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Semences : définitions, lois et marché mondial

Mise à jour : juillet 2014

Si toutes les semences servent a priori pour reproduire une plante, elles sont bien loin d’avoir toutes le même procédé d’obtention, et le même statut juridique.
Tour d’horizon.

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Crédits : The giant vermin

Semence : la définition biologique

Dans le cas le plus courant, une semence est issue de la fécondation d’un ovule (présent dans l’ovaire du pistil, partie femelle de la fleur) par un grain de pollen (porté par l’étamine, partie mâle de la fleur). Cette fécondation peut être croisée entre fleurs différentes (plante allogame), ou se réaliser dans une même fleur (plante autogame). Suivant le déroulement de ce processus de fécondation (naturel, en laboratoire, en champ de semenciers...), la semence sera affublée de divers qualificatifs (cf. lexique ci-dessous : lexique). Par extension, on emploie aussi le terme de semences pour des boutures ou plants (comme pour la pomme de terre par exemple).

Semences : une dichotomie permanente

Il existe deux grandes catégories de semences : les semences paysannes (cf. lexique ci-dessous : lexique) et les semences « certifiées » issues des semenciers professionnels. La majorité des semences dans le monde est produite par les paysans eux-mêmes. Selon l’ONG Grain, les semences certifiées ne représentent que 32,5 % de toutes les semences utilisées au niveau mondial.

Les semences paysannes ne sont pas protégées par des droits et sont librement échangées entre agriculteurs. Les entreprises semencières cherchent à réduire la place que ces semences occupent. Pour cela, elles ont élaboré, en lien avec les États, des outils pour encadrer juridiquement et limiter biologiquement la reproductibilité des semences.
Les outils juridiques sont : le catalogue (cf. Qu’est-ce que le catalogue officiel des espèces et des variétés en France et en Europe ?), les certificats d’obtention végétale (COV) et les brevets (cf. Qu’est-ce que le brevetage du vivant ?).
Le catalogue est le plus ancien et a été mis en place pour garantir une certaine qualité sanitaire des semences et une homogénéité. Si le catalogue a pu jouer un rôle économique (garantie des échanges, qualité sanitaire) et social, il est actuellement en partie décrié (voir ci-dessous).
Désormais, dans la plupart des pays, pour commercialiser les semences d’une nouvelle variété, son obtenteur doit l’inscrire obligatoirement au « catalogue officiel » des espèces et variétés. La variété subit alors des tests de « DHS » (pour Distinction, Homogénéité et Stabilité). Pour les grandes cultures, il existe aussi des tests de « VATE » (pour Valeur Agronomique, Technologique et Environnementale). Ces critères, notamment celui de la stabilité, excluent de fait les variétés population (cf. lexique ci-dessous : lexique), diversifiées et évolutives.

D’autres verrous provoquent l’impossibilité biologique, totale ou partielle, pour les semences, de se reproduire, on les nomme « verrous biologiques » : parmi ces techniques, on trouve les hybrides F1 (mauvaise reproduction l’année suivante. [1]), et les techniques génétiques de type « terminator » qui provoquent une stérilité (cf. Les OGM sont-ils stériles ?).

Semences : qui les produit ?

Ces outils ont entraîné une transformation radicale du marché des semences.
Les semences « certifiées », qui ne concernent qu’un tiers des paysans du monde (soit 450 millions en 2012) représentent un marché en expansion (en valeur), passé de 13 à 32 milliards d’euros entre 1985 et 2012, selon un rapport du Parlement européen.
Ce marché est aussi très concentré. Ainsi, les dix plus grosses entreprises semencières mondiales contrôlent 75% des semences « certifiées » et commercialisées et les trois premières d’entre elles (Monsanto, Dupont Pioneer et Syngenta) en commercialisent 53 % [2], contre 6,8% du marché en 1985, contrôlés alors par Pioneer, Sandoz et Dekalb.

Semences : les réglementations internationales

Différentes fonctions et valeurs sont attachées à la semence :
- en tant que produit de la nature, la semence est protégée par la Convention de la diversité biologique (CDB) ;
- en tant que ressource biologique, partie de la biodiversité génétique, elle est régie par le Traité international sur les ressources phytogénétiques utiles à l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA) (cf. Lutte contre la biopiraterie : le Protocole de Nagoya et le TIRPAA) ;
- en tant que système ayant intégré des innovations humaines, elle est régie par les accords sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC) de l’organisation mondiale du commerce (OMC) (cf. En quoi l’OMC intervient dans le dossier des OGM ?), par l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et par l’Union de protection des obtentions végétales (UPOV) ;
- enfin, en tant que patrimoine culturel, elle relève de nouveau de l’OMPI et de la CDB, notamment via le Protocole de Nagoya (droits des communautés locales).

Lexique

Hybride : c’est le résultat d’un croisement. Il est simple, si les deux lignées parentes ne sont pas apparentées ; et double si les parents sont des hybrides simples [3].

Hybride F1 : première génération d’un croisement de deux lignées pures. Les hybrides F1 sont issus du croisement de deux lignées sur lesquelles l’autogamie a été forcée pendant un certain nombre de générations afin d’avoir des individus homozygotes (dotés de gènes aux allèles identiques) présentant une caractéristique intéressante. Dans le cas des plantes allogames, l’autogamie forcée produit une «  dépression consanguine » importante.
En année 1, ce croisement bénéficie du retour à l’allogamie, qui lui donne une supériorité par rapport aux lignées pures (meilleur rendement), mais en cas de ressemis l’année suivante (année 2), les plantes obtenues sont chétives et hétérogènes, car, le croisement n’ayant pas été pas stabilisé, elles héritent de nombreux caractères dépressifs de leurs « grand-parents » consanguins. Les hybrides F1 entraînent une dépendance des agriculteurs qui se voient contraints de racheter leurs semences chaque année.

