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Recensions Recensions OCTOBRE - DECEMBRE 2005

R. LUNEAU, L’Enfant prodigue.
Même s’il dit “ne pas avoir de compétence exégétique particulière” (note 13, page 53), R. Luneau nous offre ici un livre de grande qualité, qui révèle les richesses interprétatives de la péricope de l’enfant prodigue, mais dévoile également des aspects – souvent méconnus – de la réception de cette parabole, notamment au regard des sciences humaines et des autres grandes traditions religieuses. Fidèle à ce qui fait l’originalité de la collection “Évangiles”, René Luneau nous offre également des pages lumineuses sur “ces écrivains qui ont un jour rencontré ‘l’enfant prodigue’” : A. Gide, R.-M. Rilke, Ch. Péguy, L. Bloy et Lanza del Vasto. Et on se délecte à la lecture des pages consacrées aux maîtres verriers de Bourges, à Dürer, Bosch, Rubens, Rembrandt bien sûr, mais aussi G. Rouault et M. Chagall. Avec un regret cependant : que cet ouvrage ne contienne pas davantage de reproductions des œuvres mentionnées. Tout aussi passionnantes sont les pages où R. Luneau aborde la manière dont les Pères de l’Église ont lu la parabole du prodigue (p. 57-65), et le chapitre consacré à “l’enfant prodigue et les théologiens d’aujourd’hui”. Y sont mentionnées l’encyclique de Jean-Paul II Dives in misericordia, et des œuvres aussi diverses que celles de P. D. Dognin, de H. J. M. Nouwen, de H. Denis et de L. Basset. À travers ces lectures “polyphoniques” de la parabole de l’enfant prodigue – un titre contesté par certains, cf. p. 11 – un constat s’impose : “Jamais il n’est parlé de la conversion du fils perdu, il n’est question que de son retour et cela suffit à la joie du Père” (p. 42). C’est que la conversion ne précède pas le pardon, elle naît de lui. “Ainsi la conversion n’est-elle pas secondaire mais seconde. Seul celui qui a entrevu un peu de ce mystère de la compassion de Dieu pour l’homme peut découvrir en lui le besoin d’être pardonné. Et c’est parce qu’il a compris cela qu’il sera lui-même capable de pardonner à celui qui, dans l’unique Père, est à jamais son frère” (p. 156). Pour R. Luneau, telle est l’originalité de l’enseignement de cette parabole. Après avoir abordé certains textes du Coran ou des traditions africaines, c’est la conclusion à laquelle il arrive : “Sur quelque continent qu’on s’aventure, et quelles que soient l’époque et la tradition interrogées, nous trouverons toujours des ‘fils prodigues’ et des pères prêts à la réconciliation. Mais cette dernière a presque toujours un prix qu’il faut payer. Et nulle tradition, à ce qu’il me semble, ne parle de cet homme qui court au-devant d’un enfant qu’il croyait à jamais perdu et qui appelle à la fête” (p. 134). Reste cette ultime question : “Quand donc nos contemporains pourront-ils reconnaître, dans notre Église d’aujourd’hui, un haut lieu de compassion et de miséricorde pour des hommes et des femmes qui cherchent leur chemin ?” (p. 159).
P. DEBERGE
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