Economie

Atos, la mauvaise passe du mousquetaire de l'informatique

Croissance en berne, abandon d'un important rachat, recherche de partenaires... Depuis le départ de Thierry Breton, le groupe français enchaîne les déconvenues. L'année noire devrait se poursuivre avec sa sortie du CAC 40.

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Le cours de Bourse d'Atos a chuté de plus de 40% depuis le début de l'année.

Le cours de Bourse d'Atos a chuté de plus de 40% depuis le début de l'année.

afp.com/ERIC PIERMONT

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En ce mois de mars 2017, Thierry Breton a de quoi se réjouir. Atos, la société de services informatiques qu'il dirige, s'apprête à rejoindre le cercle prestigieux des grands groupes tricolores. Une entrée triomphale dans l'indice phare de la Bourse de Paris, le CAC 40, aux côtés du groupe pétrolier Total ou encore de l'empire du luxe, LVMH. L'ancien ministre de l'Economie et des Finances, revenu aux affaires neuf ans plus tôt, a mené au pas de course les rachats de Siemens IT Solutions et Services, d'une partie de Xerox puis de Bull et ses supercalculateurs, donnant ainsi une assise mondiale à l'entreprise. Pourtant, quatre ans plus tard, Atos devrait quitter ce cercle fermé du capitalisme français. Le dirigeant de l'époque, devenu commissaire européen, a laissé les rênes à son directeur financier, Elie Girard. Entouré de son conseil d'administration - dans lequel siège l'ancien Premier ministre Edouard Philippe -, il a dû gérer la crise du Covid et une série de mésaventures entraînant la sortie très probable du saint des saints de la Bourse française ce mois-ci.  

La faute à une année noire et à une série de revers durement sanctionnés par les marchés financiers. Depuis janvier, l'action d'Atos a dévissé de plus de 40 % et avec une valorisation de 5 milliards d'euros, il vaut désormais 4 fois moins que son ancienne filiale spécialisée dans les paiements, Worldline, aujourd'hui indépendante. Et l'acquéreur en série se retrouve en position de proie, cible de fonds d'investissement. De quoi inquiéter jusqu'au sommet de l'Etat, client du groupe dans la Défense et de nombreux autres services publics.  

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Si le mousquetaire de l'informatique souffre autant, cela s'explique, d'abord, par une opération d'envergure avortée. Début 2021, l'offre de rachat d'Atos pour plus de 10 milliards de dollars de l'américain DXC Technology surprend tout le monde. "La direction nous avait pourtant assuré qu'il y aurait seulement des acquisitions de petites ou de moyennes envergures, explique un investisseur. Or ce dossier représentait la plus grosse transaction de toute histoire de l'entreprise." 

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Pour preuve, les 18 emplettes réalisées en un an et demi ont permis d'augmenter le chiffre d'affaires de seulement 400 millions d'euros, quand celle de DXC Technology aurait permis un bond 40 fois supérieur ! Même si le projet est finalement abandonné, ce premier épisode écorne la confiance de certains investisseurs. Un deuxième incident ne va rien arranger à l'affaire. Trois mois plus tard, deux cabinets d'audit ne peuvent totalement certifier les comptes 2020 en raison d'irrégularités comptables découvertes au sein de deux filiales américaines. La multinationale minimise la portée de cet incident qui ne concerne qu'une petite partie de son activité et lance une enquête qui ne révélera, finalement, aucune anomalie.  

Mais le plus inquiétant reste à venir. L'objectif de chiffre d'affaires prévu pour cette année ne sera pas atteint. La croissance initialement attendue entre 3,5 et 4 % devrait finalement être nulle. Cette mauvaise nouvelle s'explique par la crise du Covid, événement majeur dans la transition numérique des entreprises. Pris de court, Atos n'a pu qu'observer "un déclin plus rapide que prévu de son activité historique", plus de 80 data centers dans lesquels sont hébergées les données de ses clients et qui partent "vers le cloud " d'Amazon ou de Microsoft en sortie de pandémie, souligne dans une note Alexandre Faure, analyste chez Exane BNP Paribas.  

En clair, de grands comptes ont préféré rejoindre les infrastructures des géants américains au détriment d'Atos. Or cette seule activité pèse pour plus d'un cinquième dans son chiffre d'affaires. "Nous avions anticipé ce phénomène. C'est précisément la raison pour laquelle j'ai décidé de lancer la transformation du groupe il y a dix-huit mois, explique Elie Girard à L'Express. La violente accélération de cette migration au premier semestre est une formidable opportunité qui nous contraint à nous transformer plus rapidement encore pour renforcer le rééquilibrage de nos activités sur nos domaines clefs : le digital, le cloud, la cybersécurité, ou encore la décarbonation." 

Le groupe veut se délester de certaines activités

Comme le souligne Henri d'Agrain, délégué général du Cigref, association des grandes entreprises et administrations publiques françaises, l'explication se trouve aussi dans l'essor fulgurant du télétravail. "Face au coût important que représentait la maintenance des serveurs des entreprises pour faire collaborer leurs salariés, elles ont préféré confier cela à Google, Microsoft ou encore Amazon." 

Les voix les plus critiques soutiennent que cette bascule aurait pu être mieux anticipée même si la pandémie a accéléré le mouvement. "L'ancien PDG, Thierry Breton, aurait dû amorcer plus tôt des changements et la direction actuelle, héritière de cette situation, doit désormais traiter dans l'urgence ce problème, regrette Farès Louis, administrateur salarié d'Atos et élu CFDT. Au bout du compte, ce sont les employés, aujourd'hui très inquiets, qui risquent de payer l'addition au lieu d'être encouragés et valorisés." 

De fait, le groupe a déjà annoncé un plan de départ en Allemagne de 1 300 personnes et il cherche à se défaire d'une partie de ses métiers moins rentables ou en décroissance. Une revue stratégique a identifié plusieurs activités dont une large partie des data centers mais aussi Unify dont il devrait se séparer. Cette offre de travail collaboratif héritée du rachat de Siemens IT se trouve marginalisée après l'explosion d'autres outils de visioconférence devenus extrêmement populaires durant les confinements comme Microsoft Teams ou Zoom. Enfin, d'autres entités plus petites seront, elles aussi, concernées. "Toutes les options sont sur la table afin de trouver des partenaires, explique Elie Girard. Dans le même temps, nous continuons à recruter 20 000 collaborateurs dans le monde cette année, un record." 

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Au total, 20 % du chiffre d'affaires de la société pourrait ne plus être comptabilisé après ces cessions. "Cette revue stratégique est positive [...] mais nous doutons de l'intérêt de partenaires [NDLR : pour reprendre ces actifs]", explique dans une note Nicolas David, analyste chez Oddo BHF. Pourtant, le temps presse. Car Atos se veut plus ambitieux pour 2022 et prévoit une amélioration de sa situation. Il lui reste quelques mois pour se redresser. Le mousquetaire est déjà attendu au tournant.  

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