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Suzanne ECK Jetez-vous en Dieu, Initiation à Maître Eckhart
Suzanne ECK, Jetez-vous en Dieu, Initiation à Maître Eckhart, Paris, Éditions du Cerf, “Épiphanie”, 2000, 170 p.
Sœur Suzanne Eck est moniale dominicaine d’Alsace. Elle vit au monastère sis à Orbey dans les collines dominant Colmar où se trouve le monastère d’Unterlinden devenu un musée. Le premier mérite de son livre qui présente en peu de pages une synthèse de qualité, est de bien situer Maître Eckhart dans sa propre vie dominicaine et dans l’accomplissement des tâches d’enseignement et de gouvernement qui furent les siennes. Ainsi enracinées dans la vie d’un fils de saint Dominique, les innovations de Maître Eckhart apparaissent en vérité. La présentation est systématique. Une première partie, “Le détachement”, présente les premiers écrits. L’auteur s’attache à montrer que cet enseignement destiné à la formation des jeunes religieux n’a rien de difficile. À partir des Entretiens, l’auteur s’efforce de présenter la vie spirituelle de manière simple selon la démarche classique de l’itinéraire qui suppose des choix et des renoncements et donc un détachement de tout ce qui n’est pas Dieu pour privilégier la vie intérieure. Quant aux Sermons allemands, transcription de prédications en langue vulgaire, l’auteur montre là aussi qu’il s’agit du chemin traditionnel des maîtres de la vie religieuse appelant au détachement pour un amour sans réserve de Dieu. Le primat de la charité est clairement montré. La deuxième partie, “Le don de Dieu à l’âme”, relève les éléments anthropologiques impliqués dans cet itinéraire. La structure de l’âme qui soutient les homélies est celle de la tradition mystique (sous l’influence des Pères) qui reconnaît une parenté entre l’âme et Dieu. Cette parenté, dont Paul parlait à Athènes, demande à être arrachée au péché et développée par la relation à Dieu qui fait du religieux un véritable enfant de Dieu. Comme ce thème est souvent l’occasion de développement ésotériques ou de rapprochements indus, S. Eck montre que l’équilibre de la pensée de Maître Eckhart repose sur la christologie. C’est l’objet de la troisième partie : “Jésus de Nazareth”. Le religieux se doit d’imiter Dieu tel qu’il s’est manifesté dans le Verbe fait chair. Tel est le cœur de la mystique chrétienne ! Ce point étant acquis, S. Eck peut développer les éléments théologiques les plus novateurs dans la quatrième partie, “Le mystère de Dieu”, et rendre raison des formules les plus audacieuses et les plus séduisantes de Maître Eckhart. Dieu créateur, le Dieu Un en la Trinité des Personnes, le Dieu vivant : autant de thèmes qui donnent sens à ce que Maître Eckhart appelle la Déité, Dieu au-delà de la limitation que lui impose un nom, le nom de Dieu même – ce qui respecte parfaitement les règles de l’apophatisme. La cinquième partie, “À propos de nos fins dernières”, souligne la dimension eschatologique de l’existence chrétienne. L’auteur rend ainsi raison des paradoxes développés dans La prédication puisque Maître Eckhart développe souvent le paradoxe de l’amour qui est souffrance et joie tout ensemble. En somme, un très beau livre, écrit avec simplicité et parfaite maîtrise des thèmes théologiques. On sent que S. Eck parle d’expérience : d’une part, elle a lu et médité Maître Eckhart et mis en pratique ses leçons, d’autre part, elle a le mérite de ne pas faire des mystiques rhénans des auteurs à lire à l’heure des vacances en soulignant le piquant des paradoxes, mais des auteurs à suivre en vivant durablement les exigences de la vie contemplative. C’est donc une œuvre de sagesse qui dit le plus sublime sans lâcher l’exigence de l’amour du proche.
J.-M. MALDAMÉ
(Exemplaire du BLE Tome CIII n° 4 Octobre - Décembre 2002)
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