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Commettant
MFP
4 rue de Rive
1204 GENEVE
Chantier / objet
PONT DE PENEY
GENEVE
date : 28.09.04
page : 1/8
divers/Hl
04 E.298 Pont de Peney
Rapport RE 04 E.298
Le pont de Peney 10 ans après
Situation et historique
L’actuel pont de Peney franchit le Rhône à la hauteur du village d’Aire-la-Ville et le
hameau de Peney-Dessous dans le canton de Genève.
En 1942, sa construction est rendue nécessaire par la création du barrage de Verbois,
l’ancien pont ne permettant plus de franchir le Rhône élargi par la retenue d’eau dudit
barrage.
Il s’agit d’un ouvrage en béton armé d’une longueur de 174 m constitué d’un tablier large
de 10.40 m supporté par 2 poutres longitudinales prenant appui sur 4 piliers doubles et
les culées. Sous le tablier, entre les poutres, une passerelle en béton permet le passage
d’une rive à l’autre de divers services et canalisations.
La circulation est établie sur 1 voie dans chaque sens caractérisée par un intense trafic
de poids lourds, l’ouvrage étant situé sur la route des gravières.
De part sa situation, l’ouvrage est donc particulièrement sollicité :
ď‚·
Mécaniquement par le passage répété des camions.
ď‚·
Sur le plan de la durabilité par l’épandage de sel de déverglaçage en hiver et les
méfaits de la carbonatation accentués par un environnement humide favorisant
l’oxydation des aciers situés dans la zone carbonatée du béton.
Dès le début des années 80, des traces d’infiltrations chargées de rouille se dessinent sur
les faces latérales des poutres et d’importantes dégradations se développent sous forme
d’éclats de béton laissant apparaître une armature fortement oxydée.
Soucieux de l’état de l’ouvrage, le service des ponts du Département des Travaux Publics
et de l’Energie (DTPE) mandate le laboratoire Zschokke pour rechercher les causes et
l’ampleur des dégradations constatées.
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L’examen de l’ouvrage
L’examen est effectué en août 1985, pour l’essentiel, il en ressort que les dégradations
observées ont différentes origines :
Les sollicitations du trafic
Les sollicitations ont engendré des fissures verticales sur toute la hauteur des poutres.
Elles sont vives, traversantes et actives. On en compte jusqu’à 4 à 5 par travée.
La carbonatation
Lors du bétonnage des poutres, la mise en œuvre du béton avec les moyens de l’époque, a
laissé d’importantes zones faibles dans l’enrobage de l’armature inférieure et sur les
faces où des nids de graviers ont été camouflés par un mortier au ciment. Dans ces
zones, la pénétration de la carbonatation en profondeur dépasse souvent 30 mm. Ainsi,
la quasi totalité de l’armature du talon des poutres est dans la zone carbonatée et les
faces latérales des poutres, plus de la moitié des étriers sont très proche de la surface et
depuis plusieurs années, ils ne sont plus protégés contre l’oxydation. En s’oxydant,
l’expansion de la rouille engendre des tensions qui font éclater le béton de recouvrement.
Les chlorures
Afin de maintenir la circulation en hiver malgré le verglas et la neige, l’ouvrage est salé.
Des défauts d’étanchéité entraînent des infiltrations d’eau provenant de la chaussée.
Cette eau ruisselle contre les faces des poutres déposant le sel lors de l’évaporation.
Des dégradations importantes se situent également sous les ailes du tablier par
ruissellement de saumure.
En présence d’humidité, ce sel engendre la corrosion de l’armature selon le principe
d’une pile électrochimique. La corrosion est très localisée sous forme de piqûres
profondes pouvant ronger un acier sur toute sa section.
Les travaux d’assainissement
En 1993, le DTPE lance un appel d’offres pour la réfection du pont selon la méthode
traditionnelle de dégrappage de l’ensemble des surfaces du béton et le ragréage par
béton projeté suivant ainsi les propositions d’assainissement proposées par le laboratoire
Zschokke.
Les entreprises Perret SA et Locher & Cie SA étudient une variante selon une technique,
nouvellement introduite en Suisse, basée sur l’inhibition de la corrosion selon le procédé
MFP (monofluorophosphate de sodium).
Cette solution consiste en une réfection ponctuelle des seules zones dégradées par
taconnage
,
la protection contre la corrosion étant assurée par l’application par
pulvérisation d’un inhibiteur de corrosion. Présentement, elle permet également d’éviter
certains problèmes statiques posés par la méthode traditionnelle et de plus, elle s’avère
être moins onéreuse. Elle est donc retenue par le DTPE et le bureau d’ingénieurs.
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L’ordre des travaux est le suivant :
ď‚·
Nettoyage des surfaces et enlèvement des éclats de béton
ď‚·
Pulvérisation de l’inhibiteur MFP sur l’ensemble des surfaces à raison de
1000g/m² de MFP pur
ď‚·
Exécution des taconnages avec divers mortiers choisis en fonction du type de
réparations
ď‚·
Pose d’un bouche-pores sur les faces extérieures des poutres
L’épaisseur de recouvrement des aciers des zones réparées est limitée à 10 mm,
cependant, les étriers à fleur sur les faces extérieures des poutres sont sous le bouche-
pores et seulement protégés par le traitement MFP.
L’application est réalisée de janvier à septembre 1994, par sections successives selon
l’avancement des travaux.
