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    portrait

    Txetx Etcheverry, agitateur d’idéaux

    Par
    Txetx Etcheverry.
    Txetx Etcheverry. Photo Bruno Charoy pour Libération

    A l’inverse de Royal et des bonnets rouges, cet altermondialiste basque défend l’écotaxe qu’il renomme «pollutaxe».

    Il ne voulait pas de ce portrait. Chez les alters, on ne se met pas en avant. Pourtant, Txetx Etcheverry dégage quelque chose de différent. Une altérité venue d’une autre époque, mais laquelle ? En décembre, on l’a vu sur le plateau de Mediapart défendre l’écotaxe face au Breton Christian Troadec, maire de Carhaix et héraut des «bonnets rouges». Le Basque, cofondateur du mouvement altermondialiste Bizi ! («vivre !» prononcez «bissi»), alignait les arguments comme des pierres sur un jeu de Go, imperturbable, carré, bienveillant. Tu sais Christian - les deux se connaissent et «s’estiment» -, il faudrait dire «pollutaxe», on fait payer le pollueur plutôt que le contribuable, je te comprends, mais tu te trompes de lutte.

    On a insisté pour le portrait. «D’accord, si tu parles le plus possible de nos messages et le moins possible de moi.» Direction le Petit-Bayonne, son biotope depuis trente ans. Hasard, on prend le train ensemble. Ces temps-ci, Txetx (dites «tchètche») va souvent à Paris préparer le Sommet climat de 2015 avec ONG et ministères concernés. L’urgence climatique, la mère de toutes ses batailles. «On ne se rend pas compte à quel point on va passer pour des salauds pour les générations des années 2040-2050, qui n’auront plus l’énergie abondante et bon marché pour s’adapter.» La voix est grave, ample, l’accent marqué. «Mais cela n’arrivera pas, puisqu’on va gagner. Si je n’y croyais pas, je serais sur une île à boire des mojitos.»

    Alors, il bosse tout le temps. Partout. «Sinon, je ne pourrais pas me regarder dans la glace.» Dès l’arrivée, il file peaufiner une stratégie pollutaxe avec des cheminots effarés par la casse du fret ferroviaire au profit du tout camion. Face au «diktat des lobbys routiers et agro-industriels, qui n’ont même plus besoin de se bouger vu que la ministre attaque elle-même l’écotaxe», Bizi ! appelle à des actions dans une cinquantaine de villes, jusqu’à samedi. Avec, à Bayonne, une spéciale dédicace à Ségolène Royal ce mercredi, jour de son audition par la mission parlementaire ad hoc. Mode opératoire ? Affubler une statue d’un masque blanc antipollution et créer un buzz sur les réseaux sociaux pour «démonter les contrevérités». L’opposé des portiques en feu. Avec les cheminots, il va à l’essentiel. Pas le temps de bavasser, une réunion Bizi ! l’attend. En chemin, il salue chacun en basque, passe chercher ses légumes à l’Amap, qu’il a cofondée. En un demi-siècle d’existence, il a cofondé pas mal de choses : festival de musique EHZ, mouvement non-violent Démo, plateforme pour la reconnaissance du Pays basque Nord. Ou l’eusko, monnaie locale devenue en un an «première d’Europe en nombre d’utilisateurs ; un tract permanent pour la relocalisation, le lien social, le commerce de proximité et donc l’emploi».

    Le soleil tombe. La réunion «démarre à l’heure et finit à l’heure». C’est écrit sur l’ordre du jour. Chez Bizi ! on n’est pas là pour gloser en fumant des pétards. Né en 2009, le mouvement, «indépendant, radical et pragmatique, est ouvert à tous ceux qui veulent batailler pour le climat et la justice sociale». Parmi les 300 adhérents, beaucoup de jeunes et «vachement de prolos». En guise de QG, le local de la fondation qui le salarie pour organiser débats et formations alters, une émanation du syndicat ELA, majoritaire en Pays basque Sud. Un syndicat alter ? «Ils ont compris le lien entre écologie et social.» Au mur, ce proverbe arabe : «Qui veut faire quelque chose trouve un moyen, qui ne veut rien faire trouve une excuse.» Dans la bibliothèque, Gorz, Dumont, Ellul, Gadrey, Castoriadis…

    Ce soir-là, ils sont quinze à plancher sur Alternatiba, un projet qui vise à multiplier ces «villages des alternatives au changement climatique» sur le modèle de la journée festivo-éducative, qui a réuni 12 000 âmes en octobre à Bayonne. Une trentaine d’Alternatiba sont déjà en gestation en France et au-delà, sous l’œil admiratif des ONG.

