Zarafa, la girafe qui fait polémique

CINEMA Ce mercredi sort en salle un conte pour enfants, «Zarafa», librement inspiré de l'histoire de la première girafe arrivée en France. Mais les libertés prises par les auteurs ne sont pas du goût de tout le monde...

Audrey Chauvet

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Zarafa, la première girafe de France, lors de l'embarquement à Alexandrie en 1826.
Zarafa, la première girafe de France, lors de l'embarquement à Alexandrie en 1826. — Bibliothèque du Muséum national d'histoire naturelle

Qui aurait cru que, presque 200 ans après son arrivée en France, Zarafa continuerait à faire parler d’elle? Offerte au roi Charles X par le pacha d’Egypte, Zarafa fut la première girafe à fouler le sol français en 1826. Son périple, du Soudan actuel à la Ménagerie du Jardin des plantes, à Paris, a inspiré les réalisateurs Rémi Bezançon et Jean-Christophe Lie, dont le film Zarafa sort en salle le 8 février.

La réalité, pas assez aventureuse

«Très peu de choses ont été faites sur Zarafa, explique Rémi Bezançon, alors qu’en 1827 ça a été un phénomène incroyable: 600.000 personnes sont venues la voir, elle a déclenché une vraie «girafomania»  pendant trois ans». Mais plutôt que de coller à la réalité, le film emprunte des airs de conte pour ajouter de l’aventure au voyage de la girafe: «Je voulais me réapproprier l’histoire. En ayant un conteur dans le film, nous avons pu prendre ce qu’on avait envie de prendre et recréer une aventure extraordinaire, un peu inspirée de Jules Verne», poursuit Rémi Bezançon. «Sous forme de docu-fiction, ça aurait été très long, car durant le voyage il ne s’est pas passé grand-chose!», ajoute son co-réalisateur.

Une opinion que ne semble pas partager Catherine Vadon, maître de conférences au Muséum national d’histoire naturelle, qui présente depuis le 25 janvier une exposition baptisée «La véritable histoire de Zarafa»: «La vraie histoire est aventureuse, exotique, elle se suffit à elle-même, commente-t-elle. Nous avons voulu rétablir la vérité, pour l’image du Muséum.»

«Librement inspiré» de la véritable histoire…

«Ils sont très fâchés, je suis très content!», réagit Rémi Bezançon à l’évocation de cette exposition qui ne mentionne jamais le film. Au cœur de la polémique, l’image de la Ménagerie du Jardin des plantes, propriété du Muséum, que renvoie le film: une prison inadaptée à la petite girafe, d’où le petit héros du film, Maki, essaye en vain de la délivrer. «J’ai un souvenir, quand j’étais petit, de balades dans le Jardin des plantes: je voyais ce loup tout pelé qui tournait en rond dans sa cage de cinq mètres carrés. Je voulais, par ce film, dénoncer les zoos: c’est un film sur la liberté et j’aimerais que les enfants aient des réflexions sur ce que c’est d’être libre», justifie Rémi Bezançon.

Du côté du Muséum, on assure que la girafe a été très bien traitée: «La Rotonde avait été aménagée pour elle, son soigneur égyptien attitré dormait à côté d’elle», réagit Catherine Vadon. Même pendant la traversée de la Méditerranée et la marche de Marseille à Paris, effectuée en compagnie de Geoffroy Saint-Hilaire, professeur au Muséum, tout a été mis en œuvre pour son bien-être, détaille l’exposition: la cale du bateau a été aménagée pour laisser passer le long cou de la girafe, de la paille atténuait le roulis et elle était accompagnée de trois vaches pour lui fournir ses 25 litres de lait quotidien, ainsi que de deux antilopes pour lui tenir compagnie…

«Durant sa traversée de la France, à un moment donné, il y a eu de la neige. Dans le film, j’ai un peu poussé les curseurs: je l’ai imaginée dans les Alpes, avec des loups… On ne cherchait pas la réalité historique, d’ailleurs c’est marqué sur l’affiche: librement inspiré de l’histoire de la première girafe», poursuit Rémi Bezançon. Pour le Muséum, «il aurait fallu faire un documentaire animé», renchérit Jean-Christophe Lie.  

Des zones d’ombre sur l’histoire de Zarafa

Vérité ou fiction, chacun choisira son «camp». Mais la réalité peut aussi être empreinte de zones d’ombre: ce qu’est devenue Zarafa reste un mystère, même pour le Muséum. Empaillée à sa mort en 1845, elle est arrivée dans un musée de La Rochelle en 1930. Entre les deux, on perd sa trace, et en comparant des dessins de 1827 avec le spécimen présenté aujourd’hui «quelque chose ne colle pas», reconnaissent les conservateurs. Certains pensent qu’elle a été confiée après sa mort à un musée de Verdun où la Première guerre mondiale l’aurait considérablement abimée, d’autres qu’elle aurait été emportée dans les tranchées pour effrayer l’ennemi… Zarafa peut continuer à faire couler de l’encre et de la pellicule.

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