises européennes en avril 2005 (voir http://www.lexmark.fr).
12
Etude menée par Ipsos entre le 20 février et le 7 mars 2006 auprÚs de 2837 salariés.
7
nombre de kilomĂštres parcourus en voiture augmente deux fois moins vite (Pierce, 1977). Un
appel téléphonique peut parfois remplacer un voyage, mais plus de communications engendre
plus dâactivitĂ©s et plus dâinteractions, impliquant un nombre plus important de voyages :
lâaugmentation des Ă©changes par mĂ©dias fait aussi croĂźtre les Ă©changes physiques donc les
déplacements.
Si certaines Ă©tudes sâintĂ©ressant Ă lâimpact des tĂ©lĂ©communications sur les voyages ont
certes pu montrer un effet de substitution des télécommunications sur les voyages, Moktarian
(2003) montre que ces études, parce que limitées dans leur approche méthodologique (à court
terme et se focalisant sur une seule application), sont passĂ©es Ă cĂŽtĂ© dâeffets indirects plus
subtils Ă long terme, que lâon retrouve dans les Ă©tudes de type holistique. DâaprĂšs lâauteur, il
nâexiste aucune preuve empirique montrant la substitution des tĂ©lĂ©communications aux
voyages. Par exemple, entre 1990 et 1995, on enregistre une augmentation de 11% des
kilomÚtres parcourus par un individu alors que durant cette période le développement et
lâadoption de nouvelles technologies est trĂšs important (Hu and Young 1999). Les Ă©tudes plus
spécifiques, portant sur le lien entre télécommunications et voyages personnels, aboutissent
aux mĂȘmes conclusions. Par exemple, Zumkeller (1996) conclut aprĂšs une telle Ă©tude que
lâeffet de complĂ©mentaritĂ© est beaucoup plus fort que celui de substitution, car, pour un
individu donné, à un niveau élevé de communication est associé un niveau élevé de voyages.
Lâutilisation des tĂ©lĂ©communications par une personne Ă un moment donnĂ© ne signifie
pas nĂ©cessairement lâĂ©limination dâun voyage, car sans les tĂ©lĂ©communications lâactivitĂ©
nâaurait tout simplement peut-ĂȘtre jamais eu lieu, câest ce que Moktharian (2003) nomme un
effet « neutre ». Par exemple la personne impliquée dans une téléconférence ne se serait de
toute façon peut-ĂȘtre jamais dĂ©placĂ©e, ou bien chaque achat impulsif effectuĂ© sur le Web
nâaurait peut-ĂȘtre jamais conduit Ă un dĂ©placement dans un magasin. Il existe au contraire des
effets de « complĂ©mentaritĂ© », lorsque lâutilisation dâun mode de communication conduit Ă
accroĂźtre un autre mode. Par exemple, Sola Pool (1977) relate que les tous premiers mots
prononcés par Alexander Graham Bell au téléphone ont été « Monsieur Watson, venez tout de
suite, jâai besoin de vous », gĂ©nĂ©rant ainsi un trajet
13
. Autre exemple de complémentarité :
lorsquâun mode de communication Ă©lectronique est utilisĂ© pour accroĂźtre un mode de
communication physique. Câest ainsi que dâaprĂšs Yim (2000), une des utilisations les plus
courantes des téléphones portables consiste à planifier ou modifier des entrevues.
En ce qui concerne le tĂ©lĂ©travail, dâaucun pensait quâon avait ici affaire Ă un effet de
substitution, les tĂ©lĂ©communications remplaçant les trajets. MĂȘme dans ce cas, la substitution
nâest pas prouvĂ©e. Kitou et Horvath (2006) ont calculĂ© que le tĂ©lĂ©travail pourrait rĂ©duire de
90% les Ă©missions de COÂČ liĂ©es aux transports, mais que cela s'accompagnerait en mĂȘme
temps d'une hausse de la consommation énergétique domestique (réduisant de maniÚre
significative les avantages du télétravail) si cette derniÚre est produite avec des combustibles
fossiles. Dans le calcul de Breuil et al. (2008) deux jours de télétravail hebdomadaire pourrait
faire économiser une moyenne de 500 kg de CO2 par salarié par an, mais ceci ne correspond
quâĂ la moitiĂ© dâun aller-retour Paris New York. Or Harvey et Taylor (2000) montrent quâil
existe une tendance pour une personne ayant peu dâinteraction sociale (et spĂ©cialement les
personnes travaillant Ă domicile) Ă voyager plus. DâaprĂšs les auteurs, les individus ont besoin
de contacts sociaux et sâils ne le trouvent pas sur le lieu de travail, ils vont alors les chercher
ailleurs, cela générant des voyages. Le télétravail ne diminue pas forcément le nombre de
voyages, mais change tout simplement le but du voyage. La communication directe, raison
13
MĂȘme si, dans ce cas prĂ©cis, il nây a pas eu transport de personne impliquant lâutilisation de
ressources naturelles, le subordonnĂ© se trouvant sans doute dans les mĂȘmes locaux, il nâen reste pas moins que
lâexemple est Ă©loquent.
8
principale invoquĂ©e pour le voyage, nâest dâailleurs quâune raison, et pas forcĂ©ment la plus
importante, pour effectuer un déplacement (Day 1973). Il existe des « méta motivations » au
voyage, incluant la visite de la famille ou dâamis, la visite de lieux intĂ©ressants, ou mĂȘme la
volontĂ© de sâĂ©chapper de la maison ou du lieu de travail (Button et Maggi 1994, Moktharian
1988, 2003).
1.3.
La mauvaise hypothĂšse de lâeffet du commerce Ă©lectronique sur les transports
Quelques Ă©tudes techniques, en particulier dans le domaine de lâEcologie Industrielle,
ont été publiées sur la question du commerce électronique. Matthews et al. (2001) se sont
intéressés à la vente de livres aux Etats-Unis et ont comparé le systÚme traditionnel au
commerce Ă©lectronique. Un des rĂ©sultats majeurs de leur analyse est quâil existe bien certaines
économies énergétiques liées à la suppression des trajets pour se rendre à la librairie, mais que
ces Ă©conomies sont largement compensĂ©es par lâacheminement des livres par voie aĂ©rienne.
Amazon fait livrer les biens commandĂ©s en 24h par UPS, câest ainsi le transport de
marchandises qui rend la facture énergétique plus élevée. Williams et Tagami (2001) se sont
intĂ©ressĂ©s au mĂȘme secteur, et ont comparĂ© le cas des USA avec celui du Japon. Aux Etats-
Unis ils ont trouvé que 73 mégajoules (MJ) par livre sont consommés par le commerce
électronique, alors que seulement 53 mégajoules le sont par le commerce traditionnel. Au
Japon, dans la ville de Tokyo, le commerce électronique nécessite 9,3 MJ par livre tandis que
le commerce traditionnel en consomme 1,6 MJ. En revanche, dans les régions rurales du
Japon, les résultats diffÚrent : 12 MJ sont utilisés par le commerce électronique tandis que 16
MJ le sont par le commerce traditionnel.
Ces rĂ©sultats semblaient montrer un seul cas oĂč le commerce Ă©lectronique est moins
consommateur dâĂ©nergie que le commerce traditionnel : lorsque les consommateurs rĂ©sident
dans des zones rurales qui nĂ©cessitent un dĂ©placement important lors de lâachat. Pour
confirmer ces résultats, Williams et Tagami ont poursuivi leur recherche et se sont intéressés
à cette différence entre les zones rurales et les zones urbaines. En 2003, ils publient de
nouveaux rĂ©sultats. Le commerce Ă©lectronique consomme toujours plus dâĂ©nergie que le
commerce traditionnel au Japon pour lâachat de livres, mais surtout pour les zones trĂšs
urbanisĂ©es comme celle du centre de Tokyo : pas dâĂ©conomie sur les transports individuels
(car ils sont de toute façon peu utilisés en ville), mais en revanche une perte énergétique trÚs
importante induite par le packaging (bien plus coûteux que pour le commerce traditionnel :
les livres sont emballĂ©s en petite quantitĂ© et nĂ©cessitent la production dâun emballage Ă©pais et
solide). Dans les zones peu urbanisées au Japon, les résultats différent : on y constate une
consommation dâĂ©nergie Ă peine plus Ă©levĂ©e pour le e-commerce que pour le commerce
traditionnel.
Au delà des livres, le e-commerce est certes multiforme : 16 Mds ⏠de chiffre
dâaffaires en 2007, soit 4% de la distribution, essentiellement des produits informatiques, des
produits culturels (livres, DVD) et des services (voyages). Dâun point de vue environnement,
certains crĂ©neaux peuvent donc ĂȘtre rentables et dâautres non, en fonction de lâemballage, du
besoin de transports et des modes de livraison (en boites aux lettres ou en présence du client).
Mais globalement, au vu des résultats de ces recherches, il apparaßt que le commerce
Ă©lectronique nâest pas, dans les faits, moins consommateur dâĂ©nergie que le commerce
traditionnel.
9
1.4.
La mauvaise hypothĂšse dâune faible consommation Ă©lectrique et dâune faible
empreinte carbone
Certains chiffres de la littérature en Ecologie Industrielle semblaient montrer que la
consommation dâĂ©lectricitĂ© des TIC nâĂ©tait pas si importante que lâon avait pu le craindre.
Laitner (2003) avançait que les TIC ne représentent seulement que 3 % de la consommation
totale dâĂ©lectricitĂ© aux Etats-Unis. Koomey (2000) calculait pour lâAllemagne un chiffre de 6
% dâici 2010.
Mais les derniers chiffres montrent que la consommation des TIC représente
aujourdâhui 13,5 % de lâĂ©lectricitĂ© française et cette consommation augmente Ă un rythme
soutenu, dâenviron 10% par an sur les dix derniĂšres annĂ©es (Breuil et al. 2008)
14
. Dans le
secteur rĂ©sidentiel, les TIC (produits audiovisuels inclus) consomment 30% de lâĂ©lectricitĂ©
des mĂ©nages, premier poste domestique hors chauffage, mĂȘme avant le passage prochain Ă la
TNT et à la TV HD. Les seules mises en veille des équipements en consomment plus de 10%,
et les « boĂźtiers ADSL », fournis par les opĂ©rateurs qui sont prescripteurs mais qui nâen
payent pas lâusage, consomment 1,51 milliard de kW/h par an, soit deux mois de production
d'un réacteur nucléaire
15
.
La consommation électrique des TIC
13,5 % de la consommation électrique française
en augmentation de 10% par an
TWh/an
Postes de travail informatiques (ordinateurs, écrans, imprimantes)
résidentiels
7
Postes de travail informatiques professionnels 11
Serveurs et centres de données (dont la moitié en climatisation !) 4
Total de lâinformatique
22
38%
Total de lâaudiovisuel (TĂ©lĂ©viseurs, magnĂ©toscopes)
16,5
28%
Télécoms et autres matériels électroniques (dont 0,1 par les
téléphones mobiles)
20,1
34%
Tableau 2. La consommation Ă©lectrique des TIC en France (dâaprĂšs Breuil et al. 2008)
Avec un taux de croissance de 10 %, il faut sâattendre Ă ce que la part des TIC atteigne
20% de la consommation dâĂ©lectricitĂ© française dĂšs 2012. Une prĂ©occupation actuelle
concerne notamment la consommation des serveurs ou centres de données qui augmente de
15 à 20% par an et qui déjà représente prÚs du quart des émissions totales de CO2 générées
par lâindustrie IT (Gartner Group 2006). Koomey (2007) qui a publiĂ© un rapport dĂ©taillĂ© Ă
Stanford sur la consommation totale des serveurs aux Etats-Unis et dans le monde, montre
que la consommation dâĂ©lectricitĂ© pour les seuls serveurs a doublĂ© entre 2000 et 2005, pour
ĂȘtre aujourdâhui Ă©quivalente Ă celle de tous les postes de tĂ©lĂ©vision.
