CONNAISSANCE

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La connaissance désigne un rapport de la pensée à la réalité extérieure et engage la notion de vérité comme adéquation de l'esprit et de la chose. Par extension, le terme connaissance désigne le contenu de la pensée qui correspond à la nature de la chose visée, et s'oppose à erreur ou illusion. Ses caractères sont l'universalité et la nécessité, ce qui suppose de réfléchir sur la méthode propre à nous faire parvenir à la connaissance. En ce sens, elle est plus qu'une croyance partagée puisque son universalité est de droit ; de même elle diffère de l'opinion dans la mesure où elle est une opinion vraie, « accompagnée de raison » (Platon).

Si, en philosophie comme en sociologie, la connaissance est un rapport de la pensée à la réalité, il doit y avoir des degrés de connaissance comme il y a des degrés de réalité. C'est ce que montre Platon par le schéma de la ligne (La République, VII) : au plus bas degré de réalité correspond le plus bas degré de connaissance, celui que nous donne la perception sensible ; c'est au terme de la démarche dialectique que la pensée pure parvient au plus haut degré de connaissance, c'est-à-dire à saisir la nature immuable de la chose, son essence. Le jeu des questions et des réponses doit être mené de telle manière que les impressions sensibles laissent peu à peu place au raisonnement puis à l'intuition intellectuelle. L'âme doit s'affranchir de l'influence perturbatrice du corps pour retrouver la vérité qu'elle connaît de toute éternité parce qu'elle est de même nature qu'elle. Toute connaissance au sens fort est donc pour elle une réminiscence (Ménon).

Cette approche qui définit l'activité philosophique par la recherche de la connaissance peut sembler paradoxale, car c'est en faisant retour sur elle-même que la partie intellectuelle de l'âme parvient à retrouver la réalité. Il faut rappeler que cette conception est une réponse au scepticisme inauguré par les sophistes (Gorgias, Protagoras), et qui sera prolongé par Pyrrhon pour qui la séparation de la réalité et de la pensée empêche par principe celle-ci de rejoindre celle-là.

La position d'Aristote est dictée par les termes de ce débat : il n'y a de science que de l'universel, mais c'est en prenant acte des données de l'expérience sensible que l'intellect parvient à produire la connaissance par une démarche d'abstraction. Les règles logiques sont l'instrument (Organon) dont l'intellect se sert à cet effet. Néanmoins, la question de la connaissance reste entière, puisque le présupposé de pouvoir atteindre le réel a seulement été déplacé d'un innéisme vers un empirisme.

C'est pourquoi la philosophie moderne semble à beaucoup d'égards reposer le débat dans les mêmes termes qu'initialement, en particulier dans le débat opposant l'empirisme de John Locke et l'innéisme de G. W. Leibniz. Pour Locke, l'esprit est d'abord une table rase, et les objets matériels causent en lui la présence de sensations qu'il compose en idées, qui doivent être vérifiées empiriquement pour accéder au statut de connaissance : toute connaissance part de l'expérience et s'achève en elle (Essai sur l'entendement humain, 1690). Pour Leibniz au contraire, le sensible n'a pas de réalité propre, il n'est que de l'intelligible confus qu'il s'agit de clarifier. Toute substance contenant la totalité de ses déterminations, la connaissance est une analyse qui s'appuie sur les idées innées (Nouveaux Essais sur l'ente [...]

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Écrit par :

  • : professeur à l'université de Washington (États-Unis)
  • : professeur d'histoire et de sociologie des sciences, université du Québec à Montréal (Canada), directeur scientifique de l'Observatoire des sciences et des technologies (OST)
  • : professeur émérite à l'université catholique de Louvain (Belgique)

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Pour citer l’article

Michaël FOESSEL, Yves GINGRAS, Jean LADRIÈRE, « CONNAISSANCE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 20 janvier 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/connaissance/