En cours d’exécution et en fin de traitement, la pénétration du MFP fait l’objet de
contrôles effectués sur des carottes prélevées après application. La mesure est réalisée
par analyse du phosphore, indicateur de la présence du MFP. Le microscope électronique
à balayage, avec une sonde EDS permet cette mesure mais le seuil de détection du
phosphore est très élevé par cette méthode. Elle s’avère donc peu précise.
Toutefois, les analyses, effectuées par le laboratoire TFB, ont permis de constater la
présence du MFP jusqu’à une profondeur moyenne de 30 mm.
Les contrôles ultérieurs
En 1997, après 3 ans, des carottes sont prélevées sur les sommiers près de la rive droite.
La méthode d’analyse alors employée est l’analyse par photométrie du phosphore présent
dans la solution préparée. Une distinction peut alors être faite entre le phosphore total
et le phosphore appartenant à des molécules solubles, en modifiant le mode d’extraction
de ces éléments dans la poudre de béton (extraction par acide ou par eau tamponnée).
Les résultats obtenus ont permis de constater que le MFP était toujours présent dans le
béton jusqu’aux profondeurs nécessaires pour protéger les aciers.
En 1999, après 5 ans, une nouvelle méthode d’analyse plus précise est mise au point,
utilisant pour la quantification des molécules présentes, la chromatographie ionique.
L’extraction se fait au moyen d’une résine échangeuse de cations, ce qui permet de
distinguer et de quantifier les différentes molécules dans lesquelles le phosphore est
présent. Des vérifications faites par cette méthode sur des carottes prélevées en divers
endroits du pont ont bien montré la présence résiduelle du MFP jusqu’à une profondeur
pouvant dépasser par endroits 50 mm.
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Après 10 ans
Observations et prélèvements 2004
Une visite de contrôle en présence du maître d’ouvrage et du mandataire a été effectuée
le 26 mai 2004. En plus des observations visuelles, 4 carottes ont été prélevées sur les
poutres de la rive droite, à proximité des échantillons de 1997.
Observations visuelles
Pour l’ensemble des poutres, on relève la présence d’un seul éclat dû à la carbonatation.
Ce dernier s’est développé sur un étrier à la face intérieure de la poutre amont, zone
actuellement inatteignable.
De plus, quelques petits éclats provoqués par la corrosion des armatures sous-jacentes
ont été observés au niveau de la passerelle, près des colliers de fixation du tuyau de
transport d’eau.
Deux éclats ont été prélevés pour analyse.
Il est à noter que les réparations ont une parfaite tenue, aucun décollement, aucune
fissure de retrait en périphérie et ce, aussi bien pour Emaco 66 au talon des poutres que
pour les taconnages exécutés avec Structurite 300 et Emaco S88. Il arrive même que ces
derniers traversent une fissure active sans qu’ils ne s’ouvrent.
Un des éclats sur la passerelle
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Résultats des analyses
Carottes sommier
Les profils de concentration en MFP en fonction de la profondeur sont portés sur le
graphique suivant pour les 4 carottes analysées, accompagnés du profil obtenu en 1997,
par extraction des phosphates solubles à l’eau sur une carotte située dans les mêmes
conditions que les échantillons de 2004.
2004 - MFP soluble total
0.0001
0.001
0.01
0.1
1
0
5
10
15
20
25
30
35
40
Profondeur (mm)
Co
n
c
e
n
tr
a
ti
o
n
(%
/b
Ă©
to
n
)
1 (som.amont ext.)
4 (som. Aval ext.)
4B-1 (som. Amont int.)
4B-2 (som. Aval int.)
Som aval ext (1997)
MFP minimum admissible
On constate que le profil de concentration de 1997 est situé au centre du faisceau de
profils obtenus sur les carottes 2004. Etant donné la variabilité intrinsèque du béton, on
peut considérer qu’il n’y a pas eu d’évolution dans la concentration résiduelle de MFP
dans cette zone entre 1997 et 2004. Il est vraisemblable qu’après 3 ans, l’état d’équilibre
est atteint.
Notons que la dispersion des résultats est due aux variations de la microstructure
localisée du béton et à la carbonatation dont la pénétration varie de 2 à 10 mm suivant
les carottes. D’autre part, il faut considérer que les carottes ont été prélevées dans des
zones abritées des intempéries. Il est possible que les zones lavées par la pluie
présentent un profil différent.
Eclats de béton
Pour les 2 Ă©clats prĂ©levĂ©s, le MFP a Ă©tĂ© dosĂ© Ă la surface, au centre de l’éclat et Ă
l’interface avec l’armature. Les résultats sont les suivants (MFP en % sur béton) :
Eclat 1 Eclat 2
Surface
0 %
0 %
Centre
8,85 %
11,6 %
Interface acier 7,13 %
6,78 %
La quantité exceptionnellement élevée de MFP à l’interface de l’acier et dans le béton
avoisinant indique qu’une fissure existait au moment de l’application du MFP. Ces
quelques éclats étaient donc présents et sont passés inaperçus lors des réparations.
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1985. Lors de l’examen, face extérieure de la poutre amont.
Eclats de béton sur des étriers positionnés trop proche de la surface
et nids de gravier camouflés
2004. La même zone 10 ans après les travaux de réfection
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1985. Lors de l’examen, talon de la poutre amont.
Eclat de l’enrobage de l’armature inférieure.
2004. La même zone 10 ans après les travaux de réfection.
A noter : les taconnages sur les solives et entretoises
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Laboratoire de la Construction
Gérald Hoiler
1994. Lors des travaux, face inférieure de l’aile du tablier
après enlèvement des éclats
2004. La même zone 10 ans après les travaux de réfection.