14
Le secteur des TIC n'a pas de définition normalisée reconnue. Pour évaluer à 2% le poids des émissions de gaz
Ă effet de serre (GES) dues aux TIC, le Gartner Group ne compte ni lâĂ©lectronique grand public, ni les appareils
de mesure et ni lâĂ©lectronique prĂ©sente dans beaucoup dâĂ©quipements. LâOCDE retient en revanche les filiĂšres
informatique, tĂ©lĂ©com et Ă©lectronique. Câest aussi le cas de lâĂ©tude de Breuil et al. (2008).
15
Institut National de la Consommation (INC)
10
Selon Philip Rosedale, la société « Linden Lab » dont il est le PDG utiliserait 4000
serveurs à plein régime pour faire fonctionner « Second Life ». Un calcul amusant a été fait
par Nicholas Carr : en additionnant la consommation électrique des PC des 12.500
utilisateurs-avatars connectés à tous moments sur Second Life à celle des 4000 serveurs et de
leurs systĂšmes de refroidissement, Carr estime que Second Life consomme chaque jour
60.000 kWh; soit 4,8 kWh par avatar et par jour, autant quâun « vrai » brĂ©silien moyen, et
deux fois plus quâun « vrai » camerounais !
16
. Layet
17
, de Novethic, annonce un chiffre de
1,17 tonnes équivalent carbone qui serait produite par avatar et par an (668g de CO2 sont
produits par un kWh) et cite un calcul effectué par un employé de Sun qui montre que cette
empreinte carbone dâun avatar correspond alors Ă celle dâun 4x4 de marque « Hummer » (la
consommation dâun vĂ©hicule de ce type dĂ©passe les 14 litres aux 100 kms).
Au niveau du bilan carbone, le rapport « TIC et Développement durable » (Breuil et
al. 2008) estime, avec une marge dâerreur de +/- 30%, que les TIC contribuent globalement Ă
5% de la production de COÂČ en France (sans compter lâempreinte de production des matĂ©riels
Ă©lectroniques, puisquâils sont pour la plupart importĂ©s). En raison de la production nuclĂ©aire
de lâĂ©lectricitĂ© consommĂ©e, on notera que ce pourcentage de 5% est considĂ©rĂ© comme plus
faible en France que dans les autres pays
18
. Cette empreinte carbone du secteur TIC ne peut
donc plus ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme limitĂ©e au regard du poids des TIC dans le PIB (2,8% de
lâemploi), bien quâil soit difficile de donner des chiffres par secteur
19
. A la suite des
engagements du « Grenelle 2 », les entreprises de plus 500 employés devront réaliser leur
Bilan Carbone et devront donc ajouter cette dimension dans leur systĂšme dâinformation. La
double notation comptable va arriver bientÎt, sous la forme de logiciels couplés aux ERP /
PGI.
Il y a encore une dizaine dâannĂ©es, on pouvait relativiser la place que prenaient les
T.I.C. dans la consommation Ă©lectrique, les chiffres montrent aujourdâhui que la
consommation a dĂ©jĂ pris des proportions importantes et quâelle ne cesse de croĂźtre.
1.5.
La mauvaise hypothÚse sur les déchets des produits « immatériels »
Lâindustrie informatique sâest toujours prĂ©sentĂ©e comme une industrie de lâimmatĂ©riel,
du savoir, de la connaissance⊠jusquâĂ la prise de conscience des nombreuses externalitĂ©s
liĂ©es Ă son activitĂ©. Parmi ces externalitĂ©s, lâaccumulation des dĂ©chets est devenue un enjeu
16
Les comparaisons ne manquent pas. Siegfried Behrendt, chercheur de lâinstitut de recherche berlinois
IZT, a calculé que télécharger sur son ordinateur la version électronique de son quotidien consommait autant
dâĂ©lectricitĂ© que de faire une lessive. Lâentreprise allemande de services informatiques Strato a calculĂ© quâune
recherche sur le site Google est équivalente à une heure de lumiÚre dispensée par une ampoule à économie
dâĂ©nergie.
17
http://www.novethic.fr/novethic/entreprise/environnement/eco_management/un_avatar_virtuel_conso
mme_autant_energie_qu_vrai_bresilien/108365.jsp
18
Il est intĂ©ressant de noter que lâempreinte carbone dâun poste de travail (production, utilisation,
dĂ©chets) est estimĂ©e deux fois moindre en France quâen Grande Bretagne (Breuil et al., 2008).
19
Au niveau mondial, le premier contributeur en CO2 serait la production dâĂ©lectricitĂ© (avec 27%,
source GIEC), mais si on impute cette Ă©lectricitĂ© Ă celui qui la consomme on obtient dâautres chiffres (Industrie
29%, RĂ©sidentiel 23%, DĂ©forestation 17%, Transports 15%âŠ), dans le cas de la France les chiffres seraient
diffĂ©rents (Transports 27%, RĂ©sidentiel 24%âŠ) et enfin si on impute les Ă©missions indirectes des fournisseurs et
des produits vendus (« les trois pĂ©rimĂštres » de lâĂ©tude VigĂ©o-WWF 2009, www.wwf.fr) câest le secteur
Banque/Assurance qui contribue pour le plus avec 3680 millions de tonnes (financement de centrales Ă charbon Ă
lâĂ©tranger, prĂȘts aux particuliers pour des vĂ©hiculesâŠ) suivi de la construction aĂ©ronautique civile avec 925
millions de tonnes.
11
considĂ©rable. Loin dâĂȘtre des produits « immatĂ©riels », les T.I.C. sont bel et bien des produits
qui génÚrent de la pollution dans toute leur phase de vie.
Dans le cycle de vie dâune T.I.C., plusieurs Ă©tapes conduisent Ă une pollution. La
premiĂšre est celle de la production, vient ensuite celle de lâutilisation (avec le problĂšme de la
consommation dâĂ©lectricitĂ© vu plus haut) et enfin celle de la fin de vie.
Si on observe la phase de production, on se rend compte que cette activité est
fortement polluante, dans la mesure oĂč seulement 2% des matĂ©riaux utilisĂ©s pour la
production des T.I.C. se retrouvent dans le produit final, les 98% restant se transformant en
déchets (Hitly and Ruddy 2000). Pour réaliser une puce de 2 grammes, il faut utiliser 1,2 kg
de combustible fossile, 72 g de produits chimiques et 32 litres dâeau trĂšs pure⊠Un ordinateur
contient 1000 matériaux différents venant du monde entier, dont du plomb, du cadmium, du
baryum, du béryllium⊠Si en 1997 la durée d'utilisation d'un ordinateur était de 6 ans, elle
n'est plus que de deux ans en 2005, et il est prévu un nombre de 1,3 milliard d'ordinateurs
dans le monde d'ici Ă 2013 (Flipo et al, 2007, Berthoud et al, 2007). A ce stade lâĂ©co-
conception tend aujourdâhui Ă limiter les composants toxiques et la consommation des postes
de travail, sans oublier quâun PC classique contient 1.500 Ă 2.000 composants qui viennent du
monde entier, en général par voie aérienne.
Dans la phase de la fin de vie, on observe que la réutilisation ou la revalorisation des
T.I.C. est extrĂȘmement rare (Fichter 2003), dans la grande majoritĂ© des cas, les Ă©quipements
finissent en dĂ©chets. Pour lâensemble des Ă©quipements Ă©lectriques et Ă©lectroniques 90% des
déchets sont incinérés ou recouverts sans pré traitements (Fichter 2003), et une grande
proportion des polluants trouvés dans les déchetteries municipales est imputée aux
Ă©quipements Ă©lectriques et Ă©lectroniques (CEC 2000). Dans lâensemble de ces dĂ©chets
Ă©lectriques et Ă©lectroniques, 12% proviennent de lâindustrie des TIC.
Selon le magazine Consumer Reports, les Etasuniens ont jeté environ 3 millions de
tonnes d'objets Ă©lectroniques en 2003. Quelques 700 millions de tĂ©lĂ©phones portables ont dĂ©jĂ
Ă©tĂ© jetĂ©s dans le monde entier, dont 130 millions pour la seule annĂ©e 2005. Les vieux Ă©crans Ă
tube cathodique et les téléviseurs contiennent en moyenne 3 kilos de plomb, et ils sont la
source majeure de la présence de cette substance toxique dans les installations de stockage des
déchets. La plupart des ordinateurs et des appareils électroniques contiennent des cartes de
circuits imprimés empaquetés avec des métaux toxiques tels que le chrome, le zinc et le
nickel. MĂȘme les plastiques contiennent des ignifuges chimiques toxiques. D'aprĂšs Consumer
Reports, seulement 10 % des ordinateurs jetés sont recyclés "de maniÚre responsable".
Environ 80 % des objets électroniques jetés sont actuellement envoyés à quelques pays en
voie de dĂ©veloppement tels que la Chine, l'Inde et le Kenya, oĂč les gens (y compris des
enfants en bas ùge) démontent, souvent à mains nues, les appareils électroniques pour leurs
composants et leurs métaux.
Les groupes environnementaux tels que la Silicon Valley Toxics Coalition, les Amis
de la Terre, Basel Action Network, Greenpeace, etc, ont fait la Une derniĂšrement,
réprimandant les fabricants d'appareils électroniques en général, et Apple en particulier
(arsenic et mercure dans la fabrication des écrans des Mac, plastique chloré et retardateurs de
flamme bromĂ©s dans le tĂ©lĂ©phone mobile iPhoneâŠ). L'impact nĂ©gatif de tels documents
auprÚs des consommateurs est maintenant pris au sérieux., il incite les entreprises à explorer
le marché du « Green IT »
20
, il incite les gouvernements au soutien de projets scientifiques
21
20
Hewlett-Packard a ainsi rĂ©agi Ă la concurrence des cartouches d'encre pour imprimante proposĂ©es Ă
moitié prix avec des consommables recyclés : HP s'est lancé à son tour dans le recyclage de ses cartouches, ce
qui a contribué à améliorer ses marges. Les industriels ont déjà compris le marché du Green Business
http://www.greenbiz.com/
et le marketing vert a fait son apparitionâŠ
12
et à l'adoption d'une réglementation « verte ». En France cette réglementation se découpe en
deux volets. Le premier, qui s'inscrit dans la directive ROHS (Restriction Of the use of certain
Hazardous Substances) s'adresse aux professionnels de l'informatique. Il a pour but de limiter,
depuis le 1er juillet 2006, la présence de substances dangereuses dans les équipements
électriques et électroniques. Ainsi, les produits commercialisés aprÚs cette date ne peuvent
plus comporter de plomb, de mercure ou encore de cadmium. Second aspect de la
réglementation : depuis le 13 août 2005, les entreprises, comme les usagers privés, ne peuvent
plus abandonner les DEEE en dĂ©charge (DĂ©chets dâEquipements Electriques et
Electroniques). Dans ce cadre, la loi impose des rÚgles strictes de dépollution pour les
Ă©quipements devant ĂȘtre dĂ©truits. Pour les produits commercialisĂ©s aprĂšs cette date, les
fournisseurs ont l'obligation de proposer un service de recyclage. Il faut de plus communiquer
institutionnellement sur ces éléments (une obligation pour les sociétés cotées, dictée par la loi
française relative aux Nouvelles Régulations Economiques).
