
Franck Renouard, Jean-Pierre Fauvel, Edith Pierre, Marc Labrucherie et Jean-Gabriel Charrier avec Tomokazu Tsumagari, Premier Secrétaire d'Ambassade du Japon en France
La conférence sur la gestion du stress qui s’est tenue le 23 novembre 2011 à l’Hôtel Méridien Etoile a rencontré un vif succès avec plus de 200 participants. Le public était composé de chirurgiens-dentistes, une profession particulièrement soumise au stress et qui le reconnaît volontiers.
Le stress étant l’un des premiers facteurs d’erreur*, sécuriser sa pratique nécessite de reconnaître les symptômes du stress, d’accepter le caractère faillible de chacun et de mettre systématiquement en pratique des règles simples pour le combattre. Chacun de ces thèmes a été successivement abordé par trois conférenciers experts en matière de lutte contre le stress.
Les symptômes du stress

Jean-Pierre Fauvel
Le Professeur Jean-Pierre Fauvel, qui travaille dans le service néphrologique de l’Hôpital Herriot à Lyon, a commencé la conférence en décrivant l’aspect physiopathologique du stress. Le stress intervient en réaction à un « stresseur », lequel peut être physique, telle que la douleur, ou psychologique, comme la sensation de manquer de temps. Quelque soit la raison du stress, la réponse est toujours la même. Elle a été décrite par Selye au début du XXème siècle.
La personne stressée va réagir en stimulant son système sympathique pour libérer des catécholamines, entraînant les signes cliniques suivants : augmentation de la fréquence respiratoire, augmentation du débit cardiaque, vasodilatation musculaire, libération de glucose et des lipides (Cho et TG) pour apporter de l’énergie aux muscles striés. Fort de cette concentration de l’énergie au profit des moyens de défense, le sujet stressé va répondre soit par le combat (énervement excessif), soit par la fuite (résignation). Sous l’effet du stress, l’organisme qui se prépare au combat va augmenter le pouvoir de coagulation du sang. Ceci peut s’avérer utile lors de blessures ou d’accidents, mais en contrepartie, cela va augmenter énormément le risque d’infarctus du myocarde. Le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) est également statistiquement plus élevé chez le sujet stressé.
Ces cas peuvent paraître extrêmes, mais il faut savoir que lors d’un stress, l’augmentation de la tension artérielle survient en quelques battements de cœur. Les recherches du Professeur Fauvel montrent que le stress fait augmenter en moyenne de 5mm le niveau de mercure dans le corps, ce qui correspond à une surcharge pondérale de 20kg ou à une diminution de l’espérance de vie de 20 années.
La question du stress professionnel se pose avec d’autant plus d’acuité que son coût social a été estimé à environ 3% du PIB d’un état européen. En plus de ses conséquences sanitaires sur les individus, le stress peut également avoir des conséquences sur l’économie d’un cabinet.
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« Mon stress génère des erreurs »

Marc Labrucherie et David Nisand
De nombreuses études aéronautiques montrent que le stress diminue les capacités à répondre face à des situations imprévues. C’était le thème du second conférencier, Marc Labrucherie, ancien pilote de ligne et spécialiste des facteurs humains chez Air France. Il a commencé par rappeler l’historique de quatre accidents dramatiques d’avion qui ont marqué les esprits : Chigaco 1972, 43 morts – Miami 1972, 99 morts – Tenerife 1977, 543 morts – Portland 1978, 10 morts. Dans ces quatre cas, les avions étaient en parfait état de marche et les équipes navigantes bien formées.
Ces quatre accidents dramatiques ont mis en évidence le rôle des facteurs humains dans la survenue des accidents. Il a alors été démontré que 75% des accidents d’avions sont liés à l’erreur humaine. La mauvaise prise de décisions, la mauvaise conscience de la situation, la mauvaise estimation du risque sont autant de facteurs parmi beaucoup d’autres qui expliquent l’implication de l’humain dans la survenue des accidents.
Pour faire face à ce problème, des protocoles spéciaux ont été développés en aéronautique, tel que le Crew Resources Managment (Gestion des Ressources de l’Equipage) qui intègre les faiblesses du comportement dans sa théorie du management de l’équipage.
Marc Labrucherie a également mis en avant le Modèle de Reason selon lequel l’erreur n’est jamais mono-factorielle. C’est le plus souvent l’enchaînement d’événements indésirables, soit une succession de paramètres improbables, qui aboutit à l’erreur. Le modèle peut être comparé à des plaques de protection. Rien n’étant parfait, elles possèdent chacune des faiblesses qui sont représentées dans ce modèle par des trous. L’accident se produit quand ces défaillances s’organisent et se cumulent de manière singulière, comme un projectile qui passerait au travers de chacune des plaques de blindage.
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Des techniques comportementales pour gérer son stress

Edith Pierre
La dernière présentation a été faite par le Docteur Edith Pierre, ancien médecin militaire. Le Docteur Pierre a développé des techniques d’optimisation du potentiel (TOP) pour améliorer les performances des pilotes de chasse et des contrôleurs aériens militaires. Elle a rappellé la définition du stress : « un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ». Il est donc important de comprendre que c’est la réaction à l’événement qui est stressante et non la situation elle-même. Fort de cette information, il devient plus aisé d’envisager de gérer sa réaction face au stress. Des techniques simples peuvent être mises en œuvre.
Il existent schématiquement 3 états de vigilance: un très haut niveau de vigilance, un niveau médian de vigilance et un niveau d’hypovigilance. L’idéal est de se situer au niveau médian car il correspond à un niveau de vigilance optimal. Quand on se retrouve en situation de stress, c’est-à-dire en très fort niveau de vigilance, il est recommandé de mettre en œuvre des techniques de relaxation. Dans le cas de l’hypovigilance, qui peut également être à l’origine d’erreurs, le Docteur Pierre préconise des techniques spéciales pour se dynamiser.
A chaque situation de stress, des techniques de respiration spécifiques existent. Elles exigent toutefois de prendre le temps de les pratiquer. Or, de nombreux praticiens travaillent avec un agenda très chargé et considèrent qu’il est quasiment impossible de trouver le temps nécessaire. Pourtant, cette étape de préparation mentale est essentielle dans la préventon des risques, au même titre que les check-lists.
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