C'est un petit encadré qui a fait grand bruit dans le monde associatif étudiant. Dans son édition du 29 avril, Le Canard enchaîné dénonce un « coup de Crous » supposé entre le Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous), le syndicat Union nationale des étudiants de France (UNEF) et l'association des Etudiants musulmans de France (EMF).
Ces trois structures auraient œuvré afin d'obtenir un logement étudiant pour Sid Ahmed Ghlam, le Franco-Algérien de 24 ans suspecté d'avoir ourdi des attentats contre deux églises de Villejuif et mis en examen fin avril. Des allégations au conditionnel de la part du journal satirique que n'ont pas manqué de dénoncer les trois organisations concernées.
Citant l'analyse d'enquêteurs chargés de l'affaire Ghlam et celle d'un « ministre au parfum », Le Canard enchaîné dépeint l'UNEF comme une association en perte de vitesse lors des élections du Crous de novembre 2014, « talonnée par la FAGE », syndicat concurrent, et « recherchant des alliés ». Une situation qui aurait conduit le syndicat à s'appuyer sur des soutiens « du côté des organisations salafistes », écrit l'hebdomadaire. Le Canard enchaîné évoque EMF, qui aurait, en contrepartie de ses voix, demandé à l'UNEF, dont des élus siègent aux conseils d'administration des Crous, de fournir un logement étudiant à Sid Ahmed Ghlam. Ce dernier a effectivement résidé dans deux résidences pour étudiants du Crous à Paris.
« Nous n'avons eu aucun contact direct ou indirect avec Sid Ahmed Ghlam et n'avons donc eu aucune intervention le concernant auprès du Crous, conteste William Martinet, président de l'UNEF, qui nie aussi avoir eu un accord avec l'EMF de Paris. Nous sommes des associations concurrentes, et nous ne connaissons même pas l'existence d'une section parisienne de cette association. Pour être parfaitement honnête, le seul contact que j'ai eu avec leur président national, c'est au hasard de la manifestation pour Charlie au lendemain des attentats de janvier. »
Un dossier blanc
L'EMF, association de cinq cents membres, présente dans une vingtaine de villes françaises, a découvert une reproduction de l'article du Canard sur le site identitaire Français de souche. « Nous ne sommes pas salafistes, bien au contraire, bondit Anas Saghrouni, son président. Nous agissons plutôt comme un rempart contre ces dérives radicales. » Au sujet de Sid Ahmed Ghlam, il jure que l'étudiant « n'a jamais été membre de l'association. »
Face aux accusations, Guillaume Houzel, président du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, est allé fouiller dans les archives. « Le dossier de Sid Ahmed Ghlam indique qu'il a été boursier échelon 6 (correspondant à une aide de 4 768 euros par an), ce qui signifie qu'il est issu d'un milieu particulièrement modeste, explique-t-il. Ses demandes de logement ont fait l'objet d'un traitement prioritaire, comme c'est le cas pour tous les boursiers des échelons 5 à 7. Il n'y a pas eu la moindre intervention syndicale, politique ou policière à son propos. Il n'y a pas non plus de remarque ou plainte de la part de voisins, ou d'étudiants. Son dossier est blanc. »
Une perche pour l'extrême droite
Auteur de l'encadré, et rédacteur en chef du Canard, Louis-Marie Horeau maintient. « Nous ne contestons pas que Ghlam remplissait les conditions d'admission à la bourse et au logement, mais nous maintenons qu'il a eu un coup de pouce de l'UNEF. C'est ce que notre source ministérielle, proche du dossier, nous a confirmé. »
Les appels et les e-mails de l'UNEF à l'hebdomadaire sont restés lettre morte. « Il n'y a pas non plus de correctif dans le Canard du 6 mai », regrette William Martinet. A la rédaction du Canard enchaîné, on conteste avoir reçu une demande de droit de réponse. « Ils ne se rendent pas compte qu'ils sont en train de tendre une perche à l'extrême droite avec ces fausses allégations, soutient M. Martinet. Toute la fachosphère bruisse de cette soi-disant preuve qui vient renforcer l'islamophobie et la théorie du complot. Notamment celle qui veut que les réseaux islamistes soient infiltrés partout dans la société française. »
L'UNEF et EMF disent étudier toutes les voies possibles afin de « corriger cette erreur diffamante », jusqu'à l'éventualité de « saisir la justice ».