Conclusion de cette premiÚre analyse : aucune donnée ne permet de montrer que les
T.I.C. contribueraient Ă crĂ©er un monde plus respectueux de lâenvironnement. Dans les faits,
les espoirs liĂ©s au « ZĂ©ro papier », au « ZĂ©ro dĂ©placement », Ă lâefficacitĂ© du commerce
Ă©lectronique, Ă la consommation rĂ©duite dâĂ©lectricitĂ© et au « ZĂ©ro dĂ©chet » sâavĂšrent
aujourdâhui infondĂ©s.
2. TROIS HYPOTHESES RECENTES SUR LE ROLE POSITIF DES T.I.C. POUR
LâENVIRONNEMENT
Si les T.I.C. nâont pas contribuĂ© Ă crĂ©er un monde plus respectueux de
lâenvironnement, on voit rĂ©cemment se dĂ©velopper trois hypothĂšses pour monter quâelles ont
un impact bénéfique dans trois domaines : par les possibilités de simulation et de calcul
quâelles permettent pour prĂ©server lâenvironnement, par leur contribution Ă lâefficacitĂ©
technologique et enfin comme rĂ©seau de mobilisation pour la prise de conscience et lâaction
écologique.
2.1. LâhypothĂšse sur lâinformatique, comme moyen de prĂ©server lâenvironnement
Dans les procĂ©dures dâaide Ă la dĂ©cision, les outils informatiques de simulation
peuvent jouer un rÎle déterminant en évitant les graves conséquences des essais-erreurs et en
permettant un apprentissage du type « learning by simulating ». Par exemple depuis 2006, le
supercalculateur TERA-10 (50.000 milliards d'opérations à la seconde), la machine
radiographique Airix et le laser Mégajoule permettent ainsi la simulation des essais nucléaires
en laboratoire, avec l'objectif de poursuivre le réarmement nucléaire de la France (malgré le
Traité d'Interdiction ComplÚte des Essais nucléaires TICE et le Traité de Non-Prolifération
TNP...).
La puissance de calcul est-elle un aspect positif des technologies de lâinformation pour
prĂ©venir ou gĂ©rer les risques environnementaux ? Plusieurs types dâoutils ont un aspect positif
certain dans le cadre de la gestion de lâenvironnement et des ressources naturelles :
- la simulation par certains « indicateurs » offre la possibilité à un utilisateur de
mesurer sa contribution Ă lâeffet de serre, Ă lâexploitation dâune ressource commune, Ă la
pollution de lâeau, etc. Lâempreinte Ă©cologique est ainsi un indicateur qui frappe
21
http://www.defra.gov.uk/environment/business/scp/research/index.htm
http://www.it-environment.org/index.html
13
l'imagination, ramenant Ă une surface biologiquement productive la consommation d'un
individu et l'absorption de ses déchets
22
. Le logiciel PhytâAmibe, dĂ©veloppĂ© au C3ED repose
par exemple sur les indicateurs environnementaux de lâINRA pour confronter les pratiques
des
agriculteurs
concernant
leur
utilisation
des
produits
phytosanitaires
http://www.c3ed.uvsq.fr/
. La mauvaise nouvelle est que lâhumanitĂ© a « pompĂ© », en 2005, 40
% de ressources naturelles en plus de ce que la nature peut renouveler selon ses processus. On
peut estimer « combien de planÚtes » seraient nécessaires si tous les habitants du monde
avaient le mode de vie des français, avec les technologies actuelles. La réponse est : plus de
2,5 planĂštes (plus ou moins 20 %, compte tenu des marges de calcul, mais on comprend que
cela change peu le résultat !) (
www.alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey
). Lâempreinte
Ă©cologique ne mesure quâune partie de la charge imposĂ©e aux ressources renouvelables et ne
prend pas en compte les pollutions : les comptes « en équivalent carbone » sont aussi
essentiels comme guide dâaction contre le risque climatique (en fonction de la capacitĂ© de
sĂ©questration du carbone par les ocĂ©ans et les forĂȘts et donc du niveau maximum dâĂ©missions
acceptable pour la planĂšte)
23
. On voit le rĂŽle que peut jouer la simulation pour justifier une
taxe carbone juste et équilibrée, permettant de modifier les arbitrages des entreprises et des
mĂ©nages en faveur des Ă©conomies dâĂ©nergie ;
- la simulation par les « Générateurs de Scénarios » permet, sur la base de modÚles de
programmation linĂ©aire ou dynamique, dâexplorer un certain nombre dâoptions alternatives
(technologiques, réglementaires, climatiques..) et de visualiser les effets de ces options par
des courbes, des graphes ou des cartes
24
. Mais le nombre de variables Ă prendre en compte
dans ces modÚles est si élevé que la discussion des alternatives se focalise trop souvent sur les
rĂ©sultats annoncĂ©s, bien plus que sur la discussion des variables du modĂšle lui-mĂȘme. Le
travail du GIEC-ICCP sur les interactions carbone/climat est un exemple trÚs médiatique de la
génération de scénarios
http://www.ipcc.ch/
. Son dernier rapport en 2009 sur l'évolution du
climat (auquel ont participé plus de 2 500 scientifiques de 130 pays), affirme que la
probabilité que le réchauffement climatique depuis 1950 soit d'origine humaine est de plus de
90 % ;
- la simulation par les « SystÚmes Multi-Agents » peut modéliser les interactions
rĂ©ciproques du comportement dâacteurs et de ressources naturelles. Un agent est un
programme informatique percevant et agissant de façon autonome, en fonction de son «
expérience ». Dans les systÚmes multi-agents, les agents partagent des ressources communes
et communiquent entre eux. Au CIRAD, Cormas simule par exemple les effets dâune
modification de lâenvironnement, dâune rĂšgle de dĂ©cision, du comportement des agents etc., et
22
Lâempreinte Ă©cologique (EE) est un indicateur de pression Ă©cologique oĂč lâon convertit en hectares
une sĂ©rie dâusages de ressources naturelles pour les besoins de consommation et les rejets dâune population
donnée : les champs cultivés, les pùturages, les espaces forestiers exploités pour leur bois, les surfaces de zones
de pĂȘche, les espaces bĂątis, les surfaces de forĂȘts capables de sĂ©questrer le carbone (câest une liste incomplĂšte et
par exemple nây figurent pas les besoins en eau
http://www.waterfootprint.org/
). Manger de la viande tous les
jours implique de disposer d'une surface agricole plus importante qu'une consommation de légumes. Si ces
ressources biologiques étaient équitablement réparties sur l'ensemble de la planÚte, chaque individu devrait avoir
une empreinte égale à 2 hectares environ. En France cette empreinte est environ de 5 hectares (+/- 20%).
23
Source GIEC IPCC : Pour limiter le réchauffement climatique il faudrait ramener les émissions au-
dessous de 3 giga-tonnes « équivalents carbone » par an, soit un « droit à émettre » de 500Kgs équivalent
carbone par an/par terrien. Aujourdâhui un Ă©tasunien Ă©met 11 fois plus que le seuil, un Allemand 6 fois plus, un
Anglais 5 fois plus, un Français 4 fois plus, un Chinois 1,5 fois plus.
24
« Les consommateurs et les entreprises ne peuvent pas gĂ©rer ce qui nâest pas mesurable. Les TIC
nous donnent les moyens dâobserver notre consommation dâĂ©nergie et nos Ă©missions de gaz Ă effet de serre en
temps rĂ©el, et pourraient nous permettre dâoptimiser les systĂšmes et les processus pour les rendre plus
efficients ». Steve Howard, P.-D. G., The Climate Group.
http://www.smart2020.org
14
couple ce modĂšle social et environnemental Ă un processus dâapprentissage dâutilisateurs
confrontĂ©s Ă lâusage ou Ă la rĂ©gulation des ressources naturelles
http://cormas.cirad.fr/
;
- les systĂšmes de « RĂ©alitĂ© Virtuelle » peuvent mettre lâutilisateur Ă la place dâun
usager (voire Ă la place dâune ressource naturelle) et guident son exploration : projet europĂ©en
Alarm sur la biodiversité
http://keralarm.c3ed.uvsq.fr/
, projet européen Virtualis sur
lâapprentissage des Ă©cosystĂšmes et des ressources naturelles
http://www.virtualis-eu.com/
;
- les SIG « SystĂšmes dâInformation GĂ©ographiques » permettent de reprĂ©senter et de
traiter des données et des méta-données référencées dans un espace géographique. Les SIG
permettent dâĂ©tudier et de contrĂŽler lâenvironnement, dâanticiper les Ă©volutions (optimisation
des
déplacements,
urbanisme,
emploi,
épidémiologie,
climatologie,
géologie,
dĂ©sertificationâŠ). Avec le GPS et une analyse algorithmique de cartes satellites, on pu par
exemple optimiser le dĂ©placement dâun tracteur en agriculture et rĂ©duire de 30% les doses
dâintrants (engrais, pesticides, etc.). Depuis mars 1993, IBM a lancĂ© l'Environmental Research
Program avec 14 universités et institutions de recherche : cartes par satellites, banques de
donnĂ©es⊠pour explorer les causes de la dĂ©sertification et les interactions avec lâagriculture.
En Tunisie dans le Golfe de GabÚs, ce sont les images SPOT et LANDSAT qui ont révélé la
disparition du couvert vĂ©gĂ©tal dâun des milieux halieutiques les plus riches du pays. Les
avancées technologiques dans les bio-capteurs (matériaux biologiques réagissant à certains
signaux) sont de plus en plus mobilisées pour contrÎler la qualité de l'air et de l'eau ainsi que
les changements climatiques, la couche d'ozone stratosphérique et les divers écosystÚmes ;
- avec « lâInternet des objets » et le remplacement des codes barres par des Ă©tiquettes
radiofrĂ©quence intelligentes, de nombreux produits seront progressivement connectĂ© Ă
lâInternet via lâONS, Object Naming Service, une technologie dĂ©rivĂ©e des domaines DNS
(Domain Name System) qui ne gĂšrent aujourdâhui que les adresses des seuls ordinateurs. Le
tracking géographique (localiser un produit, un dossier ou une personne) et le tracing
historique (reconstituer un historique, une origine, une activitĂ©, un contrĂŽleâŠ) seront alors
envisageables en permanence sur Internet. Cette traçabilité permettra de contrÎler les usages
de produits chimiques, les déconstructions de centrales nucléaires, la sécurité alimentaire, la
sécurité pharmaceutique⊠Pour le tri et la gestion des déchets DEEE on saura
immĂ©diatement, Ă travers la lecture des Ă©tiquettes Ă©lectroniques, oĂč stocker ces produits et oĂč
les recycler.
2.2 LâhypothĂšse sur lâinnovation technologique, pour amĂ©liorer lâefficacitĂ© Ă©nergĂ©tique
Serons-nous sauvĂ©s par les TIC ? LâĂ©tude Smart 2020
25
, souvent citée, soutient que les
TIC polluent, certes, mais quâelles reprĂ©sentent aussi le meilleur moyen pour tous les autres
secteurs d'activitĂ© de rĂ©duire leurs Ă©missions de CO2. LâOCDE soutient que lâinnovation et la
technologie (TIC, Internet..) jouent un rÎle crucial dans une « nouvelle » croissance (OCDE
2000). Le Syntec ne publie plus son livre blanc mais ses livres « verts »
26
.