    Les deux heures imparties s’achèvent à la minute près. Le «warrior» est enfin dispo. Le surnom vient de Philippe Martin. Le prédécesseur de Ségolène Royal à l’Ecologie l’a soutenu dans l’un de ses combats - victorieux - : créer une chambre d’agriculture alternative. Txetx, stakhanoviste vantant la réduction du temps de travail, accepte d’ausculter son moteur. «A 7 ans, j’aidais mon père à la bergerie. On est plein à Bizi ! à ne pas avoir été élevés dans du coton.» Puis, sans pathos : «Je viens de très loin.» Il y a tant de dimensions dans ce «loin» lâché autour d’une pizza et d’une bière réglées en euskos. Loin, comme son village près de Saint-Jean-Pied-de-Port, terre de droite, conservatrice, longtemps miséreuse. Loin, comme ce père, «rustre, raciste, refermé sur lui-même», marié à une femme de ménage lectrice de la Vie catholique. «Je suis tombé sur des textes de Susan George. Un choc. Depuis, j’ai la question du tiers-monde en permanence en tête.» Il chope le virus militant à 14 ans, pétitionne pour des cours de basque à l’école, s’échappe de chez lui à 16 ans, fait une école d’infirmiers pour rejoindre le Burkina Faso de Thomas Sankara ou le Nicaragua sandiniste. Survient alors un drame qu’il nous demande de taire mais qui détermine la suite. Il renonce à son «destin» dans le tiers-monde. Refuse la violence : «S’il y a un groupe qui ne tombera pas dans ce piège contreproductif, c’est Bizi !»

    Txetx Etcheverry ne s’assoit jamais dos à la rue dans un café depuis la perte de copains, mitraillés par les milices d’Etat espagnoles, dans les années 80. «Fan» d’Henri Laborit, il a appris à ne pas nourrir de rancœur. «Ce mec-là, c’est du miel, une générosité très rare», dit Didier Lestrade, le cofondateur d’Act-Up Paris, qui le considère comme un frère («et j’en ai pas 36 000, surtout chez les hétéros»). Déluge d’éloges chez tous les interrogés, «même s’il détesterait être statufié» : droit, rigoureux, souple, fidèle, à l’écoute, joyeux, discret, inspirant, rassurant. N’en jetez plus ! Son envergure, ce mélange de raison, de vision et d’empathie, pourraient en faire un meneur politique. Lui n’a jamais adhéré à un parti, ne veut pas se présenter à une élection. Il vote «à la gauche du PS, vert ou alter», a «du mal avec le jacobinisme de Mélenchon». Rejette les étiquettes. Ni écologiste, ni décroissant, ni révolutionnaire. «Anticapitaliste, OK, mais c’est juste du bon sens. Les utopistes, les idéologues sont les capitalistes.»

    Il a choisi de ne pas avoir d’enfants. Il s’occupe de ceux de ses proches. Avec, toujours, le souci de transmettre. «Ça vient du militantisme basque. Abertzale veut dire "gardien du pays de ses ancêtres". C’est pas du nationalisme, mais le fait de se sentir responsable d’un territoire que tu dois léguer.» C’est peut-être ça, sa différence. Cette acuité qui lui permet de lier passé, présent et avenir dans un même tempo, celui de l’action. Son époque, c’est hier et demain. Et c’est aujourd’hui que tout se joue.

    Txetx Etcheverry en 7 dates

    23 décembre 1964 Naissance à Saint-Jean-Pied-de-Port (Pyrénées-Atlantiques).

    1983 Occupation et rénovation d’immeubles vides à Bayonne.

    1988 Insoumission au service militaire.

    2009 Cofonde le mouvement altermondialiste Bizi !

    2013 Cofonde la monnaie locale eusko.

    26 avril-3 mai 2014 Actions pour la «pollutaxe».

    30 avril Audition de Ségolène Royal sur l’écotaxe.

    Photo Bruno Charoy

    Coralie Schaub
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