Le mouvement
Le Mouvement. La lutte des Africains-Américains pour les droits civiques, Thomas C. Holt, La Découverte, 2021, 182 p., 18 €.
Maud Navarre
Mensuel N° 341 - Novembre 2021

Historien spécialiste de la diaspora africaine et professeur émérite de l’université de Chicago, Thomas Holt retrace les mobilisations des Afro-Américains pour la conquête des droits civiques dans la décennie 1955-1965 et analyse les raisons de leur succès.
Selon T. Holt, le contexte socioéconomique a contribué à l’issue de ces mobilisations : les premières générations d’Afro-Américains scolarisés et la période de prospérité de l’après-guerre ont fait basculer la population américaine dans la société de consommation. Les Afro-Américains sont devenus eux aussi des salariés et des consommateurs qui exigeaient d’être traités d’égal à égal avec les Blancs.
D’ailleurs, les mobilisations les plus efficaces se déroulèrent dans des villes du « nouveau Sud », où les Afro-Américains représentaient une part importante de la population et avaient suffisamment d’argent pour peser sur le marché local. Les boycotts comme celui des bus urbains de Montgomery (qui a duré 381 jours) eurent de la force et de la visibilité. En revanche, dans le vieux Sud, plus rural, vivant de l’exploitation agricole (coton), la mobilisation fut plus compliquée en raison de la dépendance des Afro-Américains à leurs patrons et de la violence des réactions.
Selon T. Holt, le succès du mouvement réside moins dans la mobilisation des figures emblématiques telles que Martin Luther King que dans les actions de gens ordinaires. On découvre ainsi des personnalités du Mouvement peu connues, notamment des enfants qui ont organisé une marche ou encore des femmes comme Ella Baker ou Carrie, la grand-mère de T. Holt, qui refusa dix ans avant Rosa Parks de laisser sa place à un Blanc dans un bus. Le mouvement des Afro-Américains pour les droits civiques en inspira d’autres : les mouvements d’étudiants blancs et noirs dans les années 1960, le mouvement des Amérindiens et des Chicanos, le mouvement féministe (dont les racines américaines remontent à la mobilisation anticoloniale). Ce livre démontre avec brio que le mouvement des Afro-Américains joua un rôle majeur dans l’histoire sociale américaine.