La premiĂšre hypothĂšse possible est lâoptimisation de lâexistant. Le remplacement des
technologies traditionnelles par des TIC permet des réductions de la quantité de ressources
physiques consommée (Faucheux et al, 2001) : en substituant des composants électroniques
aux composants mécaniques, les produits deviennent plus légers, plus petits et moins
polluants (musique, photographie digitale, ampoules fluorescentes, contrĂŽle des chaudiĂšres
par microprocesseurs âŠ). La plus grande partie des Ă©missions de CO2 dues Ă lâhomme est
25
http://www.smart2020.org/
26
http://www.syntec-informatique.fr/
15
imputable Ă la production dâĂ©lectricitĂ© et aux transports : les TIC offrent la possibilitĂ©
dâaccroĂźtre le rendement Ă©nergĂ©tique de lâinfrastructure de transmission et de distribution de
lâĂ©lectricitĂ© dans les bĂątiments, les usines et les rĂ©seaux de distribution des marchandises.
Avec les technologies de fixation ou dâenfouissement de CO2, de photosynthĂšse artificielle,
lâintroduction dâespĂšces de plantes agricoles rĂ©sistantes Ă la sĂ©cheresse et au sel⊠les TIC
sont de plus en plus appliquĂ©es dans lâamĂ©lioration de lâefficacitĂ© Ă©nergĂ©tique traditionnelle.
La deuxiĂšme hypothĂšse possible est le changement des usages. Avec les systĂšmes
dâorganisation performants, les TIC ont un rĂŽle Ă jouer dans le « just in time », le « just for
you » et le « just enough » ( banques en ligne, réduction du stockage, location des téléphones
ou des textiles professionnels, intermodalité des moyens de transport complémentaires,
terminaux de bord âŠ).
Pourtant le rapport du GIEC-ICCP dĂ©montre clairement que lâinnovation
technologique ne pourra pas ĂȘtre, Ă elle seule, une rĂ©ponse Ă lâhorizon 2100
(
http://www.ipcc.ch/
). L'équation de Kaya
27
joue un rĂŽle central dans le travail du GIEC, car
elle permet de bien poser le problĂšme.
Le niveau total d'émission de CO2 peut s'exprimer comme le produit de quatre
facteurs : l'intensité d'émission de CO2 par unité d'énergie, l'intensité énergétique par unité de
PIB, le PIB par habitant, la population P :
Total CO2 = CO2/TEP * TEP/PIB * PIB/P * P
Sachant que l'on ne peut pas filtrer l'atmosphÚre pour en enlever le gaz déjà émis, il
faudra diviser par deux la production de CO2, pour simplement cesser d'enrichir
l'atmosphĂšre en gaz carbonique, et ceci avant 2050 pour Ă©viter un rĂ©chauffement supĂ©rieur Ă
3°. ConsidĂ©rant quâil est difficile de diviser la population par 2 (chute d'un mĂ©tĂ©orite, guerre
nucléaire, épidémie massive⊠ou bien plus probablement 9 milliards de personnes en 2050),
on en déduit les contraintes qui pÚsent sur les trois autres variables « libres », qui devraient
donc alors ĂȘtre divisĂ©es par 3 : consommation Ă©nergĂ©tique mondiale, techniques de production
d'énergie et PIB.
Diviser la production par habitant (PIB/P) par 3 ? Difficile Ă croire, alors que les
Ă©conomistes hurlent dĂ©jĂ quand la croissance sâapproche de 0%, et que la Chine et lâInde
sâĂ©quipent en automobiles. MĂȘme avec une croissance « sĂ©lective » limitĂ©e Ă 2% par an du
PIB par habitant, le reste des deux autres facteurs de la partie droite de lâĂ©quation (qui
correspondent au contenu en CO2 de l'Ă©conomie) doit donc maintenant ĂȘtre divisĂ© par 9.
Les TIC peuvent-elles diviser par 9 le contenu en CO2 de l'économie? Le terme
TEP/PIB représente tout ce que les TIC peuvent faire pour proposer des voitures propres, des
maisons plus Ă©conomes.. câest lâefficacitĂ© Ă©nergĂ©tique (mais les progrĂšs faits par exemple en
15 ans sur les moteurs de voiture ont été complÚtement annulés par le fait que les gens ont
acheté des voitures plus confortables, climatisées et plus puissantes). Quand au terme
CO2/TEP il reprĂ©sente tout ce que les TIC peuvent faire pour baisser « lâintensitĂ© en
carbone » de l'Ă©nergie, mais elle devrait alors perdre 75% du carbone dâici 2050, en
multipliant par 7 lâapprovisionnement en provenance des Ă©nergies renouvelables (bois,
27
http://www.manicore.com/documentation/serre/kaya.html
la rumeur attribue cette présentation (qui
nâest pas Ă proprement parler une Ă©quation, au professeur japonais Kaya, chercheur connu pour les questions de
politique énergétique.
16
hydroélectricité, éolien, solaire) ou en provenance du nucléaire (soit de 6 à 10 fois le parc
actuel de 450 rĂ©acteursâŠ!).
On comprend que lâinnovation technologique ne pourra pas ĂȘtre, Ă elle seule, la
réponse
28
. Le rapport « TIC et Développement durable » le reconnaßt (Breuil 2008) : si,
globalement, les TIC ont un apport positif pour la réduction des émissions de gaz à effet de
serre (Ă©quivalents CO2), il est extrĂȘmement difficile de quantifier avec prĂ©cision cet apport.
Les TIC pourraient permettre dâĂ©conomiser de 1 Ă 4 fois leurs propres Ă©missions, et les
secteurs du transport et du bùtiment réduiront « probablement » leurs émissions grùce aux
TIC.
La démonstration est claire : les TIC ne sauveront pas la planÚte à elles seules, elles
devront sâaccompagner de profondes mutations des modes de vie et il faudra agir sur tous les
facteurs. La décroissance du PIB sera donc trÚs difficile à éviter, non par idéologie mais parce
que le monde est fini. MĂȘme si nous la refusons, pouvons nous l'Ă©viter? Il serait alors sans
doute urgent d'oublier le PIB pour garder espoir.
29
: on reparle aujourdâhui beaucoup de
lâIDH, lâindicateur de dĂ©veloppement humain calculĂ© par les Nations unies depuis 1990, ou
du BNB lâindicateur bonheur national brut, proposĂ© par lâexotique Bouthan depuis 1972âŠ
2.3. LâhypothĂšse sur le rĂŽle du rĂ©seau Internet, pour la mobilisation des citoyens.
Au-delà de la numérisation et du calcul, au delà des innovations possibles pour
augmenter lâefficacitĂ© Ă©nergĂ©tique, la connexion gĂ©nĂ©ralisĂ©e par le rĂ©seau Internet est le
troisiĂšme aspect des T.I.C. qui peut avoir un rĂŽle positif, sur la mobilisation des citoyens et le
contrĂŽle vigilant par certaines ONG. Les T.I.C. ne sont pas seulement des infrastructures de
communication vĂ©hiculant des contenus, mais aussi des espaces de relations oĂč sâimpliquent
des acteurs.
Internet est ainsi un réseau de vigilance accessible à tous les citoyens, une source
dâinformation pour les mĂ©dia, un rĂ©seau surveillance des sites Ă risque, un rĂ©seau de
dénonciation des institutions qui dérogent à leurs responsabilités environnementales, un outil
de diffusion pour la formation des citoyens, des entreprises et des administrations⊠Sur le
site de Greenpeace, on trouve par exemple des pétitions et de nombreuses contributions :
« Stoppons le commerce du bois illégal en Europe », « Pour une informatique plus verte »,
« Lancez votre défi à l'industrie », etc. Pour les ONG altermondialistes comme pour les ONG
de dĂ©fense de lâenvironnement, Internet est devenu un outil de mobilisation (mais aussi des
mĂ©dias comme les terminaux mobiles, les radios spĂ©cialisĂ©esâŠ), depuis les portails citoyens
de proximitĂ© jusquâaux grands rendez-vous mondiaux de type Porto Alegre. La convention
28
LâAIE, Agence internationale de lâĂ©nergie, a quand mĂȘme dĂ©veloppĂ© des scĂ©narios de « rĂ©volution
technologique », pour rĂ©duire de 1 Ă 4 les Ă©missions de CO2 Ă lâhorizon 2050: lâefficacitĂ© Ă©nergĂ©tique devrait
alors reprĂ©senter 36% des gains, les Ă©nergies renouvelables 21%, la captation de carbone 19%âŠ
http://www.iea.org/techno/etp/ETP_2008_Exec_Sum_French.pdf
29
Patrick Viveret (2002) « ReconsidĂ©rer la richesse », rapport pour le SecrĂ©tariat dâEtat Ă lâĂ©conomie
solidaire
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/024000191/0000.pdf
Isabelle Cassiers et Géraldine Thiry (2009) « Au-delà du PIB », Regards économiques n°75, dec 2099
http://sites.uclouvain.be/econ/Regards/Archives/RE075.pdf
J. Stiglitz, A. Sen, JP Fitoussi (2009) Rapport de la Commission sur la mesure de la performance
économique et du progrÚs social
www.stiglitz-sen-fitoussi.fr/documents/rapport_francais.pdf
17
dâAahrus, signĂ©e en 1998 par 39 Ătats, porte sur lâaccĂšs Ă lâinformation, la participation du
public au processus dĂ©cisionnel et lâaccĂšs Ă la justice en matiĂšre dâenvironnement. Ses
directives stipulent que toute collectivité (dont les Etats) doit donner l'information qu'elle
détient en matiÚre d'environnement à toute personne qui en fait la demande : au delà de la
prise de conscience collective, les T.I.C. au service de lâaction stratĂ©gique âŠ.. ?
Avec l'Internet de deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration (Web 2.0) il ne sâagit plus seulement d'Ăźlots
d'informations isolĂ©es, mais dâune plate-forme d'Ă©changes entre les utilisateurs grĂące Ă des
services collaboratifs : blogs, wikis, réseaux sociaux numériques⊠En l'absence d'un véritable
modÚle alternatif et en marge du monde politique de la démocratie représentative, un
mouvement d'expĂ©rimentation sociale se met en place. Il ne sâagit pas ici de « communautĂ©s
de pratiques » fondĂ©es sur lâintĂ©rĂȘt commun, mais de lâInternet citoyen, militant, qui permet
de « faire face collectivement » sur le principe associatif
30
, en allant au-delĂ du contrat et en
s'associant de maniĂšre souple sur des projets communs, et en remettant en cause les deux
convictions qui conduisent aujourdâhui Ă une impasse : la conviction quâon trouvera toujours
un prix et un marché à quelque bien que ce soit (la marchandisation sans limite : des biens
collectifs aux brevets sur le vivantâŠ) et la conviction que tout ce qui est techniquement
possible doit de toute façon ĂȘtre dĂ©veloppĂ© (la technoscience sans limite : des OGM aux
nanotechnologiesâŠ).
Conclusion de cette deuxiĂšme analyse : les T.I.C. ne pourront pas ĂȘtre, Ă elles seules
une rĂ©ponse aux dĂ©fis Ă©cologiques. Mais lâinformatique favorise les simulations et la
connaissance de lâenvironnement, lâinnovation technologique peut amĂ©liorer lâefficacitĂ©
énergétique, et Internet peut permettre une mobilisation des acteurs.
3.
LA RESPONSABILITE SOCIALE DES T.I.C. : LE JEU DU « RESPONSABLE,
MAIS PAS COUPABLE »
Hans Jonas, dans « Le Principe responsabilité » (1979, traduction française 1990)
propose : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence
dâune vie authentiquement humaine sur terre ». D'aprĂšs Jonas, le nouveau pouvoir confĂ©rĂ© Ă
l'homme par la technoscience constitue un problÚme auquel doit répondre une nouvelle forme
de responsabilité, individuelle et collective, que tout homme est tenu d'exercer, interdisant
d'entreprendre toute action pouvant mettre en danger soit l'existence des générations futures,
soit la qualité de l'existence future sur terre. Depuis 1979 ce principe de responsabilité a été
largement décliné, aussi bien au niveau académique (dans Google Scholar le terme RSE
renvoie Ă 3.780 publications, et le terme CSR en donne 203.000) quâau niveau du dĂ©bat
politique (avec les débats sur le principe de précaution, sur le principe de prévention, sur le
principe polluer-payeurâŠ).
