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Foi chrétienne et culture classique
Des Oracles sibyllins à Charlemagne
Foi chrétienne et culture classique, Des Oracles sibyllins à Charlemagne, Textes présentés par Bernard Pouderon, traduits par M. Boullet, M.-H. Congourdeau, J. Delfosse, A.-G. Hamman et d'autres, Paris, Éditions Migne, “Bibliothèque, n° 2”, 1998, 408 p.
Sous l'impulsion de l'infatigable P. Hamman, les Éditions Migne, désormais responsables de la collection “Les Pères dans la foi”, inaugurent une “Bibliothèque” d'ouvrages plus volumineux qui pourront être l'œuvre d'un seul auteur (ainsi le n° 1, consacré aux Œuvres complètes de Justin) ou avoir, comme celui-ci, un caractère anthologique et thématique. Artisan de ce recueil, Bernard Pouderon, helléniste et spécialiste des premiers siècles chrétiens, est l'auteur de plusieurs études sur Athénagore d'Athènes et les Pères apologistes (cf. ci-dessous). Le sujet abordé par cet ouvrage est immense, sans doute aurait-il été bon de le cerner davantage et de le limiter à un aspect précis des rapports entre christianisme et culture classique. Par ailleurs, les textes présentés sont de longueur très variable, ce qui donne à l'ensemble un caractère quelque peu disparate : à eux seuls, Clément d'Alexandrie et Grégoire de Nazianze occupent plus de place que les quinze autres auteurs cités. Enfin, certains textes annexes placés à la fin de l'ouvrage étaient peut-être superflus : celui d'Aristobule se trouve déjà cité par Clément (p. 223), et les extraits des Maccabées et des Oracles sibyllins concernent plutôt la confrontation entre judaïsme et paganisme. Mais tous les auteurs antiques ayant leur charme, nous ne bouderons pas le plaisir de faire avec eux ce vaste parcours d'histoire religieuse et culturelle. Dès le deuxième siècle, le problème est posé : les chrétiens doivent-ils accepter ou refuser l'hellénisme, et notamment la philosophie ? Justin, on le sait, osait affirmer que “Socrate était chrétien”. Tatien, qui fut pourtant auditeur de Justin, a une autre attitude : le Discours aux Grecs, morceau de bravoure donné ici en traduction intégrale, se montre farouchement hostile à leur culture. Même contraste entre Tertullien et Clément d'Alexandrie, à la fin de ce siècle : le premier Stromate de Clément, qu'on pourra aussi lire en entier, développe l'idée que la philosophie est “l'Ancien Testament des Grecs”. Pour Tertullien au contraire, “quel rapport entre Athènes et Jérusalem ? Entre l'Académie et l'Église ?” Le débat ne faisait que commencer, et ce livre en illustre certaines phases décisives, notamment aux IVe et Ve siècles, en Orient autour de Jean Chrysostome et des Cappadociens, en Occident avec Jérôme et Augustin. Il nous semble toutefois que cette façon elle-même “classique” d'envisager le rapport entre hellénisme et foi chrétienne, les maintient encore dans une certaine extériorité. Or, dès le troisième siècle, émerge un nouveau type de relation dans lequel la culture grecque n'est ni récupérée arbitrairement, ni repoussée avec crainte, mais plutôt transformée de l'intérieur. La rhétorique est désormais mise au service de l'indicible, les concepts philosophiques permettent d'exprimer une foi qui dépasse la rationalité. Ainsi la théologie chrétienne ne subit pas son héritage culturel comme un poids du passé, mais le transfigure en le configurant au mystère du Christ. Le génie de la civilisation née à Constantinople ne fut-il pas d'avoir ainsi inculturé l'Évangile à l'âme grecque ? La spiritualité byzantine ne témoigne-t-elle pas, au-delà de la confrontation entre foi chrétienne et culture païenne, de leur union ? La perspective dominante du recueil est différente de celle, plus théologique, que nous venons d'évoquer. L'ouvrage, nous semble-t-il, s'intéresse davantage à la question de la persistance de la culture profane dans l'histoire du christianisme qu'à celle de l'intégration de l'hellénisme à la pensée chrétienne. Mais cette mise au point une fois faite, on saura gré à B. Pouderon d'avoir composé un dossier de recherches fort utile. On y découvre à chaque page de quoi nourrir son érudition, et, à l'occasion, un auteur peu connu comme Synésius de Cyrène (p. 377-389). Chaque texte est présenté avec clarté et précision, accompagné de notes savantes, et l'ensemble du recueil est précédé d'une introduction substantielle.
D. VIGNE
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