Lignée, lignée pure : ensemble d’individus homozygotes, tous identiques entre eux, et qui par auto-fécondation se reproduisent donc de façon identique à eux-mêmes.

Sélection « généalogique » : sélection s’opérant le plus souvent à partir d’une population résultant du croisement de deux lignées et intégrant le suivi des descendances au cours des générations d’autofécondations, dans le but de créer une nouvelle lignée.

Semences biologiques : Pour la définition officielle, une semence certifiée en agriculture biologique est une semence dont les plantes mères ont été produites conformément aux règles de l’AB pendant au moins une génération ou, pour les plantes pérennes, deux saisons de végétation (CE 834/2007) [4]. L’IFOAM souhaite exclure les semences dont l’intégrité cellulaire a été perturbée : CMS (stérilité mâle cytoplasmique)... De nombreuses semences « biologiques » sont issues de la mutagénèse aléatoire (légumes, riz, céréales...). En cas d’absence de semences bios sur le marché, certaines dérogations sont encore accordées et certaines semences cultivées ainsi en bio sont issues de CMS (colza...).

Semences de ferme : les semences de ferme, ou semences fermières, sont les graines récoltées à partir de semences sélectionnées issues de l’industrie semencière (donc semences « industrielles ») mais multipliées par l’agriculteur à la ferme par soucis d’économie et d’indépendance (définition de la Coordination Nationale de Défense des semences fermières).

Semences « industrielles » : ce terme générique désigne l’ensemble des semences produites par un semencier professionnel : il peut s’agir d’une sélection variétale classique (y compris massale), mais aussi plus sophistiquée, avec la production d’hybrides F1, d’OGM, de plante mutées... Toutes ces semences, pour être commercialisées, doivent être inscrites dans le catalogue officiel de variétés, et sont le sujet soit d’un certificat d’obtention végétal (COV), soit d’un brevet.

Semences paysannes : semences sélectionnées et reproduites par les paysans dans leurs champs de production. A l’opposé des semences industrielles standardisées, ce sont des populations diversifiées et évolutives, issues de méthodes de sélection et de renouvellement naturelles, non transgressives et à la portée des paysans (sélection massale, pollinisation libre, croisements manuels, etc.). Leurs caractéristiques les rendent adaptables à la diversité et à la variabilité des terroirs, des climats, des pratiques paysannes et des besoins humains sans nécessaire recours aux intrants chimiques. Reproductibles et non appropriables par un titre de propriété, ces semences sont échangées dans le respect de droits d’usage définis par les collectifs qui les ont sélectionnées et conservées [5].

Variété essentiellement dérivée : La notion de « variété essentiellement dérivée » (VED) a été introduite avec la version de 1991 de la convention de l’Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV). Il s’agit pour les semenciers de garder un droit de propriété sur des variétés dont les différences avec la « variété-mère » sont minimes (par exemple, l’introduction d’un seul gène pour modifier une variété n’est pas suffisante pour que l’obtenteur initial en perde la propriété).
La définition officielle est la suivante (UPOV 91, chapitre V, article 14) [6] :
Une variété est réputée essentiellement dérivée d’une autre variété ("variété initiale") si :
i) elle est principalement dérivée de la variété initiale, ou d’une variété qui est elle-même principalement dérivée de la variété initiale, tout en conservant les expressions des caractères essentiels qui résultent du génotype ou de la combinaison de génotypes de la variété initiale,
ii) elle se distingue nettement de la variété initiale et
iii) sauf en ce qui concerne les différences résultant de la dérivation, elle est conforme à la variété initiale dans l’expression des caractères essentiels qui résultent du génotype ou de la combinaison de génotypes de la variété initiale.
Les variétés essentiellement dérivées peuvent être obtenues, par exemple, par sélection d’un mutant naturel ou induit ou d’un variant somaclonal, sélection d’un individu variant parmi les plantes de la variété initiale, rétrocroisements ou transformation par génie génétique.

Variétés population : les variétés population sont constituées d’individus à haute diversité intra-variétale qui sont sélectionnées et multipliées en pollinisation libre et/ ou en sélection massale, et, contrairement aux hybrides F1, qui peuvent se ressemer d’une année sur l’autre. Elles contribuent donc à l’autonomie des agriculteurs. Ce type de sélection, à la fois conservatrice et évolutive, a été pratiqué depuis les premiers temps de l’agriculture et caractérise aujourd’hui le mieux les « semences paysannes ». Juridiquement, ce ne sont pas des variétés car elles ne correspondent pas aux normes juridiques qui définissent la variété.

[3Gallais, A., De la domestication à la transgénèse, Quae éditions, 2013

Actualité du Réseau Semences paysannes

LES FRAUDES APPROUVENT-ELLES CEUX QUI REFUSENT L’ADHÉSION FORCÉE AU GNIS ?, janvier 2014

Soutien aux petits maraîchers menacés par les agents de l’inter-profession des semenciers., janvier 2014

Impuissance scientifique à modéliser la coexistence OGM ou évidence paysanne de son impossibilité, que choisira le Ministre de l’Écologie ?, janvier 2014

Réforme européenne : les députés européens préparent une nouvelle réglementation pour les semences., décembre 2013

Pour le Sénat, les paysans sont tous des contrefacteurs., novembre 2013