Mais responsable nâest pas coupable, on se souvient de cette expression dĂ©sormais
cĂ©lĂšbre depuis le scandale de lâaffaire du sang contaminĂ©. Et on peut considĂ©rer que
lâinstitutionnalisation de la « responsabilitĂ© sociale » (mise en avant par exemple aujourdâhui
dans le projet de norme IS0 26000 ou dans la confĂ©rence de Copenhague 2009âŠ) donne lieu
à un véritable « jeu » entre trois niveaux de responsabilité : celle des entreprises, celle des
gouvernants et celle des utilisateurs
31
. Dans ce jeu du « responsable mais pas coupable »
30
« DĂ©veloppement durable 2.0, lâInternet peut-il sauver la planĂšte ? » Gilles Berhault, Editions de
lâAube (2009)
31
Il pourrait sembler trop simpliste de se limiter Ă trois niveaux : Quelles entreprises ? (multinationales,
industrielles, PMEâŠ). Quels gouvernants ? (Etats, organisations intergouvernementales, collectivitĂ©s âŠ) Quels
18
peuvent alors se représenter les relations entre la RSE (la responsabilité sociale des
entreprises), la RSP (la responsabilité sociale politique) et la RSI (la responsabilité sociale
individuelle) comme une sorte de jeu du mistigri, oĂč il sâagirait de se dĂ©barrasser de la carte
« coupable » (Figure 1). La responsabilité sociale se joue alors dans trois espaces de
problÚmes : entre gouvernants et individus celui de la démocratie (Flipo 2005), entre
entreprises et gouvernants celui de la régulation (Bodet et al.2007), entre entreprises et
individus celui de la justification (Dhaouadi et al. 2007).
Figure 1. Responsabilité sociale : le jeu du « responsable mais pas coupable »
3.2.
La RSE, Responsabilité Sociale des Entreprises
La notion de ResponsabilitĂ© Sociale de lâEntreprise (RSE) est trĂšs fortement liĂ©e Ă la
notion de développement durable (DD). Capron et Quareil-Lanoizelée (2004) débutent leur
ouvrage sur la RSE en rappelant que le concept dâentreprise responsable provient des Nations
Unies, soulignant que « les entreprises ont un rĂŽle Ă jouer dans lâobtention dâun
dĂ©veloppement durable et quâelles peuvent gĂ©rer leurs opĂ©rations de maniĂšre Ă stimuler la
croissance économique et renforcer la compétitivité tout en garantissant la protection de
lâenvironnement et en promouvant la responsabilitĂ© sociale ». On entre de plein pied dans
lâidĂ©ologie commune Ă la RSE et au DD : il est possible et souhaitable dâassurer la durabilitĂ©
dâun systĂšme Ă©conomique basĂ© sur la croissance, tout en assurant la durabilitĂ©
utilisateurs ? (Individus, ONG, associationsâŠ). Mais la question nâest pas ici celle de bien cerner les diffĂ©rents
« acteurs », elle est celle de bien caractériser les trois « niveaux » de responsabilité.
RSP
la responsabilité sociale politique
Je suis responsable des rĂšgles formelles et de lâintĂ©rĂȘt
gĂ©nĂ©ral (Kyoto, Grenelle 2, CopenhagueâŠ) mais pas
coupable de « vos » comportements
RSE
la responsabilité sociale des entreprises
Je suis responsable de mes engagements (chartes
dâentreprise, codes de conduites, reporting, certificationâŠ),
mais pas coupable de « votre » systÚme capitaliste financier
RSI
la responsabilité sociale individuelle
Je suis responsable de mes comportements (je trie ma
poubelle), mais pas coupable de « votre » société de
consommation
« Le mode de vie américain
nâest pas nĂ©gociable » (G.
Bush Sr, 1992)
Les entreprises sont légitimités par leur
recherche de pratiques éthiques
Les entreprises sont légitimes pour
assurer le rĂŽle dâĂ©valuation et lâauto-
régulation
Il y a trop dâasymĂ©trie dâinformation,
et il nây a pas de sanctions
Il nây a pas de reconnaissance des
représentants (associations, ONG,
syndicats..)
« Nous avons besoin dâun nouveau
Bretton Woods » (N. Sarkozy, 2010)
Quelle démocratie?
Quelle justification?
Quelle régulation?
19
environnementale et sociale
32
: polluer un peu moins, pour polluer plus longtemps ? Un peu
de croissance pollue, beaucoup de croissance dépollue ?
Aujourd'hui toutes les entreprises du secteur TIC disent sâintĂ©resser aux questions
Ă©cologiques, et pour Ă©viter lâaccusation de greenwashing on voit fleurir chaque annĂ©e de
« nouveaux » concepts : Green IT 1.0, Green IT 1.5, Green IT 2.0, TIC vertes, informatique
responsable, eco-responsables, eco-conception
33
⊠Les entreprises adoptent des chartes de
bonne conduite et définissent leurs normes internationales en matiÚre de RSE (Global e-
Sustainability Initiative (GeSI) lancĂ©e en 2001 avec lâappui de lâUIT, Global Reporting
Initiative, Global Compact, Computer Professionals for Social Responsibility âŠ).
Lâassociation Green Grid qui regroupe par exemple 180 grandes entreprises du secteur
(AMD, Cisco, Google, HP, Intel, Yahoo, Ebay, Microsoft, Sun, VmwareâŠ) a dĂ©finit un
programme Data Center 2.0 pour optimiser le rendement énergétique des centres de données.
Cisco, autre exemple, promet de rĂ©duire de 25 % son empreinte CO2 dâici 2012. De nouveaux
indicateurs sont déjà proposés par les principaux éditeurs des ERP : solutions SAP pour la
gestion de la gouvernance, des risques et de la conformité (GRC), solutions SAS
Sustainability Management âŠ
Pourtant on peut noter que ce nouvel engouement des managers ne semble pas se
révéler dans la façon dont les entreprises achÚtent leurs équipements informatiques. Une étude
réalisée auprÚs de 124 sociétés aux Etats-Unis et en Europe
34
, montre ainsi que « bien que
85% des entreprises affirment que les facteurs environnementaux sont importants dans la
planification des opérations informatiques, seules un quart d'entre elles déclarent avoir inclus
des critÚres écologiques dans ses processus d'achat ». Pourtant encore, et contrairement au
principe affichĂ© dâun Ă©quilibre entre les trois dimensions Ă©conomique, environnementale et
humaine (le « Triple Bottom Line » de la RSE, Pensel 2008), le domaine des TIC ne saurait
ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un exemple en matiĂšre de responsabilitĂ© humaine : pratique du
offshoring vers des pays proches ou lointains, pratique du body shopping avec lâenvoi
dâingĂ©nieurs indiens sur les sites des clients aux USA ⊠Pourtant enfin, et bien que la loi
NRE demande aux entreprises de répondre de leur conduite et de mener une réflexion quant
aux conséquences sociales, économiques et environnementales de leurs actions, un rapport
publiĂ© par lâONG Christian Aid
35
est trĂšs critique sur les pratiques de communication sur la
RSE, Ă©nonçant le risque que la RSE finisse par ne plus ĂȘtre quâune branche des Directions de
la Communication et des Relations publiques. Et lâĂ©tude de Vitari et al. (2008) a montrĂ© quâen
ce qui concerne les grandes entreprises, et malgré la disponibilité des T.I.C. de nouvelle
gĂ©nĂ©ration, la communication RSE reste encore une vitrine peu propice aux dĂ©bats et Ă
lâinteractivitĂ©.
Au-delĂ dâun simple bilan sur un comportement plus ou moins Ă©thique des entreprises,
la RSE sâest aujourdâhui constituĂ©e en vĂ©ritable concept dans les sciences de gestion
(ADERSE
36
, RIODD
37
). Trois options sont alors repérables :
32
Voir par exemple pour les TIC le rapport du Cigref (2009) sur « Les systĂšmes dâinformation Ă©co-
responsables » : des outils dâauto Ă©valuation pour les entreprises et un guide des bonnes pratiques.
33
Compte-rendu de la conférence G9+ « Green IT 1.0, 1.5 et 2.0 ou comment les NTIC peuvent-elles
aider Ă baisser lâempreinte Ă©cologique : le nouveau business du green IT » http://www.g9plus.org/
34
EnquĂȘte Forrester : http://www.itrmanager.com/articles/64840/64840.html
35
http://www.christian-aid.org.uk/indepth/0401csr/index.htm
36
Association pour le DĂ©veloppement de lâEnseignement et de la Recherche sur la ResponsabilitĂ© Sociale de lâEntreprise,
www.aderse.org
37
Réseau International de Recherche sur les Organisations et le Développement Durable, www.riodd.org
20
- une vision managĂ©riale contractualiste centrĂ©e sur lâentreprise elle-mĂȘme et
lâapproche par les parties prenantes (voir par exemple DĂ©jean et al. 2004, et pour une critique
Cazal 2009) ;
- une vision sociologique constructiviste centrée sur les relations entreprises/individus
et lâapproche par les conventions ou les discours de justification (voir par exemple Persais
2007) ;
- enfin une vision économique critique centrée sur les relations entreprises/état et
basée sur la théorie de la régulation (voir par exemple Bodet et al. 2007).
Au-delà du greenwashing, le débat sur la RSE offre donc de nouvelles pistes de
recherche aux chercheurs en SystĂšmes dâInformation, pour comprendre et dĂ©passer le jeu du
« responsable mais pas coupable ». Les problématiques concrÚtes sont nombreuses sur les
relations RSE-RSP et RSE-RSI : Quels pourraient ĂȘtre les outils de mesure dâune
informatique responsable ? Quelle limite pour lâobsolescence des produits ? En quoi le
principe pollueur-payeur peut-il modifier la conception des produits ? Quelle est la
responsabilitĂ© de lâoffre par rapport Ă celle de la demande ? Quelle protection des droits
dâauteurs ? Quelle traçabilitĂ©, pour les produits comme pour les personnes ? Quelle protection
pour les données personnelles ? etc..
On voit que toutes ces problĂ©matiques devront sâappuyer sur un effort de diversification
théorique. AprÚs la période du développement des S.I., la problématique principale de la
recherche en systĂšmes dâinformation est devenue celle du contrĂŽle et notamment de
lâĂ©valuation, trĂšs liĂ©e Ă lâĂ©volution technologique : comment les S.I. peuvent-ils contribuer Ă
amĂ©liorer la performance de lâorganisation? Le paradigme positiviste ou fonctionnaliste est
donc encore largement dominant, or il sâagit aujourdâhui de prendre en considĂ©ration les
demandes sociales, environnementales et politiques. Dâautres bases thĂ©oriques seront donc Ă
utiliser : approche contractualiste par les parties prenantes, approche constructiviste par la
théorie des conventions, approche économique par la théorie de la régulation, approche
foucaldienne du savoir-pouvoir et de la discipline (Dhaoudi et al. 2007)âŠ
3.3.
La RSP, Responsabilité Sociale Politique
Pour Habermas (2000), un nouveau régime de gouvernance globale apparaßt
aujourdâhui dans le passage dâun rĂ©gime de lĂ©gitimation forte Ă un rĂ©gime de lĂ©gitimation
faible. Dans le premier cas (lĂ©gitimation forte) les diffĂ©rents partenaires dâun Etat-nation
traditionnel pouvaient compter sur leur expérience antérieure des motivations et des
préférences des autres partenaires pour interpréter celles-ci et fonder leur confiance : police,
justice, santĂ©, enseignementâŠ. Dans le deuxiĂšme cas (lĂ©gitimation faible) cette rĂ©fĂ©rence au
monde vécu commun est impossible. Il est alors indispensable de créer la confiance sur une
autre base, en extrapolant les « nouveaux mondes communs » (écologie, aménagement du
territoire, InternetâŠ) Ă partir des expĂ©riences acquises dans de nouveaux rĂ©gimes de
nĂ©gociation : chacun doit avoir accĂšs aux informations, doit ĂȘtre associĂ© au processus
dâĂ©laboration des projets, et chaque dĂ©cision doit pouvoir ĂȘtre rĂ©versible.
La tentation de constituer une légitimation forte des Etats dans le domaine des TIC est
manifeste dans le discours sur la « sociĂ©tĂ© de lâinformation ». Le concept de sociĂ©tĂ© de
lâinformation a Ă©tĂ© prĂ©parĂ© depuis la fin de la deuxiĂšme guerre mondiale par tout un travail de
fond de militaires, de scientifiques, dâindustriels et dâintellectuels (Mattelart 2003), et il a
acquis aujourdâhui un caractĂšre dâĂ©vidence dans les organisations internationales, sans
vĂ©ritable dĂ©bat. Le dĂ©mantĂšlement dâATT en 1984 par lâadministration Reagan a donnĂ© le
coup dâenvoi aux rĂ©seaux transfrontiĂšres et Ă la dĂ©rĂ©glementation des services publics. En
21
1998, lâaccord de lâOMC a consacrĂ© lâouverture des marchĂ©s des tĂ©lĂ©coms. En 1994, le projet
dâautoroutes globales de lâinformation est lancĂ© par lâadministration Clinton, en 2000 le
sommet du G8 à Okinawa a lancé finalement une charte de la « société globale de
lâinformation » (mĂȘme si le tiers de lâhumanitĂ© ne dispose toujours pas dâĂ©lectricitĂ©âŠ). Câest
alors « tout naturellement » que lâONU a confiĂ© le pilotage du SMSI, le Sommet Mondial de
la SociĂ©tĂ© de lâInformation Ă GenĂšve en 2003 puis Ă Tunis en 2005, Ă lâUIT, agence de lâONU
représentante de la vision technique des Télécommunications (autour des maßtres
mots : Autoroutes de lâinformation, Nouvelle Ă©conomie, Globalisation, Logique de lâaccĂšs,
Marchandisation, DĂ©rĂ©glementationâŠ) et non pas Ă lâUNESCO, autre agence de lâONU
compĂ©tente pour « lâinformation et pour la communication » (mais plus politique, plus
sensible au respect des droits humains, aux impératifs de culture et de coopération, moins
axĂ©e sur les intĂ©rĂȘts des opĂ©rateurs privĂ©s et le libre exercice des rĂšgles du marché⊠et qui
prĂ©fĂšre parler des SociĂ©tĂ©s du savoir, plutĂŽt que de la SociĂ©tĂ© de lâinformation).
La tentation de constituer une lĂ©gitimation forte de lâEtat dans le domaine de
lâĂ©cologie est aussi manifeste dans les discours sur le « dĂ©veloppement durable » (Rodhain et
al. 2005). De Rivero (2003) explique comment le développement, relayé par le pouvoir
mĂ©diatique, le pouvoir scientiste, et par la domination idĂ©ologique de lâOccident, sâest imposĂ©
progressivement comme lâobjectif Ă atteindre pour tous les peuples de la planĂšte. DerriĂšre la
poursuite du développement se profile la marchandisation des activités sociales, le salariat, et
le modÚle occidental. En un mot, comme le dit Serge Latouche (1989), le développement
câest lâoccidentalisation du monde. Rahnema (2003) soutient ainsi que, dans les pays du Sud,
câest aujourdâhui la misĂšre qui chasse la pauvretĂ©. Avec le dĂ©veloppement, la diffusion de
besoins socialement fabriqués
sâaccĂ©lĂšre. Le poids des mĂ©dias, du tourisme de masse, et la
pression exercée par le modÚle occidental, imposent une véritable domination symbolique et
donc une volontĂ© incontrĂŽlĂ©e dâaccession Ă la consommation
38
. Certains pourront certes y
accĂ©der, mais dâautres en seront exclus et ceux-lĂ connaĂźtront alors non plus la pauvretĂ© mais
la misĂšre. MisĂšre matĂ©rielle dâabord, mais aussi misĂšre sociale, puisque les autres sâĂ©carteront
dâeux pour rentrer dans des logiques de consommation et dâaccumulation : croissance des
inĂ©galitĂ©s, frustrationsâŠ. Selon Klaus Toepfer, directeur exĂ©cutif du Programme des Nations
Unies pour lâEnvironnement (PNUE), la situation est telle que nous la connaissons Ă cause de
la priorité donnée au marché par les dirigeants de la planÚte (Dumont 1988). Il appelle, ainsi
que les 1.100 scientifiques ayant publiĂ© un rapport de lâONU (2003), Ă ce que les marchĂ©s
deviennent secondaires Ă lâhomme et Ă la nature. Devant cette crise Ă©cologique, Ă©conomique
et sociale, le concept de Développement Durable a été récupéré par toutes les institutions
politiques. Le dĂ©veloppement tel quâil est pratiquĂ© Ă©tant par essence non durable, lui accoler
le mot « durable » devient une imposture qui hĂ©risse nombre dâĂ©cologistes, dâactivistes,
dâintellectuels et mĂȘmes dâanciens hauts fonctionnaires dâinstitutions internationales telles
que la Banque Mondiale ou mĂȘme le FMI. Le qualificatif durable attachĂ© au mot
dĂ©veloppement nâest-il pas une façon de ne pas sâinterroger sur lâurgence ? Ce nouveau
concept apparaĂźt finalement comme une aubaine, dans la mesure oĂč il permet de faire
lâĂ©conomie des interrogations, et de ce qui prĂ©cisĂ©ment devrait ĂȘtre mis en dĂ©bat : le
dĂ©veloppement lui-mĂȘme. Le DD apparaĂźt comme une stratĂ©gie pour que tout continue
comme avant. Selon Serge Latouche (2004), quand on parle de développement durable « on a
affaire Ă une monstruositĂ© verbale du fait de lâantinomie mystificatrice de lâexpression »
(p.51).
38
Claude Llena « Tozeur, ravagée par le tourisme »
http://www.monde-diplomatique.fr/2004/07/LLENA/11308
22
Pourtant, Ă lâopposĂ© de ces tentatives de lĂ©gitimation forte du politique Ă travers les
discours sur la sociĂ©tĂ© de lâinformation et le dĂ©veloppement durable
39
, des signes apparaissent
montrant quâun rĂ©gime de lĂ©gitimation faible, basĂ© sur les expĂ©riences acquises dans de
nouveaux régimes de négociation, pourrait redéfinir les rapports de responsabilité entre les
niveaux politique, individuel et entreprise : commandes publiques se référant à des normes
vertes, participation dans les instances internationales de normalisation ou de régulation
(comme le forum sur la gouvernance dâInternet FGI
40
), promotion dâune maquette numĂ©rique
normalisée des bùtiments et des quartiers pour un urbanisme négocié (Petit et al. 2009), débat
publics sur les outils de mesure des empreintes (Ă©cologique, carbone, eauâŠ
41
), fixation
d'exigences en matiÚre d'éco-conception des produits consommateurs d'énergie
42
, réflexions
intergouvernementales sur les emplois verts
43
, remise en cause du PIB comme outil de
mesure de performance Ă©conomique (IDH, BNB, BIP 40âŠ), etc. Le long processus de
nĂ©gociation sur la norme ISO-26000 est un exemple actuel de ces rĂ©gimes de nĂ©gociation oĂč
se redĂ©finissent le rapport de dĂ©mocratie et le rapport de rĂ©gulation. Projet nĂ© en 2001 Ă
lâinitiative des organisations de consommateurs, la norme ISO-26000 devrait ĂȘtre publiĂ©e en
2010, ce sera la premiÚre norme internationale non technique sur la responsabilité sociétale
des organisations. Le processus de normalisation (Groupe consultatif stratégique, conférence
de Stockholm en 2004, six groupes de travail, jumelage Nord-Sud Ă tous les niveaux,
association avec lâOIT et lâONU..) repose sur le principe dâun consensus entre les six parties
prenantes (consommateurs, industries, gouvernements de 90 pays, organisations syndicales,
ONG et SSRO Service, études, recherches et autres). Contrairement aux plus de 15.000
normes et standards produites par l'ISO, ISO-26000 ne sera pas « certifiable », on ne parle ici
que de lignes directrices et dâun ensemble de recommandations. Les diffĂ©rentes
méthodologies d'évaluation et de reconnaissance qui ne manqueront pas de naßtre risquent de
faire perdre une cohérence souhaitable, mais on peut y voir une nouvelle forme de RSP : Les
gouvernements sâen saisiront-ils pour inspirer pour leur lĂ©gislation ? Les entreprises mettant
en Ćuvre les lignes directrices les verront-elles comme un avantage concurrentiel ? Les
groupes de la sociĂ©tĂ© civile sâen serviront-ils pour formuler leurs revendications ?
Le principe de légitimation faible des Etats-nations est une justification théorique de la
valorisation systématique des expériences sociales, de la négociation continue sur ces
expĂ©riences et dâune rĂ©versibilitĂ© de toutes les dĂ©cisions prises. Pour les chercheurs en
SystĂšmes dâInformation, les problĂ©matiques concrĂštes sont alors nombreuses dans les
relations RSP-RSE et RSP-RSI : Le développement des T.I.C. est-il une nouvelle forme de
colonisation du monde ? Quelle rĂ©gulation dâInternet, partagĂ©e par les diffĂ©rents acteurs ?
Peut-on breveter le savoir ? Quelle protection des droits dâauteurs ? Quelles relations entre
marché et normalisation ? Un capitalisme écocompatible est-il théoriquement concevable et
pratiquement possible? .Quelle place pour les communautés du logiciel libre ? Comment
comptabiliser les « dĂ©sĂ©conomies externes » (dommages engendrĂ©s par lâactivitĂ© dâun agent
qui en rejette le coĂ»t sur la collectivitĂ©) ? Quelle place pour lâexception culturelle par rapport
39
Malgré le « Forum multi parties prenantes » ouvert en 2002, la commission européenne a adopté en
mars 2006 une communication considérant que la RSE relÚve exclusivement de pratiques volontaires des
entreprises, rejetant le principe dâune intervention rĂ©glementaire et dĂ©niant la compĂ©tence des parties prenantes
(Michel Capron, Le Monde économie, 19 mars 2006)
40
voir par exemple
http://www.voxinternet.org/
http://isoc.fr/
41
http://www.footprintnetwork.org/
42
Directive
2005/32/CE
du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 2005
43
« Emplois verts : Pour un travail décent dans un monde durable, à faibles émissions de carbone »
PNUE 2008
www.unep.org
23
Ă la dĂ©rĂ©glementation ? Les initiatives locales dĂ©mocratiques sont-elles plus rĂ©alistes quâune
dĂ©mocratie mondiale ? âŠ
Ces problĂ©matiques de la RSP, et les relations RSP-RSE, devront sâappuyer sur un
effort de diversification théorique : approche critique de la notion de développement
(Latouche 2005), approche critique de la modernité (Giddens 1991), approche par une théorie
du don et de lâĂ©change qualitatif (la gratuitĂ© de Sagot-Duvauroux, 1995, les biens relationnels
de Mauro BonaĂŻuti, 2003), approche de lâĂ©conomie non-rivale (Gensollen 2004)âŠ
3.1. La RSI, Responsabilité Sociale Individuelle
Le dĂ©terminisme technologique nâa jamais existĂ©. La technologie nâest pas
« intrinsÚquement » écologique ou non écologique. On ne peut pas attribuer de valeur positive
ou nĂ©gative Ă lâobjet ; tout dĂ©pend de lâutilisation qui en est faite. Les T.I.C. nâont pas, pour
lâinstant, contribuĂ© Ă construire un monde plus respectueux de lâenvironnement, mais la
recherche doit se centrer sur lâacteur, sur lâusage (qui est toujours une sorte de dĂ©tournement)
et non pas seulement sur lâobjet. Non seulement les analyses techniques de cycles de vie
(AVC) posent des problÚmes de périmÚtre permettant de décompter les différents impacts et
de pondération entre ces différents impacts, mais ces débats techniques ont aussi pour effet de
masquer toute responsabilité individuelle. Résultat : les appareils présentés comme « verts »
ne suscitent guĂšre d'engouement massif
44
. Quelles que soient les progrĂšs permis par
lÂŽinnovation technologique, ce sont les comportements et les usages responsables des T.I.C.
qui auront un impact important sur lÂŽenvironnement.
Lâabsence de dĂ©terminisme technologique sâexplique notamment avec lâeffet rebond,
ou effet boomerang, qui montre que les performances accrues par les progrĂšs techniques
aboutissent souvent Ă une augmentation de la consommation, et rarement Ă sa baisse,
contrairement Ă ce quâon prĂ©voit gĂ©nĂ©ralement. Ainsi un progrĂšs technique permettant de
rĂ©duire la consommation dâessence dâun vĂ©hicule sâaccompagne souvent, dans un deuxiĂšme
temps, dâune augmentation de consommation, la rationalitĂ© « calculatrice » du consommateur
le poussant Ă conduire plus. Lâeffet rebond ne doit son existence quâau comportement des
utilisateurs, qui déterminent leur consommation en fonction des possibilités offertes et non
pas en fonction de leurs besoins réels, dans une société qui valorise ce mode de
fonctionnement. Tant que ce modĂšle sera dominant, il est difficile dâenvisager que les progrĂšs
techniques sâaccompagnent dâune baisse de la consommation pour rĂ©soudre les problĂšmes
écologiques.
En prenant lâexemple de la gestion des dĂ©chets informatiques, une gestion plus
efficiente de ces dĂ©chets risque donc de produire un effet rebond : celui dâaccroĂźtre la
consommation tout en se donnant bonne conscience. Pourquoi limiter sa consommation,
puisquâune fois consommĂ© lâordinateur jetĂ© sera bien recyclĂ© ? La course effrĂ©nĂ©e aux
capacités toujours changeantes des T.I.C. se traduit par une empreinte écologique forte. Que
faire pour diminuer cette empreinte écologique ? Suivre la voie du développement
« durable », en cherchant lâefficience, comme le dĂ©crivent Saar et Thomas (2003) pour la
gestion des déchets ? Ou bien suivre la voie de la « décroissance », en changeant sa
consommation sinon sa maniĂšre de vivre, comme le propose par exemple M. Elgan
45
dans son
plaidoyer pour la revalorisation (par la mise Ă niveau et le marchĂ© de lâoccasion), prenant
ainsi Ă contre-pied les discours sur le recyclage des T.I.C. ? Pour Elgan, recycler pollue,
44
Héraud B., Les marques se mettent au vert, Marketing magazine, n°110, 1er février 2007.
45
http://www.lemondeinformatique.fr/dossiers/imprimer-pourquoi-l-it-viendra-a-l-ecologie-31-page-
3.html
24
nâarrĂȘte pas la production, demande beaucoup de vertu, nâamĂ©liore pas les produits, et incite
au stockage paresseux.
En prenant lâexemple de la consommation dâĂ©nergie, câest toujours le comportement
des utilisateurs quâil faut mettre en avant. On aura beau tenter dâamĂ©liorer les technologies, on
ne changera rien si lâon ne change pas les comportements des utilisateurs, liĂ©s par exemple au
transport. Un calcul est donné par Gard et Keolian (2003), dans leur analyse des différences
de consommation dâĂ©nergie entre une bibliothĂšque traditionnelle et une bibliothĂšque en ligne.
Un article scientifique est en moyenne exploitĂ© 900 fois par des lecteurs : mĂȘme sâil fait des
photocopies, un lecteur voulant minimiser son empreinte écologique devrait choisir le
systĂšme traditionnel, sauf dans le cas oĂč il doit effectuer un dĂ©placement consommateur
dâĂ©nergie pour aller Ă la bibliothĂšque.
Comme le souligne Albert Jacquard (1991), on ne peut continuer Ă consommer de
maniĂšre infinie dans un monde fini. Cette idĂ©e dâune dĂ©croissance de la production et de la
consommation est ancienne. Les mouvements alternatifs des années 1960 en Europe aux
Etats-Unis ont été les premiers à critiquer les dysfonctionnements de la société de
consommation. Par la suite, les travaux de Nicholas Georgescu-Roegen (1970), apparus dans
le contexte du Club de Rome en 1972 et du premier choc pétrolier (1973-1974), ont relancé
cette idée. Statisticien et économiste, Georgescu-Roegen met en avant le concept de « bio-
économie » qui privilégie les équilibres écologiques et sociaux, forgeant une nouvelle
conception des rapports entre les ĂȘtre vivants et la biosphĂšre. Cette vision sâoppose aux thĂšses
prĂ©sentant le monde dâun point de vue exclusivement technique, et dĂ©finissant la nature
comme un stock inĂ©puisable de ressources, susceptible dâabsorber tous les dĂ©chets et de
sâadapter Ă toutes les dĂ©gradations anthropiques.
Au-delĂ du dĂ©terminisme technologique, de nouvelles pistes de recherche sâouvrent
donc aux chercheurs en SystĂšmes dâInformation, pour approfondir le principe de
responsabilité individuelle dans les T.I.C. : Quelles sont les représentations des individus vis-
à -vis des technologies numériques « vertes » ? Comment la notion de modernité peut-elle
Ă©chapper au « tout numĂ©rique » ? Doit-on parler dâutilisation ou dâappropriation ? Peut-il y
avoir une dĂ©finition collective de lâusage et du mĂ©susage ? Quelle est la responsabilitĂ© de la
demande par rapport Ă celle de lâoffre ? Doit-on parler de besoin en information ou de
construction des besoins ? Avons-nous perdu la capacité à nous donner des limites ?
Comment le dĂ©veloppement personnel peut-il inciter Ă faire la part de lâessentiel et du
superflu ? Pensons-nous vraiment rĂ©soudre les problĂšmes dâĂ©ducation par la gĂ©nĂ©ralisation de
lâinformatique et ceux de la communication par les terminaux mobiles ? Quelle est la
responsabilitĂ© des usagers dans la « Netiquette », lâĂ©thique sur le Net ? Doit-on parler de
recyclage ou bien de revalorisation ? Quelle est la part de responsabilité des utilisateurs dans
la défense de la diversité culturelle ? Quelle part de responsabilité pour les associations et des
ONG ?
Et dans ces problématiques de la RSI, comme dans les relations RSI-RSE ou RSI-
RSP, de nouvelles bases théoriques seront là encore à utiliser : approche de la décroissance
(Georgescu-Roegen 1970), approche constructiviste par la théorie des conventions (Persais
2007), approche foucaldienne du savoir-pouvoir et de la discipline (Dhaoudi et al. 2007),
approche de la convivialitĂ© (Illich 1973)âŠ
CONCLUSION
Cet article avait pour but de présenter de nouveaux axes de recherche dans le champ
des SystĂšmes dâInformation et de lâEcologie, en sachant que la littĂ©rature existante dans le
25
champ des S.I. est encore peu développée. Notre premiÚre partie a néanmoins montré le rÎle
plutĂŽt nĂ©gatif des T.I.C. sur lâenvironnement, en rĂ©futant cinq mauvaises hypothĂšses sur le
ZĂ©ro papier, le ZĂ©ro dĂ©placement, lâefficacitĂ© du commerce Ă©lectronique, la consommation
rĂ©duite dâĂ©lectricitĂ© et le ZĂ©ro dĂ©chet. La deuxiĂšme partie a discutĂ© les trois hypothĂšses qui
sont récemment mises en avant sur le rÎle positif des T.I.C. : la préservation de
lâenvironnement, lâefficacitĂ© Ă©nergĂ©tique et la mobilisation des citoyens.
Nous avons alors proposĂ©, dans une troisiĂšme partie, un cadre dâanalyse et trois pistes
de travail pour approfondir la notion de Responsabilité, en représentant les relations entre la
RSE (la responsabilité sociale des entreprises), la RSP (la responsabilité sociale politique) et
la RSI (la responsabilité sociale individuelle).
Il nous semble pour conclure que la responsabilité individuelle est fondamentale, et le
titre de cette communication aurait pu ĂȘtre « De la RSE Ă la RSI ». Les prises de conscience
au niveau politique nâauraient aucun impact sâil nâexiste pas de prise de conscience au niveau
individuel. Si toutes les entrĂ©es (individuelle et collective) doivent ĂȘtre favorisĂ©es pour tenter
dâinverser le cours actuel dâune Ă©conomie irresponsable, il nâen reste pas moins que lâentrĂ©e
individuelle est primordiale, indispensable pour un véritable changement. Aucun changement
nâaurait de sens sans vĂ©ritable prise de conscience individuelle : en fait de changement, on ne
ferait alors quâappliquer des pansements.
On peut alors envisager les questions de recherche sur la responsabilité individuelle,
en rappelant les deux types de changement identifiés par Watzlawick et al. (1975). Ces
chercheurs de la célÚbre école de Palo Alto différencient les faux et les vrais changements.
Dans un changement 1 ça bouge, mais ça ne change pas (comme les heures sur le cadran
dâune montre : on peut effectuer une multitude de changements, et demeurer Ă lâintĂ©rieur du
mĂȘme cadre) : Quelles sont les quantitĂ©s dâĂ©nergie utilisĂ©es par les T.I.C. ? Comment rĂ©duire
lâĂ©nergie utilisĂ©e par les T.I.C. ? Comment utiliser les codes barres pour gĂ©rer plus
efficacement les dĂ©chets ? Comment utiliser du papier recyclĂ© pour lâimpression ? Ces
changements 1 sont inefficaces, parce quâils visent Ă conserver identique la structure du
systĂšme en dysfonctionnement. Le changement 2, quant Ă lui, permet de sortir de la logique
du systĂšme : Comment favoriser un changement dâattitude des utilisateurs ? Comment
rĂ©flĂ©chir Ă la consommation et Ă son impact sur lâenvironnement ? De quel systĂšme
Ă©conomique lâenvironnement peut-il sâaccommoder ? Le dĂ©veloppement des T.I.C. nâest-il
pas une nouvelle forme de colonisation du monde ?
Enfin, pour répondre aux questions de recherche présentées ici, il serait vain de
rechercher les réponses dans une discipline scientifique donnée, et vain également de
demeurer strictement dans les frontiĂšres de lâacadĂ©misme. Sur un tel problĂšme de sociĂ©tĂ©, il
est important de se mobiliser avec les acteurs de terrain et de vulgariser les questionnements
et les résultats des recherches, pour stopper le « camion fou de la modernité » selon
lâexpression dâA. Giddens (1991).
REFERENCES
Berthoud F, Pons J-L, Drezet E. & Louvet V. (2007), « Comment se diriger vers une informatique
durable ? » Actes du JRES, Strasbourg 20 au 23 novembre 2007
Bodet C. et Lamarche T., (2007), « La Responsabilité sociale des entreprises comme innovation
institutionnelle. Une lecture régulationniste », Revue de la régulation, n°1, 2007, Varia,
http://regulation.revues.org/document1283.html.
BonaĂŻuti M. (2003), « A la conquĂȘte des biens relationnels », in Objectif dĂ©croissance, Ă©d. Parangon,
2003.
26
Breuil H, Burette D., FlĂŒry-HĂ©rard B, Cueugniet J, Vignolles D. (2008) Rapport « TIC et
DĂ©veloppement durable », MinistĂšre de lâEcologie, de lâEnergie, du DĂ©veloppement Durable et de
lâAmĂ©nagement du Territoire, MinistĂšre de lâEconomie, de lâIndustrie et de lâEmploi. DĂ©cembre
2008, 96 p.
Button K. et Maggi R. (1974), « Videoconferencing and its implications for transport : An Anglo-
Swiss perspective », Transport Reviews, vol.15, n°1, pp.59-75.
Capron M. et Quairel-LanoizelĂ©e F. (2004), Mythes et rĂ©alitĂ©s de lâentreprise responsable, La
découverte, 251 p.
Cazal D. (2009) « RSE et théorie des parties prenantes :les impasses sociopolitiques et scientifiques du
contractualisme » Papier de recherche du LEM, UMR CNRS 8179
http://clerse2.univ-
lille1.fr/spip/IMG/pdf/axe_1_cazal.pdf
CEC (Commission of the European Communities) (2000), Proposal for a directive of the European
Parliament and of the Council on waste electrical and electronic equipment, Brussels, COM (2000)
347 final, 2000/0158(COD), Brussels.
Cohen N. (2001), « The environmental impacts of e-commerce », Sustainability in the Information
Society, 15
th
International Symposium on Informatics for Environmental Protection, edited by L.M.
Hilty and P.W. Gilgen, Marburg, Metropolis Verlag.
Day L.H. (1973), « An assessment of travel/communications substitutability », Futures, vol.5, n°6,
pp.559-572.
Déjean F., Gond J.P. (2004) « La responsabilité sociétale des entreprises : enjeux stratégiques et
mĂ©thodologies de recherche », Finance ContrĂŽle StratĂ©gie â Volume 7, N° 1, mars 2004, p. 5 â 31.
De Ravignan F. (2003), La faim pourquoi ?, Ed. La découverte. 122 pages.
De Rivero O. (2003), Le mythe du développement, Ed. Enjeux PlanÚte.
DeSanctis G. et Poole M.S. (1994) « Capturing the complexity in advanced technology use: Adaptive
structuration theory », Organization Science, 5(2), 121-147.
Dhaouadi, I., El Akremi, A., Igalens, J. (2007), "La responsabilité sociale de l'entreprise sous l'
éclairage des Critical Management Studies : Vers un nouveau cadre d' analyse de la relation
entrepriseâsociĂ©tĂ©", 18Ăšme CongrĂšs de lâAGRH, 19-20 septembre, Fribourg (Suisse).
Dumont R. (1988), Un monde intolérable. Le libéralisme en question, Ed. Seuil. 282 pages.
Erkman S. (1998), Vers une écologie industrielle, Editions Charles Léopold Mayer, Paris, 152 p.
Faucheux S., Hue C. et Petit O. (2001), NTIC et Environnement: Enjeux, Risques et Opportunités,
www.c3ed.uvsq.fr.
Fichter K. (2003), « E-Commerce. Sorting Out the Environmental Consequences », Journal of
Industrial Ecology, vol.6, n°2, pp.25-41.
Flipo F. (2005) « Le dĂ©veloppement durable est-il lâavenir de la dĂ©mocratie ? » Revue du MAUSS,
décembre 2005, pp. 294-313.
Flipo F., Boutet A., Draetta L. et Deltour F. (2007) Ăcologie des infrastructures numĂ©riques,
Collection mondialisation, hommes et sociétés, Paris, HermÚs Sciences.
Flipo F. , Gossart C., Deltour F., Gourvennec B., Dobré M. Marion Michot M., Berthet L. (2009),
« Technologies numériques et crise environnementale : peut-on croire aux TIC vertes ? » Rapport
Ecotic,
http://etos.it-sudparis.eu/rapports/Rapport_Ecotic.pdf
Gard D. et Keolian G. (2003), « Digital versus Print. Energy Performance in the Selection and Use of
Scholarly Journals », Journal of Industrial Ecology, vol.6, n°2, pp.115-132.
Gartner Group (2006), The IT Industry Is Part of the Climate Change and Sustainability Problem, 7 p.
Gensollen M. (2004), « Ăconomie non-rivale et communautĂ©s d'information », RĂ©seaux, Vol. 22, N°
124.
27
Georgescu-Roegen N. (1970), Demain la décroissance, éd. Sang de la terre, 1995.
Giddens A. (1991), Modernity and Self-Identity, Stanford University Press, 1991.
Greenpeace (2007) « Pour une high-tech responsable »
http://www.greenpeace.org/france/news/guide-
pour-une-high-tech-responsable-avril-2007
Habermas J. (2000), AprĂšs lâEtat-nation. Une nouvelle constellation politique, Ed. Fayard, 157 p.
Jonas H. (1990), Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique (1979) -
traduction française éd. du Cerf 1990.
Harvey A.S. et Taylor M.E. (2000), « Activity settings and travel behaviour: A social contact
perspective », Transportation, vol.27, n°1, pp.53-73.
Hu P.S et Young J., (1999), Summary of travel trends: 1995 Nationwide Personal Transportation
Survey, Report FHWA-PL-00-006, Washington D.C., U.S. Department of Transportation, Federa
Highway Administration.
Huws U. (1999), Material world : The myth of the « weightless economy », in The socialist register,
edited by L.Panitch and C.Leys, voir
www.yorku.ca/socreg/huws99.txt
Jacquard A. (1991), Voici le temps dâun monde fini, Ă©d. Le Seuil.
Illich I. La convivialité, Seuil, Paris 1973
Kitou E. et Horvath A. (2006), âTransportation Choices and Air Pollution Effects of Telework.â J. of
Infrastructure Systems, ASCE, 12(2), pp. 121-134.
Koomey J.G. (2000), Rebuttal to testimony on âKyoto and the Internet: The Energy Implications of
the Digital Economyâ, Berkeley, CA: Energy Analysis Department, Lawrence Berkeley National
Laboratory, August.
Koomey J.G. (2007), âEstimating Total Power Consumption by Servers in the U.S. and the Worldâ,
Standford University, Final Report, 15 février 2007, 27 p.
Laitner J. (2003), « Information Technology and U.S. Energy Consumption. Energy Hog, Productivity
Tool, or Both ? », Journal of Industrial Ecology, vol.6, n°2, pp.13-24.
Latouche S. (1989), Lâoccidentalisation du monde, La DĂ©couverte.
Latouche S. (2004), Survivre au dĂ©veloppement, Ăditions Mille et une nuits, 2004. 127 p.
Latouche S. (2005), « Ecofascisme ou écodémocratie », in Le Monde Diplomatique N° 620.
Novembre.
Lee M. (2002), « LâEtat de la planĂšte 2002 », LâEcologiste, n°8, octobre, pp.25-30.
Loukil F. (2009) « Normalisation et développement durable », De Boeck Université, Innovations
2009/1 - N° 29
Mattelart A. (2003), « Jeter les bases dâune information Ă©thique », Le Monde Diplomatique,
Décembre.
Matthews H.S., Hendrickson C. et Soh D.L. (2001), « Environmental and economic effects of e-
commerce: A case study of book publishing and retail logistics », Transportation Research Record
1763, pp.6-12.
Mokhtarian P. (1988), « An empirical evaluation of the travel impacts of teleconferencing »,
Transportation Research, vol.22A, n°4, pp.283-289.
Mokhtarian P. (2003), « Telecommunications and Travel. The Case for Complementarity », Journal of
Industrial Ecology, vol.6, n°2, pp.43-57.
Nations Unies (2003), The Global Environment Outlook.
OCDE (2000), « Une nouvelle économie ? Transformation du rÎle de l'innovation et des technologies
de l'information dans la croissance », Ăditions OCDE , 2000
28
Pensel J.L. (2008), « Quelles perspectives pour lâInformatique responsable ? » 13 Ăšme CongrĂšs de
lâAIM, dec. 2008, Paris.
Persais E. (2007), « La RSE est-elle une question de convention ? » Revue Française de Gestion n°
172 2007/3
Petit M, Breuil H., Cueugniet J., (2009), Rapport « Développement éco-responsable et TIC » (Detic) »
CGIET,
Conseil
Général
de
l'Industrie,
de
l'Energie
et
des
Technologies
http://www.cgiet.org/index.html
Rahnema M. (2003), Quand la misÚre chasse la pauvreté, Fayard, 320 p.
Ramonet I. (2004), « Une rĂ©gression », Le Monde Diplomatique â ManiĂšre de voir 72 : Le nouveau
capitalisme, pp.6-7.
Rodhain F. et Llena C. (2005), « Changer les mots à défaut de changer les choses ? Le développement
peut-il ĂȘtre durable ? », Actes des 2Ăšmes JournĂ©es de lâAtelier DĂ©veloppement Durable de
lâAssociation Internationale de Management StratĂ©gique (AIMS), Aix-En-Provence, 11 mai, 19 p.
Saar S. et Thomas V. (2003), « Toward Trash That Thinks. Product Tags for Environmental
Management », Journal of Industrial Ecology, vol.6, n°2, pp.133-146.
Sagot-Duvauroux
JL,
(1995),
« Pour
la
gratuité »
Desclée
De
Brouwer
(1995)
http://www.attac.ch/neuchatel/docs/Pour_la_gratuite.pdf
Sola Pool I. (1977), The social impact of the telephone, Cambridge, MA : MIT Press.
TraorĂ© A. (2002), Le viol de lâimaginaire, Fayard, Paris.
Vitari C., Bourdon I. et Rodhain F. (2008), « Lâutilisation dâInternet par les grandes entreprises
françaises pour la communication externe de leur RSE : une étude sur les entreprises du CAC 40 »,
Actes du 5Ăšme CongrĂšs de lâAssociation pour le DĂ©veloppement de lâEnseignement et de la Recherche
sur la ResponsabilitĂ© Sociale de lâEntreprise (ADERSE), Grenoble, 10-11 janvier, 20 p.
Watzlawick P., Weakland J. et Fisch R., Changements, Points Seuil, 1975.
Williams E. et Tagami T. (2001), « Energy analysis of e-commerce and conventional retail
distribution of books in Japan », in Sustainability in the Information Society, edited by L.Hilty and
P.Gilgen, Marburg, Germany: Metropolis Verlag.
Williams E. et Tagami T. (2003), « Energy Use in Sales and Distribution via E-Commerce and
Convientional Retail. A Case Study of the Japanese Book Sector », Journal of Industrial Ecology,
vol.6, n°2, pp.99-114.
Yim Y. (2000), « Télécommunications and travel behaviors : Would cellular communications generate
more trips ? », Annual Transportation Research Board Meeting, 9-13 January, Washington D.C.
Zumkeller D. (1996), « Communication as an element of the overall transport context : An empirical
study », Proceedings of the 4
th
International Conference on Survey Methods in Transport, vol.1,
pp.66-68, Leeds, UK.